Exposition - Musées

Les musées s’interrogent sur le sort des momies et autres restes humains de leurs collections

La question de la préservation des restes humains fait débat dans le milieu muséal.

Photographie izanbar / Getty Images©

Par AFP - Caroline Drzewinski

Le monde muséal s’interroge de plus en plus sur l’épineuse question des restes humains conservés dans certains établissements d’art d’envergure internationale. Directeurs de musée et conservateurs se demandent s’il faut continuer à les exposer au même titre que les œuvres d’art, ou s’il est préférable de les remiser voire de les restituer. Les momies en tête.

Le British Museum abrite la plus grande collection au monde d'antiquités égyptiennes en dehors du musée égyptien du Caire. Celle-ci comporte une centaine de momies, ou plutôt de "restes momifiés" et de "personnes momifiées". 

En effet, le musée londonien a pris la décision de moins utiliser le terme "momie" à l’avenir, dans un souci de ne pas déshumaniser ces corps préservés par-delà le trépas, selon le Daily Mail. Une initiative suivie par les différents établissements qui constituent les musées nationaux d’Écosse (National Museums of Scotland, en anglais), ainsi que le Great North Museum: Hancock de Newcastle upon Tyne. "Le mot "momie" n'est pas incorrect, mais il est déshumanisant, tandis que l'expression "personne momifiée" encourage nos visiteurs à penser à l'individu", a expliqué un porte-parole des musées nationaux d’Écosse au tabloïd anglais. 

Cette évolution terminologique intervient à un moment où la question de la préservation des restes humains fait débat dans le milieu muséal. Le musée Pitt Rivers d’Oxford avait annoncé en septembre 2020 qu’il n’exposerait plus les têtes réduites et autres reliques humaines inclus dans sa collection de plus de 500.000 objets anthropologiques. "Nos recherches ont montré que les visiteurs voyaient souvent l'exposition de restes humains au [Pitt Rivers] comme la preuve que certaines cultures étaient "sauvages", "primitives" ou "macabres". Au lieu de permettre à nos visiteurs de mieux comprendre les us et coutumes d'autres cultures, ces installations venaient renforcer des stéréotypes racistes qui sont à l'opposé des valeurs portées par notre musée aujourd'hui", avait alors déclaré la directrice du musée, Laura Van Broekhoven, dans un communiqué. 

 

Culture populaire contre "sensationnalisme"

D’autres musées se sont engagés à rendre les restes humains se trouvant dans leurs collections aux pays d’où ils proviennent, dans la continuité de l’affaire "Vénus Hottentote". Ce surnom se réfère à Saartjie Baartman, une femme sud-africaine qui a été exhibée comme une bête de foire en Angleterre et en France au XIXe siècle, en raison de ses protubérances fessières et des particularités de son appareil génital. Un moulage de sa dépouille et son squelette ont été entreposés au Musée de l’homme à Paris jusqu’en 1974, avant d’être relégués dans les caves. L’État français les a restitués à l’Afrique du Sud en 2002. 

Le sort des momies est d’autant plus complexe que le grand public manifeste, depuis des siècles, un véritable engouement pour la civilisation égyptienne. Un phénomène connu sous le nom d’"égyptomanie". Les expositions consacrées à l’Égypte antique attirent généralement les foules, comme en atteste celle dédiée à Toutankhamon qu’avait accueillie la Grande Halle de La Villette en 2019. Plus d’1,42 million de visiteurs s’y étaient pressés pour admirer 150 objets trouvés dans la tombe du jeune pharaon, dont 60 sortaient pour la première fois d'Égypte. Elle était ainsi devenue ainsi l'exposition la plus courue de France. 

La décision du British Museum, des musées nationaux d’Écosse et du Great North Museum: Hancock ne fait pas l’unanimité auprès des archéologues et des experts de l’Égypte antique. Certains y voient une forme de snobisme culturel, étant donné que le terme "momie" est couramment utilisé dans la langue anglaise depuis 1615. "Lorsque les musées se détachent de la culture populaire, ils font preuve de mépris à l'égard de la façon dont nous comprenons tous les mots, les significations et l'histoire", a souligné l’historien britannique Jeremy Black au Daily Mail. 

En France, le Muséum de Toulouse a, lui, opté pour une approche singulière concernant la préservation des momies et autres reliques humaines. Elles sont au cœur de l’exposition "Momies. Corps préservés, corps éternels", que l’établissement accueille jusqu’au 2 juillet prochain. Mais les visiteurs du Muséum peuvent choisir de les voir, ou non, grâce à un dispositif de vitres sans tain accompagnées d’un pictogramme d’avertissement. Ils doivent presser un interrupteur pour que l’éclairage soit enclenché et, donc, qu’ils puissent voir les momies humaines incluses dans l’exposition. Une scénographie qui permet d’éviter une approche "sensationnaliste" voire un certain "voyeurisme morbide", selon le Muséum.

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