"Je dois reconnaître qu’il y a une forme de lassitude qui s’installe", nous explique Xavier Counasse, qui a participé à cette large enquête pour le quotidien Le Soir. "J’ai commencé au moment des "Lux Leaks" et cela fait un moment qu’on tourne dans cette même casserole et qu’on trouve systématiquement des révélations, des fichiers, des documents. Mais je pense qu’on n’a pas le droit de se lasser, car derrière ça il y a des vraies questions de justice fiscale et d’égalité entre les contribuables."
Le journaliste insiste par ailleurs sur le fait que l’objet de ces enquêtes n’est pas d’opposer morale et légalité. Dans ces paradis fiscaux, on retrouve aussi "des grands criminels, des grands cartels de la drogue, des gens qui ont déjà été condamnés une fois pour fraude […] c’est aussi ça et donc c’est beaucoup trop simple de résumer le propos en disant que c’est de l’optimisation fiscale et que c’est légal".
"Nous sommes journalistes, pas juges : on décrit les faits, et chacun fait son travail. Mais si fraude il y a, je voudrais rappeler que les Panama Papers, c’est 269 enquêtes fiscales ouvertes en Belgique. Et s’il n’y avait que des cas légaux, le fisc ne récupérerait rien, alors que, depuis 2013, le fisc a récupéré 635 millions d’euros, uniquement sur les documents que nous avons révélés."
Et les choses bougent, estime le journaliste, qui cite par exemple la taxe Caïman, en Belgique, ou bien les réglementations qui obligent, dans plusieurs pays, à dévoiler les véritables bénéficiaires des sociétés basées à l’étranger.
Qu'est-ce que le Consortium international des journalistes d’investigation ?
Créé en 1997 par le Centre américain pour l’intégrité publique, l’ICIJ est devenu une entité indépendante en 2017.
Son réseau compte des journalistes d’investigation dans plus de 100 pays et territoires, ainsi que quelque 100 médias partenaires.
L’ICIJ s’est fait connaître, début avril 2016, avec la publication des "Panama Papers", une enquête appuyée sur quelque 11,5 millions de documents provenant d’un cabinet d’avocats panaméen. Ils détaillaient les avoirs cachés de milliers de clients de Mossack Fonseca, dont des personnalités de premier plan.
L’onde de choc qu’a provoquée cette publication a notamment entraîné la démission du Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson et du chef du gouvernement du Pakistan, Nawaz Sharif.
Depuis 2013 et la publication des "Offshore Leaks", déjà par l’ICIJ, de nombreuses enquêtes journalistiques coordonnées ont révélé les noms d’entreprises, dirigeants ou personnalités ayant recours à des montages financiers opaques, notamment les "LuxLeaks" (2014) ou les "Paradise Papers" (2017) qui évoquaient le prince Charles, le champion de Formule 1 Lewis Hamilton ou le groupe Nike.