Les Grenades

Les plaintes pour viol, entre "victim blaming" et classement sans suite

Par Camille Wernaers, une chronique pour Les Grenades via

Le hashtag #DoublePeine est né en septembre 2021. La militante féministe française Anna Toumazoff partage à ce moment-là plusieurs tweets qui critiquent l’accueil des victimes de viols ou d’agressions sexuelles par les policiers. Je cite : "Au commissariat de Montpellier, on demande aux victimes de viol si elles ont joui. On les recale, malgré leur visage tuméfié, en leur riant au nez."

En quelques jours, des milliers de témoignages affluent sous le hashtag #Double Peine. La "double peine" ici évoque la souffrance des victimes qui ont dû subir une agression ET qui ont reçu des commentaires déplacés concernant leur tenue ou leur comportement lors de leur passage au commissariat. C’est ce qu’on appelle le victim blaming, c’est-à-dire le fait de culpabiliser et de responsabiliser une victime. La police française a nié les faits et a menacé de porter plainte en diffamation contre Anna Toumazoff.

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En Belgique, ce hashtag a aussi été utilisé par des femmes pour témoigner. Il a d’ailleurs fait émerger la question des plaintes classées sans suite, et surtout ces chiffres : dans notre pays, on recense plus de 9 dépôts de plainte par jour pour des faits de viol. 70% de ces plaintes sont classées sans suite.

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Les femmes qui témoignent avec ce hashtag mettent au jour un sujet important car une mauvaise prise en charge dans les commissariats peut affecter le dépôt des plaintes ou les suites données par la justice.

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Le rôle des CPVS

Il faut rappeler le rôle des Centres de prévention des violences sexuelles. Les CPVS sont des centres spécialisés dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles, avec un accompagnement global : psychologique, médical, médico-légal. Ils offrent aussi la possibilité de porter plainte. L’ensemble du personnel présent dans le centre est formé.

Et les chiffres sortis mi-juin concernant ces centres sont très parlants. Le nombre moyen de victimes prises en charge n’a cessé d’augmenter depuis la création des premiers centres en 2017 : en 2021, la moyenne était de 193 victimes par mois. Parmi les victimes, on compte 90% de femmes. Les auteurs de violences sexuelles étaient des hommes dans 98% des cas.

Enfin, 66% des victimes passées par un CPVS portent plainte, c’est un taux 6 fois supérieur aux victimes passant par un "circuit classique", dans les commissariats. On constate donc l’impact d’un personnel bien formé sur les violences sexuelles.

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Les auteurs de violences sexuelles sont majoritairement des hommes

Un autre hashtag sur les réseaux sociaux a fait réagir. Il s’agit du hashtag "Comment faire pour que les hommes cessent de violer ?" On l’a dit, les chiffres des CPVS indiquent que 98% des auteurs de violences sexuelles sont des hommes. Au lieu de responsabiliser les victimes, l’idée avec ce hashtag est de parler des auteurs des violences sexuelles, de s’intéresser à la prévention plutôt qu’à la seule punition. Avec cette question, l’idée est d’interroger une certaine construction de la masculinité.

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L’année dernière, pour avoir posé cette question sur Twitter, des comptes de militantes féministes ont été suspendus pour incitations à la haine. Une réaction forte de la plateforme alors que le harcèlement des femmes sur Twitter n’est, lui, pas assez combattu par le réseau social, selon plusieurs études dont celle d’Amnesty International.

Je termine par les mots de la créatrice de ce hashtag, dont le compte s’appelle Mélusine sur Twitter : "Les questions de l’adéquation du droit pénal, des moyens de la justice, de l’accompagnement des victimes sont essentielles. Mais l’urgence est là : comment faire pour qu’il y ait, demain, moins de victimes qu’aujourd’hui ?"

Cette chronique a été écrite pour la troisième saison des émissions d’été des Grenades, tous les dimanches de l’été de 17h à 18h sur La Première-RTBF.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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