"Dès que quelqu’un parle vraiment, il n’y a plus de mort. La voix fraternelle rassemble les mondes, apaise le sommeil des étoiles". L’immense poète et écrivain français Christian Bobin est décédé ce jeudi 24 novembre. Il avait 71 ans. 'Et Dieu dans tout ça' nous donne à entendre ici le dernier entretien qu’il nous avait accordé. C’était en 2019.
Au départ de son admiration pour le peintre Pierre Soulages, Christian Bobin signait Pierre. Il nous livrait ses réflexions sur la vie, la mort, Dieu et sur tout ce qui apporte du sublime dans nos vies.
La part manquante, Le Très-Bas, Une petite robe de fête, La plus que vive, Ressusciter, Un bruit de balançoire... dans ses textes, nous croisions des anges, nous entendions le fou rire de Dieu et nous voyions la beauté des fleurs.
Tout est souffle
"La voix, c'est la présence totale. (...)
C'est la première donnée de notre existence, avec la voix maternelle, parfois seigneuriale,
parfois apaisante, parfois inquiétante. (...)
Pour qu'il y ait rencontre, il faut d'abord qu'il y ait signature de la présence,
et la voix est cette signature.
Il y a des choses qui rendent sourd, qui éteignent les voix : ce sont les paroles convenues, trop savantes, uniquement savantes, qui ne se risquent pas à faire des échappées."
"Ce qu'on fait de mal, c'est de ne pas être assez présent. Être présent ? La flamme de la vie, je me souviens d'états de rêverie de mon père. Il était dans un songe qu'il ne partageait pas, mais il irradiait d'une présence, d'une luminosité dont je sens toujours les rayons sur moi. Les présences démentent la mort, démentent le néant. Les vivants que sont les morts..." déclarait-il en 2019 sur les ondes de La Première.
"Il faut que ce qui est dit touche au secret de ma vie, sans qu'on s'en rende compte.
Il faut que le silence qui est en moi soit touché comme par une main de lumière
par la voix de l'autre.(...)
Une seule parole peut changer toute la vie."
"Quand quelqu'un meurt, il ne disparaît pas. C'est l'inverse. C'est à ce moment-là que la personne apparaît, parce qu'elle est délivrée d'elle-même, de ses ombres, de sa volonté, de son ambition, de tout projet, de toute connaissance que l'on croyait avoir d'elle. Et il y a un surgissement de quelque chose qui, bizarrement, à l'instant où tout s'efface, est ineffaçable. (...) Les disparus ne sont donc pas des disparus, ils sont une armée douce, fidèle, qui nous assure de recevoir un rayon de soleil" expliquait-il au micro de Pascal Claude.