La famille verte vit des lendemains difficiles après l’accord intervenu pour prolonger deux réacteurs nucléaires. Chez Ecolo personne ne prononce le mot "défaite". Pourtant c’est bien de cela qu’il s’agit.
Plan B comme Bouchez
Contre leur gré Ecolo et Groen ont subi ce dossier et sont forcés d’aller là où ils ne voulaient pas aller : vers la prolongation, vers le plan B, le plan B comme Bouchez. Le président du MR est monté aux barricades depuis des mois pour défendre le nucléaire. C’est son scénario qui triomphe aujourd’hui. Lui qui a d’abord argumenté sur la question des émissions de CO2, puis sur la question de la sécurité d’approvisionnement, puis des prix, puis de l’indépendance énergétique.
Ecolo a tenté de contrer chaque argument. Mais l’envolée des prix du gaz à rendu leur discours de moins en moins audible dans l’opinion. Au sein de la coalition, les verts étaient en outre de plus en plus isolés. Le plan A semblait perdu, la question devenant comment ne pas perdre la face. La guerre en Ukraine est arrivée. Ecolo et Groen y ont trouvé une occasion en or pour limiter la casse. Ne pas donner raison à Georges Louis Bouchez mais répondre à l’événement, à l’imprévu. Mais enfin, pas grand monde n’est dupe. Accepter la prolongation, modifier la loi de sortie de 2003 qui est leur grande victoire historique, ne peut être autre chose qu’une défaite.
Une défaite maquillée en victoire
Ecolo défend un accord prévoyant un milliard dans le renouvelable et la fermeture de 5 réacteurs nucléaires sur les 7 que compte la Belgique. Bien sûr Ecolo et Groen ne sortent pas entièrement nus de cette affaire. Quelque part, si on ferme les yeux et qu’on oublie toute la séquence, on peut même se dire que c’est un accord plutôt intéressant pour les verts car ils obtiennent des investissements dans les renouvelables qu’ils n’auraient pas obtenus avec le plan A. Un peu moins de gaz, beaucoup de renouvelables et un peu de nucléaire. Sur le papier c’est défendable, notamment auprès des plus jeunes électeurs particulièrement mobilisés sur la question du climat et moins sur la question nucléaire comme les premières générations d’Écologistes.
Mais enfin ils doivent maintenant négocier avec Engie le maintien du nucléaire, assumer malgré l’agression russe la construction de deux centrales au gaz et lâcher quelques millions pour le développement des SMR petits réacteurs nucléaires.
Mais surtout, ils doivent faire oublier deux ans où ils ont développé des kilomètres d’argumentation contre cet équilibre nucléaire renouvelable. Expliquer que ce qui ne fonctionnait pas, ce qui n’était pas durable, ce qui n’était pas rentable, ce qui n’était pas possible, ce qui était dangereux est aujourd’hui fonctionnel, durable, rentable, possible, sécurisé. Les écologistes se retrouvent à argumenter contre eux-mêmes, à faire oublier ce qu’ils ont dit durant des années. Pour la crédibilité de la parole d’ECOLO c’est un moment difficile.
Réactions des associations
Plusieurs associations environnementales s’en prennent aux verts. Ce n’est pas la première fois, tant s’en faut, que l’écologie de gouvernement s’oppose à l’écologie des associations. Mais ici le clash est d’une autre ampleur. Greenpeace dénonce “une catastrophe pour le climat, la sécurité et la facture d’énergie”. InterEnvironnement évoque “une occasion manquée de réécrire notre avenir énergétique”. Stop nucléaire lâche que “Le gouvernement a choisi à la fois la peste et le choléra”.
Bref, le moment est douloureux pour les verts qui doivent de surcroît aller à Canossa pour négocier avec Engie. Négocier cela veut dire forcément accepter des compromis, que ce soit sur la rente nucléaire, les déchets, ou le démantèlement, le dossier n’est pas clos. Le grand risque politique pour Ecolo c’est que ce dossier traîne et que d’ici les élections, ils ne puissent pas passer à autre chose.
Un risque d’autant plus important qu’il n’y a aucune raison que le président du MR ne cesse sa guérilla contre les verts, puisqu’il est évident que le nucléaire n’est pas le vrai enjeu pour lui. Le vrai enjeu c’est le leadership politique francophone, et cela passe par un combat total du MR contre Ecolo.