Monde Europe

Les euros ont 20 ans… Les faux euros aussi !

Ces deux billets ont circulé en Belgique. Lequel est faux, lequel est vrai ?

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Par Myriam Baele

Vous aviez quel âge le 1er janvier 2002 ? Vous vous souvenez de vos premiers euros ce jour-là ? Êtes-vous de ceux qui avaient fait la file au distributeur automatique, aux petites heures du matin, pour être parmi les premiers à toucher cette "monnaie unique" historique ?

L’arrivée des euros dans les portefeuilles et les commerces avait été un événement et un défi : en une nuit de réveillon, 14 milliards de nouveaux billets et 80 milliards de pièces rutilantes avaient été mis en circulation dans douze Etats. Du jour au lendemain, 300 millions d’Européens devaient apprendre à les apprivoiser et à renoncer à leurs francs belges, leurs lires italiennes ou leur deutsche mark.

Derrière l’effervescence, les autorités laissaient poindre une appréhension : les appétits des faussaires pourraient être attisés par l’inexpérience des gens et par la très vaste diffusion de cette nouvelle monnaie.

Qu’en a-t-il été ?

L’euro a-t-il été effectivement une aubaine pour les contrefacteurs ?

Happy birthday, les faux euros

Nos archives RTBF en témoignent : plusieurs semaines avant l’entrée en circulation des euros, il y a 20 ans aussi, les premiers faux billets étaient découverts. Des contrefacteurs étaient donc déjà dans les starting-blocks.

JT du 07 novembre 2001: les premiers faux euros

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Au départ, cette contrefaçon avait été timide. Puis elle a atteint un pic quatre ou cinq ans après l’arrivée de l’euro.

Laurent De Nys s’en souvient. Il est à la tête de la "division circulation fiduciaire" à la Banque nationale de Belgique. Cela signifie qu’il est responsable de l’approvisionnement du public en pièces et billets et de garantir l’intégrité de l’euro. C’est son équipe qui recueille les faux billets trouvés partout en Belgique et qui les examine pour en déduire la provenance.

Laurent De Nys a suivi de près l’évolution des faux euros au fil de ces 20 ans.

"Au départ, le contrefacteur a mis un certain temps à s’adapter. Puis il s’est adapté et on a vu eu un pic de faux billets en euros. Mais c’est resté dans des volumes comparables à ce qu’on avait avec d’autres unités monétaires. Et c’était comparable aussi au nombre de faux billets qu’on avait eu avec le franc belge. Puis au fil du temps, on a introduit une deuxième série de billets plus difficiles à imiter. Et à présent, le nombre de faux billets est en constante diminution."

Les billets de 100 et 200 euros de deuxième génération, lancés en mai 2019, sont plus difficiles à imiter notamment pour leurs impressions qui n’apparaissent qu’aux lampes UV.
Les billets de 100 et 200 euros de deuxième génération, lancés en mai 2019, sont plus difficiles à imiter notamment pour leurs impressions qui n’apparaissent qu’aux lampes UV. © Tous droits réservés

Aujourd’hui, explique Laurent de Nys, le nombre de faux billets retrouvés est historiquement bas :

"Il n’y a que 17 faux billets pour un million de billets en circulation dans la zone euro"

Il insiste : "ce chiffre donne peu de risque au citoyen d’en trouver un entre ses mains". Et Laurent De Nys se félicite des chiffres récents : en 2020, 17.000 faux billets ont été trouvés sur le territoire belge, bien en dessous des 25.000 de 2019.

Mais il y a des ombres à ce tableau.

900.000 euros de pertes en 2020 en Belgique

Ces chiffres n’incluent pas les faux billets saisis (par les douanes par exemple) avant d’avoir été mis sur le marché. Et ces chiffres pourraient ne pas rester "historiquement bas".

Les contrefacteurs imitent déjà les nouvelles coupures. Elles sont effectivement très difficiles à copier mais certains faussaires se contentent de faux approximatifs, misant sur l’inattention des utilisateurs.

On remarque aussi qu’une part de cette baisse est liée au Coronavirus : le nombre de paiements en liquide a chuté en 2020 et 2021. Il est donc logique que la circulation de faux billets ait baissé aussi. Cette baisse-là peut être réversible.

Autre bémol : même s’il s’agit d’une amélioration, trouver 17.000 faux billets en circulation en 2020 en Belgique représente une perte de 900.000 euros, sur une seule année et dans un seul des 19 Etats de la zone euro. La contrefaçon reste un vol massif.

Pour s’attaquer à ce vol, les polices européennes doivent en permanence se mettre à la page. Les deux premières décennies de l’euro leur ont demandé beaucoup d’adaptations.

Du petit contrefacteur aux mafias

Le franc belge avait ses faussaires : leur portée était la Belgique. Le territoire de l’euro est bien plus vaste, la portée des faussaires aussi. Dans leurs rangs, on trouve de plus "gros poissons".

Pascal Roland a connu cette transition au sein de la Police fédérale. Il est aujourd’hui Inspecteur principal à l’Office central de répression du faux monnayage. Il travaillait déjà à la répression du faux monnayage il y a 20 ans. Il se souvient bien de l’impact de l’arrivée de l’euro sur la qualité des contrefaçons et sur le travail d’enquête.

"Avant l’euro, avec le franc belge, on avait chez nous en Belgique surtout de petits contrefacteurs qui produisaient quelques centaines de billets maximum. Avec l’arrivée de l’euro, monnaie internationale, les organisations criminelles se sont lancées dans le business."

