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Les Européens cherchent la réponse au protectionnisme américain dans le renouvelable

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Comment défendre l’industrie en Europe sans tomber dans le protectionnisme ? C’est le sujet qui préoccupe aujourd’hui tous les dirigeants européens. Le problème, c’est que les solutions qu’ils mettent sur la table ne vont pas toutes dans la même direction. C’est peu de le dire tant le sujet divise les 27. La Suède, qui se retrouve aux commandes du Conseil de l’Union européenne pour six mois, va devoir jouer les médiateurs. Pas facile pour un Etat traditionnellement allergique à tout ce qui pourrait remettre en question le libre-échange.

Le sujet est au sommet de l’agenda européen

Cette semaine, Ursula von der Leyen et son équipe de commissaires européens étaient à Kiruna, dans le Grand Nord suédois pour le lancement de la présidence suédoise du Conseil de l’Union européenne.

La présidente de la Commission européenne et le Premier ministre suédois Ulf Kristersson en ont profité pour évoquer le dossier chaud de ce début d’année : la réponse européenne à l’Inflation Reducation Act (IRA).

Un gigantesque paquet législatif promulgué en août dernier par le président Biden, et qui prévoit 370 milliards de dollars pour doper l’industrie verte made in USA.

L’Inflation Reduction Act permettra aux Etats Unis d’accorder une subvention de 7500 dollars pour l’achat d’un véhicule électrique fabriqué aux Etats-Unis.
L’Inflation Reduction Act permettra aux Etats Unis d’accorder une subvention de 7500 dollars pour l’achat d’un véhicule électrique fabriqué aux Etats-Unis. © Tous droits réservés

A priori, cette loi va dans la même direction que le Pacte vert européen : favoriser la transition écologique de nos économies. Sauf que l’IRA a une force de frappe beaucoup plus puissante que le Pacte vert européen.

À grands coups de subventions, elle cherche à attirer les entreprises "vertes" aux Etats Unis et les dommages collatéraux se font ressentir de ce côté-ci de l’Atlantique. Plusieurs entreprises européennes sont ouvertement courtisées par les Américains au point que les Européens aujourd’hui craignent pour leur tissu industriel.

La crainte d’une guerre commerciale

Lors du sommet européen de décembre 2022, les 27 chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union ont demandé à la Commission de leur présenter une stratégie pour stimuler la compétitivité et la productivité de l’Union. Une formule suffisamment vague pour ne pas paraître alarmiste.

Les Etats Unis sont nos alliés, "la dernière chose dont nous ayons besoin, c’est de déclencher une guerre commerciale avec eux", explique une source diplomatique européenne. Mais il ne faut pas s’y tromper : les 27 cherchent la formule magique pour contrer les effets de l’IRA.

Les premiers contacts avec l’administration Biden pour tenter de négocier des exceptions à ce qui s’apparente bien à du protectionnisme n’ont rien donné. Les Etats Unis ne semblent pas prêts à ce que les produits fabriqués dans l’Union soient eux aussi éligibles aux crédits d’impôts américains. Il faut passer à la vitesse supérieure.

Un plan européen en préparation

Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, est particulièrement actif dans ce dossier. Il fait le tour des capitales européennes pour convaincre les dirigeants européens de travailler sur des mesures comparables aux subventions américaines.

"La réponse européenne comportera trois volets, précise le commissaire français, un volet réglementaire destiné à accélérer l’essor de la Green Tech (l’économie verte) européenne, un volet financier pour que l’ensemble des Etats membres aient accès aux ressources nécessaires pour soutenir ce secteur et la création d’un fonds souverain capable d’investir dans des projets industriels européens".

Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur veut convaincre les 27 Etats membres de subventionner l’industrie verte européenne.
Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur veut convaincre les 27 Etats membres de subventionner l’industrie verte européenne. © AFP or licensors

Un risque de déséquilibre du marché intérieur

C’est cette dernière idée qui fait particulièrement débat. D’aucuns y voient une manière de distribuer de nouvelles subventions européennes. La France, l’Espagne, l’Italie sont plutôt pour. L’Allemagne ou les pays scandinaves, farouchement contre. Mais les lignes sont en train de bouger. Les sociaux-démocrates allemands appellent aujourd’hui l’Union européenne à rendre plus flexibles ses règles concernant les aides d’Etat, voire à lancer de nouveaux emprunts en commun pour aider l’industrie européenne.

"Aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort", c’est aussi le message envoyé par le président français Emmanuel Macron à la veille du dernier sommet européen.

Mais le chancelier Scholz ne partage pas cet empressement. Une position de plus en plus difficile à tenir. L’Allemagne, première puissance économique de l’Union, a pu mettre sur la table près de 200 milliards d’euros d’aides à ses entreprises. C’est aussi le pays qui a accordé près de la moitié des 540 milliards d’aides d’Etat approuvées par la Commission. Des moyens jugés disproportionnés par rapport à ceux dont disposent les autres Etats de l’Union. A terme, ce déséquilibre risque de fausser la concurrence dans le Marché unique.

Emmanuel Macron veut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. Olaf Scholz lui cherche à temporiser
Emmanuel Macron veut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. Olaf Scholz lui cherche à temporiser © Tous droits réservés

"Il faut agir, reconnaît Ulf Kristersson lors du lancement de la présidence suédoise à Kiruna. Il faut que les entreprises européennes soient toutes sur un pied d’égalité. Mais nous devons le faire sur la base de faits et de chiffres et d’une bonne analyse de ce qui se pourrait arriver si nous ne faisons rien. Quelles seraient les conséquences, bonnes ou mauvaises, d’un changement des règles européennes ?"

C’est à la Commission européenne de répondre à ces questions. Les propositions sont attendues au tout début du mois de février, quelques jours avant le sommet européen extraordinaire des 9 et 10 février. Le sujet se retrouvera au cœur des débats entre les dirigeants européens. Il promet d’être animé.

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