Les causes de la révolte sont en réalité profondes. La colère animée par l’obligation du port du voile est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Cette mesure contestée est le reliquat de décennies de fractures internes en Iran. Les libertés sont restreintes et la population souffre de problèmes économiques grandissants. Pour les observateurs de l’Iran comme David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS, l’Institut des relations internationales et stratégiques en France, si cette crise marque tant, c’est parce qu’elle se différencie, pour trois raisons, de précédents troubles connus dans le pays.
Le voile comme pomme de discorde est une première : "Il y a quelque chose d’inédit dans ce qu’il se passe, y compris par rapport à des mouvements antérieurs comme ceux de 2017, 2018 et à nouveau en 2019, qui étaient associés plus spécifiquement à des causes socio-économiques de cherté de la vie, d’augmentation des prix sur le carburant. Là, on est dans une configuration tout à fait différente parce que la cause première de ces manifestations est la mort d’une jeune femme par la police des mœurs, Gasht-e Ershad, patrouille d’orientation, qui est là pour surveiller le code vestimentaire imposé à la gent féminine (NDLR : port du voile ou manteau qui ne doit pas être relevé au-dessus des genoux)". Les premières manifestations agglomèrent certes, tous les mécontentements de la population, "mais sur le fond, c’est quand même l’abcès de fixation sur le voile qui touche au noyau dur, à l’ADN du régime".
Autre changement : ce sont les femmes qui ont lancé les manifestations sur cette mesure discriminatoire. "Les premières réclamations n’étaient pas sur la fin du voile mais sur la possibilité de ne pas le mettre. Aujourd’hui évidemment c’est bien la question de la prescription religieuse imposée par le régime".
Enfin, cette colère se répand pour la première fois, dans presque toutes les couches de la société :
Aujourd’hui vous avez une solidarité masculine qui s’est manifestée. D’abord de la jeunesse, mais pas seulement. D’abord de manières transclasses sociales et de manière transgénérationnelle parce que cela touche toutes les familles cette question problématique : les pères de famille se sont dit que Mahsa Ahmni aurait pu être leur fille, et les fils considèrent qu’elle aurait pu être leur sœur.
"C’est donc une traînée de poudre et le régime a beaucoup de mal à gérer quelque chose qui touche au fondement même de sa stabilité" pointe encore David Rigoulet-Roze.