Les joueuses de foot norvégiennes ruent dans les préjugés

Les joueuses de foot norvégiennes ruent dans les préjugés

© NICHOLAS KAMM - AFP

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Par Damien Roulette

S’il existe un sport populaire qui se distingue par son conservatisme et son sexisme, c’est sans doute le football. Peu mises en valeur, méconnues du grand public, les footballeuses sont ainsi souvent la cible de clichés empreints de misogynie.

Caricaturons : une joueuse serait une lesbienne qui ne connaît pas la règle du hors-jeu et qui, de toute façon, est incapable d’effectuer un contrôle de la poitrine...

Pas de quoi effrayer les joueuses de l’équipe nationale norvégienne (championnes du monde en 1995) qui ont décidé de s’attaquer à ces préjugés avec un humour bien particulier. " Nous sommes mauvaises. Nous ne pouvons rien y faire ! ", explique Trine Rønning, capitaine de l’équipe nationale norvégienne, dans un faux reportage d’un peu moins de quatre minutes réalisé par NRK, la télévision de service public norvégien.

"Mon plus grand problème, c’est que je prends la balle avec les mains…J’oublie les règles… Et puis, oups, il y a main !", enchaine très sérieusement Emilie Haavi devant un journaliste sceptique.

Et les faux témoignages se poursuivent avec la milieu de terrain Cathrine Dekkerhus, qualifiée dans la vidéo de "Joueuse la plus sexy de la sélection" : "J’ai joué pour une très bonne équipe mais j’ai du quitter le club. Mes coéquipières tombaient toutes amoureuses de moi. J’ai paniqué et j’ai du partir. Il y a des lesbiennes partout ! Ça grouille de lesbiennes."

Les Sauterelles (surnom de l’équipe nationale norvégienne) ont même proposé quelques idées, histoire d’adapter le sport à leurs aptitudes : réduire la taille du terrain, jouer avec deux gardiens, etc.

Médias, responsables et fans alignent les sexismes

Il y a deux ans, Zlatan Ibrahimovic avait suscité une petite polémique en expliquant qu’il ne fallait pas comparer le football féminin et le football masculin. "Pas entièrement faux", lui avait répondu Sarah Chalani, gardienne de but du club de l’Yzeure (Auvergne, France), précisant que cela relevait d’un sexisme qu’elle subissait depuis son plus jeune âge.

Plus récemment, en juin 2015, la Coupe du monde féminine de football disputée au Canada a remis les clichés sexistes envers le football féminin sur la table. Un exemple devenu notoire, celui de la fédération anglaise de football qui avait accueilli le retour au pays l’équipe nationale féminine par un message indélicat :

Tweet sexiste de la Fédération anglaise de football au retour de l'équipe féminine de la Coupe du monde 2015
Tweet sexiste de la Fédération anglaise de football au retour de l'équipe féminine de la Coupe du monde 2015 © Capture d'écran

"Nos lionnes redeviennent des mères, des conjointes et des filles aujourd'hui, mais elles ont gagné un autre titre: héroïnes!"

Sur France Inter, la chroniqueuse Sophia Aram avait taclé la médiatisation injurieuse dont souffrait à ce moment-là le football féminin. Il est vrai que le site Metronews n’avait pas hésité à écrire un "article" sur les plus belles joueuses de la Coupe du monde. Néanmoins, signalons que le magazine Flair ne s’était pas privé côté beaux gosses.

Le site Slate.com avait relayé l’opinion de l’un de ses journalistes, Jeremy Stahl, qui critiquait la FIFA pour un ralenti sexiste sur la gardienne de but américain, Hope Solo, alors qu’elle se réhydratait.

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Les fans aussi sont concernés. Les commentaires parmi les amateurs du sport roi ne sont pas nécessairement plus distingués. Lors de la sortie du jeu FIFA 2016 et de sa nouvelle section consacrée aux équipes nationales féminines, les commentaires des fans avaient fustigé l’idée.

Commentaires misogynes après l'annonce de l'apparition des équipes nationales féminines dans FIFA 2016
Commentaires misogynes après l'annonce de l'apparition des équipes nationales féminines dans FIFA 2016 © Capture d'écran

"Avec les femmes dans FIFA2016, y aura-t-il une nouvelle célébration où on les voit faire un sandwich?" ou "Je n'arrive pas à croire qu'ils ont mis des équipes féminines dans Fifa 2016. Elles seront out pour la saison à cause d'une grosses". Ces commentaires ne doivent pas en masquer d'autres, plus enthousiastes. Finalement, EA Sports, la société derrière le jeu, joue la carte du pragmatisme en espérant attirer un public féminin qui la boudait peut-être par manque d'ouverture.

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