Belgique

"Les footballeurs sont moins taxés que les médecins, ce n’est pas normal" estime Joseph Pagano, professeur d’économie à l’UMons

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Par Hugues Angot

Les budgets des différentes entités du pays sont désormais bouclés. Et un constat s’impose, il y a des dettes à tous les étages de la maison Belgique. Une dette qui a même tendance à se creuser dans certains cas. Alors faut-il s’inquiéter de voir la dette ainsi gonfler ? Comment expliquer une telle situation ? Et doit-on s’attendre à un impact sur notre portefeuille ? Pour faire le point, QR l’actu a reçu Bernard Candelon, professeur d’économie à l’UCLouvain, et Joseph Pagano, professeur d’économie à l’Umons.

La Belgique vit au-dessus de ses moyens ?

Les dépenses ont effectivement fortement augmenté, le déficit s’est creusé et la dette a augmenté. Mais nous avons subi un choc avec cette crise sanitaire qui était imprévisible et d’une importance telle, qu’il fallait donc agir de la sorte commente Bertrand Candelon. "Il y avait une nécessité de soutenir et de relancer l’économie et on voit d’ailleurs que le rebond est important. Tout ceci dans un contexte où les taux sont très faibles. Cela a permis aux pouvoirs publics d’emprunter à faible coût. Par contre, il faut se rendre compte qu’avant cette dernière crise, nous n’avions pas encore soldé les comptes de la crise de 2008. Contrairement à nos voisins néerlandais ou allemands, nous avions une dette qui était toujours autour de 100% par rapport à la richesse créée. Donc, nous aurions dû créer des marges plus importantes par le passé".

Pour Joseph Pagano, ce niveau de la dette n’est pas vraiment inquiétant car nous empruntons à taux zéro voire parfois avec des intérêts négatifs. Donc finalement, le montant de la dette n’a pas beaucoup d’importance. Toutefois, il est fort probable qu’à l’avenir les taux remontent et que dès lors l’état devra payer des intérêts plus élevés.

De nouvelles taxes à l’avenir ?

La crainte de nouvelles taxes est bien réelle. C’est d’ailleurs ce que nous avons connu après la crise de 2008, avec une politique d’austérité. Mais comme l’explique Bertrand Candelon, on s’est rendu compte que cette politique d’austérité a fait du mal à notre économie. "Cette politique d’austérité a diminué l’activité et donc a eu un effet négatif sur la dette. Le FMI, le fonds monétaire mondial a d’ailleurs reconnu son erreur. Et donc je ne pense pas qu’on aura cette tendance à l’augmentation des taxes après la covid. Par contre, il sera essentiel que les dépenses publiques actuelles soient efficaces et qu’elles créent des richesses. Il faudra être pragmatique et non plus idéologique avec comme but premier de générer de l’activité".

Joseph Pagano se veut beaucoup plus prudent vis-à-vis des taxes. "Je ne peux pas garantir qu’il n’y en aura pas à l’avenir parce que les évolutions de notre société vont peut-être nous y obliger. Je prends deux exemples : les pensions et les soins de santé vont représenter prochainement près de 5% du PIB en plus. L’autre défi, c’est le combat pour le climat et isoler nos bâtiments va aussi coûter beaucoup d’argent".

Pas assez de recettes ? Recettes inéquitables ?

Le citoyen est très fortement taxé. La Belgique taxe beaucoup et surtout les revenus du travail confirme Joseph Pagano. Et c’est vrai qu’il y a des situations totalement anormales. Ce sont les fameuses niches fiscales où on peut aller chercher de l’argent selon le professeur d’économie de l’UMons. "Il n’y a aucune raison que le footballeur qui gagne la même chose qu’un médecin, soit moins taxé. Il y a aussi une non-taxation du kérosène, le carburant des avions. C’était censé favoriser les échanges internationaux. Ce n’est plus de notre temps cela. Là aussi, il y a des possibilités de taxation qui sont évidentes. Et enfin pensez à toutes ces multinationales qui ne sont pas taxées en Belgique ni ailleurs".

L’État dépense mal ?

Pour Bertrand Candelon, il est essentiel que les dépenses publiques soient efficaces et qu’elles soient évaluées : "Il faut absolument que les dépenses publiques créent de la croissance sinon nous n’arriverons pas à faire face au remboursement de la dette à terme. Pour chaque projet, il faudrait des trajectoires budgétaires et qu’on analyse son impact".

Fraude sociale et fiscale ?

L’objectif du gouvernement fédéral, c’est de ramener 400 millions dans les caisses de l’état sur la fraude. Un objectif tout à fait crédible selon Joseph Pagano, s’il y a une vraie volonté politique et surtout les moyens en terme humain pour y parvenir.

Bertrand Candelon ajoute qu’il y aurait certainement un moyen radical de lutter contre la fraude fiscale, c’est de purement et simplement supprimer l’argent liquide.

État trop coûteux ?

Joseph Pagano plaide pour une rationalisation de certaines structures politiques : "Je pense que nous n’avons pas besoin de régions et de communautés et de commission communautaire. On pourrait rationaliser. Je dois préciser que les économies ne seraient absolument pas suffisantes pour couvrir les dettes actuelles. Néanmoins, ce serait plus efficient et plus clair".

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