Le 29 avril 1968, de drôles d’oiseaux débarquent sur les écrans français, les Shadoks. Sortis de l’œuf et de l’imagination du producteur et animateur de dessins animés, Jacques Rouxel, ces volatiles très schématiques, ronds et hauts sur pattes partent à la conquête des téléspectateurs français, non sans encombre. Créés sur un prototype d’animographe (machine destinée à produire de façon rapide et économique des dessins animés) du service de la recherche de l’ORTF, ces volatiles stupides, parfois cruels et au vocabulaire réduits à quelques syllabes ont une activité principale et essentielle. Ils pompent et pompent encore. Le matin, le soir, le midi. Et quand ils dorment, ils rêvent qu’ils pompent. Des aventures de "pompomanie" que narre l’acteur Claude Piéplu sur un décor sonore du compositeur de musique électroacoustique, Robert Cohen-Soral. C’est qu’il y a, à côté des pompages, des péripéties à raconter. Les Shadoks sont en effet confrontés aux GiBis qui portent des chapeaux melons et qui font preuve d’une intelligence supérieure. Les Shadoks, eux, ont beau s’évertuer à inventer des machines loufoques, elles ne servent à rien ou ne fonctionnent pas.
Ce programme apparu sur les petits écrans comme un ovni ,est diffusé après le journal du soir de l’ORTF. Et dans cette période de troubles que connaît la France, mai 68 entre autres, les Shadoks ne plaisent pas à tout le monde. Ils suscitent la polémique et divisent même les Français. Certains trouvent le feuilleton immonde, sans aucun sens, sans esthétisme, produit par des analphabètes. D’autres par contre, louent le caractère avant-gardiste et audacieux de l’émission. Ils y voient la lutte des classes, le symbole des masses laborieuses confrontées à l’élite qui gouverne la société. Quoi qu’il en soit, en quatre saisons et en 208 épisodes, les Shadoks sont devenus cultes avec toujours le même trio, Rouxel, Piéplu et Cohen-Soral. Trois saisons ont été diffusées entre 1968 et 1973. La quatrième a pris place sur Canal+ en 2000. Par la suite, ces volatiles aux ailes ridicules ont fait couler beaucoup d’encre et ont créé l’événement. En 2016, une exposition leur a été consacrée aux Musée des arts modernes de Sète. Un ouvrage intitulé " Les Shadoks de Jacques Rouxel " écrit par Thierry Dejean est paru à l’occasion des 50 ans des Shadoks. Et qui sait ? Peut-être qu’un jour, on entendra à nouveau sur nos écrans ces drôles d’oiseaux en train de discuter à grand renfort de "ga ", " bu ", " zo ", " meu ".