Biodiversité

Les oiseaux des villes en déclin : en trente ans Bruxelles a perdu 95% de ses moineaux, et 50% de ses merles

© J. Fouarge

Les villes françaises ont perdu un tiers de leurs populations d’oiseaux depuis le début des années 2000. C’est ce que montre un rapport qui vient d’être dévoilé, par la Ligue française pour la protection des oiseaux, notamment.

Qu’en est-il en Belgique ? On a peu d’informations spécifiquement sur les villes en Wallonie, mais à Bruxelles, le suivi est très précis. Les résultats sont meilleurs que chez nos voisins, mais les populations d’oiseaux sont aussi en déclin : moins 16% depuis 30 ans. Anne Weiserbs est biologiste pour le département Etudes de Natagora: elle suit ces animaux de très près.

Les oiseaux bruxellois sont en déclin mais dans une moindre mesure qu’en France, peut-on s’en réjouir ?

C’est vrai que Bruxelles Environnement fait un travail remarquable mais si on retire les espèces exotiques et si on ne prend en compte que les espèces indigènes, on a tout de même une baisse de 25% en 30 ans !

Sur une centaine d’espèces nicheuses, on en suit 41 (les espèces communes territoriales) par la méthode des points d’écoute, ce qui est énorme. Et parmi celles-là, 17 sont en déclin, 14 sont stables et 10 sont en croissance. Les deux espèces qui déclinent le plus sont le moineau domestique et la tourterelle turque. Pour le moineau, on a enregistré une perte de 95% en 30 ans, c’est catastrophique.


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Pourquoi le moineau disparaît-il des jardins bruxellois ?

L’utilisation de pesticides, la diminution des espaces de friches, le fait que l’on tond plus, tout cela fait qu’il y a moins d’insectes, or les moineaux ont besoin d’insectes au moment de l’élevage des jeunes. Ce n’est pas le tout de leur donner des graines dans le jardin ! On voit pourtant un léger retour dans certains quartiers où des efforts sont faits.

Et, puis il y a aussi l’architecture : les façades modernes et rénovées sont plus lisses, il n’y a plus de cavités, c’est un vrai problème. On voit d’ailleurs que les espèces cavernicoles, qui nichent sur le bâti, dans les anfractuosités, comme le moineau mais aussi l’étourneau sansonnet ou le martinet noir, ont diminué de 77% sur 30 ans. A ce niveau-là aussi, des efforts sont faits, comme avec l’utilisation de briques nichoirs, mais ce n’est pas encore suffisant.

Brique nichoir pour le martinet noir.
Brique nichoir pour le martinet noir. © M. Wauters

Parmi les 17 espèces en déclin, quelles autres espèces retrouve-t-on ?

On retrouve notamment la fauvette de jardin (-6% par an), le verdier d’Europe (-4.3%), ou encore le fameux merle noir (-2.3%). Une perte de 2% par an semble limité mais dans cinq, six ans, il en manquera un cinquième. Imaginez si on vous disait que dans cinq ans quand il manquera deux millions de Belges ! Et on a déjà perdu la moitié de nos merles en trente ans.

Là aussi, la diminution et le morcellement des espaces verts, la pollution, et les pesticides jouent leur rôle.


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Verdier d’Europe
Verdier d’Europe © J. Fouarge

Y a-t-il des espèces qui résistent mieux ?

Oui, il y a des espèces qui sont stables comme le rouge-gorge, le pigeon ramier, la mésange bleue. Et puis, il y a celles qui sont carrément en augmentation. Ce sont des espèces généralistes, qui se contentent de ce qu’il y a, qui sont moins exigeantes.

C’est le cas de la sittelle, du choucas des tours ou de la buse (+85% en 30 ans, pour cette dernière).

Choucas des tours
Choucas des tours © R. Hendrich

Ce sont des espèces qui s’adaptent aux villes, apprennent à profiter des éléments qui n’existent pas dans leur milieu d’origine. C’est la même chose pour les faucons pèlerins, on a 12 couples nicheurs sur la petite zone de Bruxelles parce qu’ils ont appris qu’une église, c’était un chouette endroit pour nicher. Le choucas des tours, c’est la même chose, il trouve des alternatives à ses falaises.

Et parmi les super résistantes, il y a aussi les espèces exotiques que vous avez déjà évoquées ?

Oui, pour les perruches à collier, les oies d’Egypte ou encore les bernaches du Canada, on enregistre une augmentation de 450% en trente ans !

Bernache du Canada
Oie d’Egypte

D’une part, elles ont débarqué dans un environnement où elles ne retrouvent pas les prédateurs et les maladies de leur milieu d’origine. D’autre part, elles arrivent dans un environnement abîmé, la ville, où il y a plus de places vacantes qu’en forêt par exemple, où tout est saturé, où les espèces se sont réparti les ressources, et il n’y a vraiment plus de place. En ville, les écosystèmes sont appauvris, elles ont le champ libre.

Quel est l’impact de ces espèces exotiques sur les écosystèmes ?

Pour les perruches, on n’a pas réussi à mettre en évidence un impact négatif. Elles sont pourtant très suivies dans tous les pays. Elles se nourrissent de bourgeons, elles se rassemblent en dortoir et produisent des fientes, oui, mais on n’a pas observé de conséquences sur l’écosystème.

Ce qui n’est pas le cas des oies d’Egypte ou des bernaches du Canada : elles vont piétiner les berges, et brouter l’herbe de sorte que la végétation n’est plus bonne pour les autres espèces. Il faut donc absolument arrêter de les nourrir ! Par ailleurs, le fait que certaines espèces, les généralistes, résistent, ce n’est pas forcément positif : ça génère une uniformisation et des déséquilibres dans l’écosystème.


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Y a-t-il moyen d’agir pour inverser la tendance ?

Oui, il faut agir ! Il faut moins tondre, passer au fauchage tardif, abandonner les pesticides, varier les structures (haies, buissons, “prairies” fleuries…). Il y a déjà une évolution mais il faut poursuivre les efforts.


Le suivi des oiseaux

Le suivi des oiseaux est réalisé à Bruxelles depuis 1992. Une cinquantaine de bénévoles y participent. On y compte 114 points d’écoute. Chaque observateur a sa chaîne de points d’écoute. Il s’arrête exactement 5 minutes à chaque point d’écoute, exactement au même endroit, plus ou moins à la même date et à la même heure chaque année.

Ce suivi se fait dans toute l’Europe, les données sont rassemblées sur ce site.

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