Ecologie

Les "rivières volantes", des cours d'eau dans le ciel cruciaux pour la survie de l'Amazonie

Les "rivières volantes", des cours d'eau dans le ciel cruciaux pour la survie de l'Amazonie.

© SL_Photography

Elles s'échappent des forêts pour mieux les irriguer. Surnommés les "rivières volantes" ou "aériennes", ces phénomènes naturels existent depuis longtemps et sont vitaux pour le bassin forestier de l'Amazonie. À l'occasion de la Journée internationale des l'eau, on vous explique de quoi il s'agit. 

Certaines photos montrent parfois d'épais nuages qui flottent au-dessus des arbres des plus grandes forêts du monde comme l'Amazonie. Mais ces traînées de vapeur dans le ciel sont bien plus que de simples filaments. Communément appelés "rivières flottantes" ou "fleuves aériens", ces cours d'eau atmosphériques jouent un rôle essentiel dans l'équilibre des écosystèmes.

L'eau rejetée par les plantes engendre de précieuses pluies

L'eau rejetée par les plantes engendre de précieuses pluies.
L'eau rejetée par les plantes engendre de précieuses pluies. © Guilherme Haruo Okano

On sait que l'Amazonie, plus grande forêt tropicale du monde, se caractérise par son fort taux d'humidité. Ce que l'on sait moins, c'est que les rivières volantes contribuent pour beaucoup à assurer cette thermorégulation. Ce phénomène émane directement de l'évapotranspiration, un processus au cours duquel l'eau s'évacue des arbres sous forme de vapeur dans des quantités astronomiques pouvant atteindre 20 milliards de tonnes chaque jour !

Cette vapeur d'eau est transportée par les vents vers les montagnes. L'effet d'aspiration attirera d'autres courants humides, cette fois en provenance des océans.

Ce mécanisme surnommé "pompe biotique" par les scientifiques entraîne ensuite de fortes précipitations qui irriguent les terres, les sols et les forêts de l'Amazonie. La portée des rivières volantes est si puissante qu'elles se déversent sur des milliers de kilomètres, couvrant ainsi l'ensemble des zones forestières de l'Amazonie, y compris la Bolivie, le Paraguay et le nord de l'Argentine, selon les experts qui les ont étudiés.

On doit la découverte des rivières volantes à Gérard Moss, un ingénieur et pilote suisse-brésilien qui a décrit ce phénomène en 2006 après avoir survolé l'Amazonie. Ce grand spécialiste a constaté que de grandes masses d'eau se déplaçaient dans le ciel en partant des océans pour aller jusqu'aux forêts.

Les rivières volantes grignotées par le rétrécissement de la forêt

Les rivières volantes grignotées par le rétrécissement de la forêt.
Les rivières volantes grignotées par le rétrécissement de la forêt. © luoman

Gérard Moss a partagé ses découvertes avec le professeur Antonio Nobre, chercheur à l'Institut national brésilien de recherche spatiale (INPE). Ensemble, ils ont lancé le projet de recherche "Rios Voadores" pour mieux comprendre ce phénomène naturel. "Ces courants d'air invisibles passent au-dessus de nos têtes en transportant l'humidité du bassin amazonien vers le centre-ouest, le sud-est et le sud du Brésil", expliquent les chercheurs sur le site internet dédié à leur projet.

Toutefois, tout comme la forêt dont elles émanent, les rivières volantes sont menacées par les changements climatiques. Leur diminution est directement liée à la déforestation en masse de l'Amazonie. En 2021, cette vaste forêt a perdu 18 arbres par seconde en moyenne. Et selon les données officielles de l'Institut national de recherches spatiales (INPE), la partie brésilienne de l'Amazonie (60%) a perdu 3.988 km² de surface boisée entre janvier et juin 2022. 

"Le réchauffement de la planète et le changement climatique menaçant de modifier les régimes pluviométriques à l'échelle mondiale, il est temps d'examiner de plus près les services environnementaux fournis par la forêt amazonienne avant qu'il ne soit trop tard", alertent Gérard Moss et Antonio Nobre. 

De plus en plus d'agriculture, de moins en moins d'eau

De plus en plus d'agriculture, de moins en moins d'eau.
De plus en plus d'agriculture, de moins en moins d'eau. © Brasil2

En août 2022, une recherche publiée dans la revue PNAS a également souligné les conséquences de la raréfaction des pluies, qui risque d'épuiser les réserves d'humidité du bassin amazonien et de diminuer sa couverture forestière. Ces effets sont d'autant plus inquiétants qu'ils ne se cantonnent pas à une seule région. "Comme le manque de pluie diminue fortement le volume de recyclage de l'eau, il y aura également moins de précipitations dans les régions voisines, ce qui soumettra encore plus de parties de la forêt à un stress important", précise l'étude.

Le Brésil, qui abrite environ un tiers de la forêt tropicale primaire restante dans le monde, a vu le rythme de destruction de ses forêts s'accélérer ces dernières années, selon des données du Global Forest Watch (GFW), du World resources institute (WRI) et de l'université du Maryland. En 2021, les destructions qui ne sont pas causées par le feu, souvent liées à la création de zones agricoles, ont progressé de 9% comparé à 2020. Ce pourcentage dépasse les 25% dans certains États de l'ouest de l'Amazonie brésilienne.

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