Vous avez ouvert cet article, c’est qu’il vous intrigue. Soit vous avez déjà entendu parler des organoïdes, soit vous vous dites : "Mais qu’est-ce que c’est ?". Dans les deux cas, n’ayez crainte, on va tenter de vulgariser ce sujet passionnant.
D’abord, une question de vocabulaire : le suffixe "oïde", signifie "qui ressemble à". Ainsi, un humanoïde est un robot qui ressemble à un humain, avec deux bras, deux jambes, et tout le kit d’apparence de l’homo sapiens. De même, un organoïde est une construction cellulaire qui ressemble à un organe. De telle sorte qu’on parle parfois, de façon un peu "hype" ou "buzz", de "mini-organes". Les scientifiques qui travaillent à construire des organoïdes en laboratoire n’aiment généralement pas cette appellation, car elle est réductrice, même si elle intrigue et donne envie d’en savoir plus.
Plan de construction
Pour cultiver un organoïde, on part de cellules souches : soit des cellules provenant de l’embryon (cellules souches embryonnaires, qui peuvent se différencier en tous les types cellulaires), soit des cellules souches provenant d’organes chez les adultes (plus spécialisées). Ces cellules sont placées dans un milieu de culture, en laboratoire. Et il se trouve que ces cellules se mettent alors à s’auto-organiser in vitro en une structure en 3 dimensions, qui ressemble à un organe : un organoïde. Cette structure est constituée de multiples cellules présentes dans cet organe en particulier : par exemple, pour les organoïdes de cerveau (les "cérébroïdes") actuellement disponibles, il s’agit de structures qui miment le développement cérébral précoce (premier ou deuxième trimestre) dont les neurones ne sont pas ou peu fonctionnels, mais la structure permet d’étudier en détail comment les cellules souches neurales se développent pour former l’ébauche du cerveau humain, ce qui est très utile pour comprendre le développement cérébral humain précoce et ses dysfonctionnements dans certaines maladies comme les microcéphalies.
Aujourd’hui, on est capable de développer en laboratoire des organoïdes de nombreux organes : entre autres, de pancréas, de rein, de foie, de glande thyroïde, de rétine, d’ovaire et de cerveau. Le professeur Pierre Vanderhaeghen, professeur à l’ULB et au VIB (Vlaams Instituut voor Biotechnologie)/KULeuven, travaille sur des organoïdes de cerveau : "C’est ça sans doute la découverte assez fascinante en termes de biologie : quand on laisse les cellules à leur propre sort et qu’elles ont une certaine compétence, elles sont capables de faire beaucoup de choses toutes seules. On laisse les cellules flotter entre deux eaux, dans du milieu de culture, et puis à mesure qu’elles se divisent, elles vont en même temps se développer en 3 dimensions et en fonction du type cellulaire, générer des structures cellulaires qui ressemblent un peu à du tissu. On peut faire la même chose d’ailleurs avec des cellules d’origine adulte, donc pas embryonnaires : dans ce cas-là, par exemple, les chercheurs peuvent prendre des cellules de l’intestin, et ces cellules intestinales vont générer toutes seules une structure qui rappelle par exemple les cryptes intestinales. On peut faire ça aussi avec des cellules cancéreuses et qui elles, vont générer des structures qui rappellent le tissu cancéreux qui n’est pas si homogène qu’on ne le pense."