Tendances Première

Les pénuries, une bonne chose pour les entreprises ?

© Stefania Pelfini, La Waziya Photography - Getty Images

Par Aurélie Russanowska via

Nous allons parler de “pénurie” et de la peur du manque avec vous aujourd’hui.  

Dans une société occidentale qui ne manque de rien, comptant près de 4000 supermarchés - presque autant qu’aux Pays-Bas, le mot “pénurie” a fait son grand retour. Pénurie de carburant, pénurie de farine, pénurie d’huile de tournesol, pénurie de coton et j’en passe.

Notre économie de marché fait face à de multiples annonces de pénuries en devenir depuis des mois. La guerre en Ukraine n’est pas la seule en cause.

  • Il y a les soucis d’approvisionnement de certains matériaux ou produits en provenance de la Chine.
  • Il y a le réchauffement climatique avec comme conséquence des récoltes de coton catastrophiques l’année dernière.
  • Il y a notre engouement pour les cartons et l’e-commerce - ce qui fait moins de papier pour les livres.

Face à ces annonces quotidiennes de rupture en devenir, certains ont peur de manquer ou de devoir payer trop cher par la suite. Envahis par cette peur, beaucoup ressentent le besoin de stocker et d’accumuler.  

 

Cette peur de manquer est finalement très humaine… 

La peur est nécessaire pour progresser. Certains psychologues font en effet même le parallèle entre notre comportement actuel et l’instinct de survie. Mais peut-on réellement parler d’instinct de survie lorsqu’il s’agit de stocker de l’huile de tournesol ou des t-shirts?

Oui s’il on évoque la survie d’un mode de vie. Car c’est notre mode de vie confortable et où tout est accessible qui est menacé. A y regarder de plus près, cette peur du manque n’est pas très nouvelle.

Elle n’est peut-être que le prolongement du FOMO - fear of missing out - la peur de manquer. Terme largement utilisé ces dernières années notamment en marketing, pour décrire la peur de louper une soirée à laquelle tout le monde va et affiche sur Instagram, la peur de manquer d’acheter les billets pour le prochain concert de Stromae, la peur de manquer ces nouvelles baskets vendues en édition limitée. Donc dans “la peur du manque” c’est sans doute le mot “peur” qui est bien plus réel.

Marc Augé, ethnologue et anthropologue, a écrit dans son ouvrage “Les nouvelles peurs” paru en 2013 :

Les peurs nouvelles ne sont pas si nouvelles, mais elles se diffusent instantanément et partout. Nous sommes partout et nulle part. Nous nous sentons de plus en plus impuissants devant une actualité qui nous déborde de tous les côtés.  

 

La hausse des prix et la pénurie des matières premières est cependant bien réelle pour les marques. Cette situation est malheureusement plus inconfortable pour les petites entreprises. Car les grandes marques ont soit une trésorerie qui leur permet de faire face à ces augmentations de coûts de production ou soit sont stratégiquement préparées à ces fluctuations de prix.

Des prix de matières premières élevées qui induisent une production plus limitée c’est aussi un modèle économique bien connu des marques de luxe pour qui la pénurie est une véritable arme marketing: ce qui est rare est cher et désirable.

Les marques de luxe se portent d’ailleurs à merveille en ces temps de crise. Cette situation n’est donc en théorie pas inconnue des professionnels du marketing.  

Les annonces de pénurie, une bonne chose pour les marques? 

En termes de volume : non. En termes de valeur : oui, ça pourrait l’être pour les grandes marques. A court terme tout d’abord. Ce qui est rare a plus de valeur. En faisant plus attention à notre consommation, certains produits de la vie quotidienne auront soudain plus de valeur à nos yeux. On pourrait bien regarder notre paquet de café différemment.

Ces annonces de pénurie sont également une bonne chose à long terme. La pénurie de matières premières est une réelle opportunité pour repenser son mode de fonctionnement, ses volumes de production, sa logistique avec l’optimisation de son stock, ses fournisseurs, son rythme d’innovation, son niveau d’innovation et sa bien entendu sa marque.

Une opportunité pour les marques de reprendre le dessus par rapport à un consommateur très exigeant? 

C’est envisageable. Alors que la plupart des marques sont soumises depuis plusieurs années à une pression du consommateur en matière de transparence, de prix, d’accessibilité afin de regagner leur confiance ou d’obtenir leur préférence, cette situation place les marques dans une position plutôt favorable.

Une position bien connue des marques de luxe ou les marques accrocs à la technique du drop sur Internet :des produits disponibles en quantité très limitée et accessible sur base d’inscription qui fait fureur auprès de la jeune génération. On peut y avoir un rééquilibre des pouvoirs dans notre économie mais aussi une opportunité pour les marques de rétablir la confiance. Et surtout d’apaiser les esprits. 

 

 

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