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Les pêcheurs irlandais : les grands perdants du Brexit ?

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Par Nadine Wergifosse via

Plus de deux ans après l’entrée en vigueur du Brexit, les pêcheurs irlandais se disent sacrifiés au profit des Britanniques. Des tonnes de poissons sont en jeu dans ces eaux convoitées par le monde entier. Derrière, toute une économie se retrouve en péril. Suivez ce reportage de Transversales, réalisé par Laura Taouchanov.

Au village côtier de Castletownbere, dans le sud-ouest du pays, avec son paysage de roches et de marais, la mer est la pierre angulaire depuis trois générations. Depuis le Brexit, désespoir et colère animent les pêcheurs et leurs familles. La pêche reste leur principale économie. Dan, pas de diplômes, n’a pas de plan B pour rebondir. Sa mère témoigne : "On a des familles et c’est toute une économie locale qui dépend de la pêche. En ce moment, on lutte tous. Il n’y a pas d’autres options que la pêche ici".

Avec l’aide de l’Union Européenne, le gouvernement irlandais vient de mettre en place un plan de rachats des bateaux pour équilibrer la flotte en fonction des nouveaux quotas et dédommager les pêcheurs. Une fois vendus, les bateaux seront détruits afin de s’assurer qu’ils ne retourneront pas en mer. Barry, pêcheur, fustige cette décision : "Il y a eu des gagnants et des perdants avec le Brexit. Nous, nous sommes comme des prostituées. On nous paye pour que nous renoncions à notre mode de vie. Il faut respecter les gens davantage".

Les quotas de l’UE ne reflètent pas l’étendue des zones de pêche de l’Irlande

Un grand sentiment d’injustice règne sur Castletownbere. Selon l’accord sur les droits de pêche, 25% des droits de pêche de l’Union dans les eaux britanniques doivent être transférés au Royaume-Uni d’ici 2026. La répartition n’est pas équitable pour John, directeur d’une pêcherie du coin. Il signale : "On partage les eaux d’Irlande à 50/50 avec les Britanniques. Mais Michel Barnier leur a donné 99% des quotas de harengs là. Faisons le tour de la côte : les Britanniques avaient 6,8% de quota pour le cabillaud, Monsieur Barnier leur a donné 52%. Si vous allez à l’Ouest, à 80 kilomètres de la côte, on est à 100% dans les eaux irlandaises, et Monsieur Barnier n’a rien retiré au Royaume-Uni. On laisse donc les bateaux faire tout le chemin de France, d’Espagne ou du Japon et ceux de Castletownbere ne peuvent pas pêcher. Les discussions sur le réchauffement climatique sont une hypocrisie totale. On est une île avec une toute petite flotte et on nous coupe 33% […] Notre gagne-pain c’est la mer, mais à nous, on nous l’a retiré".

Jason, pêcheur, abonde dans le même sens : "Le Royaume Uni n’a rien perdu alors que ce sont eux qui sont partis. Ils ont presque été récompensés au niveau de la pêche. En 2018, on était une trentaine de salariés. En juin 2023, on sera dix ou douze. On a les infrastructures, on a les bateaux et les hommes, tout ce qui nous manque ce sont ces foutus quotas".

Allen Cantown, capitaine pêcheur : "Depuis le départ du Royaume Uni, l’Irlande est le pays européen avec le plus d’étendue maritime et on a les plus petits quotas, ça n’a pas de sens. La Belgique a très peu de côtes et ses bateaux viennent pêcher dans nos eaux. Leurs dirigeants ont bien travaillé. On ne peut pas blâmer les pêcheurs de pêcher. C’est notre gouvernement qu’il faut tenir pour responsable. C’est lui qui n’a pas négocié un meilleur accord et l’industrie en paie le prix. Ces dernières années, on est resté beaucoup à quai à cause des quotas mensuels : novembre, décembre, des moments où on a le plus besoin d’argent pour Noël […] Ça va être difficile de rebondir alors que je pêche depuis trente ans".

Les retombées sont sous-estimées car toute l’économie locale est impactée

© Getty Images

Sur les 160 navires du pays, 64 se sont portés candidats au déclassement.

Rebecca Ridy chapeaute le recyclage : "C’est comme une chaîne de montage à l’envers. Le bateau sera entièrement désossé. Nous donnons quelques heures aux hommes pour faire leurs adieux. Leur émotion est visible, c’est un au revoir très émouvant".

Avec le vent qui se couche rarement, l’éolien off shore représente l’espoir et l’avenir. Un nouveau départ peut-être pour ces pêcheurs et leur famille ?

► Découvrez l’intégralité du reportage dans le podcast de Transversales ci-dessus.

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