Parmi celles-ci, des mafias. "80 à 85% des faux billets qu’on trouve sur le territoire belge viennent de l’étranger : d’états limitrophes ou de plus loin. L’Italie, par exemple, d’où proviennent une bonne part des faux billets. Enormément de démantèlements ont lieu en Italie dans la région de Naples."

Cette nouvelle réalité a poussé rapidement les experts et les policiers européens à coopérer davantage. Les spécialistes en contrefaçon des banques centrales des différents pays, comme l’équipe belge de Laurent De Nys, mettent leurs observations en commun pour classifier les billets contrefaits en Europe et tenter de repérer des flux. Sur cette base ensuite, les polices des Etats concernés mènent des enquêtes coordonnées, avec l’aide d’Europol, pour démanteler ces filières transfrontalières.

La qualité des hologrammes (ici sur un vrai billet de 20 euros) est souvent très approximative sur les faux.
La qualité des hologrammes (ici sur un vrai billet de 20 euros) est souvent très approximative sur les faux. © INA FASSBENDER – AFP or licensors

Un autre changement important a modifié le travail d’enquête de ces deux décennies : Internet.

Internet a changé la donne

La progression d’Internet, et en particulier du dark web (aussi appelé web clandestin ou encore web caché, ndlr.), a aussi compliqué le travail d’enquête.

Le dark web permet d’acheter, souvent en provenance de Chine, certains éléments comme des hologrammes pour composer un billet contrefait, moyennant payement en cryptomonnaie. Le darknet permet aussi à celui qui veut acheter des faux de se les procurer avec plus de discrétion qu’il y a 20 ans.

"Avant, les personnes qui voulaient trouver de faux billets devaient trouver un faussaire, aller chercher les billets sur place et donc parfois louer des voitures pour aller à l’étranger les chercher et revenir avec", se souvient l’Inspecteur principal Pascal Roland. "Maintenant, ils commandent les billets via le dark web et se les font livrer par la poste : ils n’ont qu’à attendre l’enveloppe. C’est bien plus compliqué à intercepter."

Compliqué, mais possible. Aujourd’hui, les douanes repèrent des livraisons dans les envois de courrier et colis. C’est le cas parfois à Liège (Bierzet) et souvent à Louvain (Zaventem). En 2021, les contrôles des douaniers de Louvain ont permis de déceler 288 envois, soit 28.265 faux billets. Ces bouts de papier, s’ils étaient arrivés sur le marché, auraient représenté… 1.456.005 euros de perte pour tous ceux qui les auraient trouvés dans leurs portefeuilles ou dans leurs caisses de magasins.

Cette évolution a aussi entraîné une révision de la loi belge. Importer, exporter, transporter, recevoir ou se procurer de faux billets pour les mettre en circulation était déjà punissable d’emprisonnement, de six mois à cinq ans selon les cas. A présent, le Code pénal incrimine aussi la fabrication ou la possession des outils et des programmes informatiques ou des dispositifs de sécurité destinés à fabriquer de faux euros. En disposer dans une intention frauduleuse est passible d’emprisonnement aussi.

Des copies grossières mais des utilisateurs inattentifs

Chez qui aboutissent ces faux billets ? Qui sont les victimes des faussaires ?

Les pratiques ont aussi évolué au niveau de l’écoulement des faux euros, constate l’Inspecteur Pascal Roland. La plupart des faux billets sont repérés au moment où des indépendants, des commerçants par exemple, amènent leurs recettes à la banque. Mais avec le développement de l’économie circulaire, le marché de la seconde main est aussi devenu une voie d’écoulement.

Revendre son smartphone, sa console ou son véhicule, c’est une bonne idée… Avec quelques précautions.
Revendre son smartphone, sa console ou son véhicule, c’est une bonne idée… Avec quelques précautions. © Tous droits réservés

"Imaginez : vous mettez en vente votre smartphone, sur l’un des nombreux sites de seconde main sur internet", dit Pascal Roland, à titre d’exemple.

"Vous êtes alors contacté par une personne intéressée, vous vous fixez rendez-vous mais l’acheteur vous paye avec des faux billets : nous recevons ce genre de témoignages. Chez les commerçants, les arnaqueurs sont face à des professionnels qui ont été sensibilisés et qui ont l’habitude de manipuler de l’argent. Mais chez les particuliers, les arnaqueurs sont face à des gens qui n’ont pas ces connaissances ni le réflexe de vérifier. Ces particuliers se retrouvent alors sans leur smartphone et sans leur argent."

Les brocantes nocturnes peuvent aussi présenter des risques puisque la visibilité y est parfois réduite.

Pourtant, souligne l’Inspecteur de police, une majorité des faux sont des copies assez grossières et identifiables si on fait attention. Il invite à faire une vérification simple lors d’une vente en liquide de main à main, surtout si le montant est élevé : toucher, regarder et incliner, trois gestes pour éviter les mauvaises surprises.

  • Toucher les impressions en relief, comme les rayures en bordure du billet. Et les faux billets n’ont pas le même "craquant".
  • Regarder par transparence ce qui apparaît en filigranes : les nouveaux billets montrent un visage de femme, Europe. Sur certaines coupures, à partir de 20 euros, elle apparaît dans une fenêtre dans l’hologramme.
  • Incliner pour voir les hologrammes. Les hologrammes des faux sont souvent très grossiers.

Un tour sur le site de la Banque centrale européenne permet d’apprendre, en trois vidéos, comment repérer facilement ces faux billets. La probabilité d’en trouver un dans votre portefeuille est faible mais cela vaut la peine de mémoriser ces gestes une fois pour toutes, ces trois conseils-là n’ayant pas changé, eux, en deux décennies.

 


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