Les Simpson ont 30 ans ! Comment ont-ils évolué ?

Des personnages auxquels on peut s'identifier

© Pixabay

Temps de lecture
Par RTBF La Première

La série d’animation mythique Les Simpson, avec Homer, Marge et leurs enfants Bart, Lisa et Maggie, est née le 17 décembre 1989, il y a tout juste 30 ans. Quelle est l’image de la politique américaine dans la série ? Quel est le type d’humour véhiculé ? Quelles sont les clés de ce succès ? Décryptage de cette série dans le Mug !

Avec Guillaume Grignard, chercheur aspirant FNRS en sciences politiques au CEVIPOL, à l’ULB
et Simon Desplanque, chercheur en Relations Internationales à l’UCLouvain,
rédigeant une thèse sur la représentation du président américain au cinéma et à la télévision.
______________

Les Simpson sont un vrai sujet d’étude sérieuse, comme la pop culture en général, depuis la fin des années 90, explique Simon Desplanque. Des chercheurs étudient la manière dont ces productions culturelles perpétuent des rapports de pouvoir, une certaine mémoire collective, une identité nationale…


Le contexte des années 80

La série est née aux Etats-Unis, dans l’ère tout juste post-Reagan. Son scénariste Matt Groening fait partie de la génération qui a subi l’atmosphère de la guerre du Vietnam et ses suites politiques et sociales. Simon Desplanque relève deux éléments notables :

  • Dans les années 80, les séries comme Sacrée Famille, Alf,… ont pour héros une famille de classe moyenne, voire moyenne supérieure, avec des problèmes simples, comme des petites querelles ou des problèmes de coeur.
    Avec les Simpson, on va passer de ces familles modèles qui incarnent les valeurs du reaganisme, l’unité centrale de la société américaine, à quelque chose de beaucoup plus irrévérencieux. "C’est typiquement une production anti-Reagan. C’est ça qui fait le succès initial du show : on sort d’un humour très balisé pour basculer dans la satire et l’irrévérence."
     
  • Le scénariste Matt Groening est né vers 1954, il a connu la guerre du Vietnam. Il pastiche régulièrement Richard Nixon, qui pour lui est l’incarnation du mal absolu en politique. Ce thème revient dans plusieurs épisodes.


Le regard européen

La vision est certainement différente en Europe. "Nous l’avons reçue et appréciée différemment, déjà par le phénomène de traduction", explique Guillaume Grignard. "Il y a toutefois des critiques qui sont universelles : le puissant incompétent, le rythme de vie banal et ordinaire… et qui permettent de s’identifier aux personnages."

En 30 ans, la série a évolué. Au départ les références étaient très centrées sur la classe moyenne américaine, très américano-américaines, précise Simon Desplanque. Certaines phrases ont été très difficilement traduisibles pour les Européens, les traducteurs ont dû trouver des jeux de mots pour essayer de s’adapter, car l’humour est très américano-centré.

Le propos s’est ensuite universalisé, parce que la satire que la série proposait fin des années 80, début des années 90, est devenue main stream. Les Simpson vont quitter la dimension satirique pour entrer dans le propos plus large d’une sitcom classique.


L’évolution des Simpson

Le problème des séries qui durent dans le temps est qu’à un moment donné, il faut tenir dans le temps, avec des références, des supports qui évoluent. Le déclin de la popularité des Simpson s’explique, pour Guillaume Grignard, par le format télé, qui a tendance à s’épuiser. Aujourd’hui on ne consomme plus les médias de cette façon. La preuve en est que le film assez récent The Simpsons Movie, un film par ailleurs plutôt écolo, a attiré les foules.

Le ton des scénaristes, l’humour, se sont lissés au fil du temps, après avoir connu plusieurs polémiques. Les Simpson dénonçaient au départ la pop culture et les rich and famous. A partir de la 10e saison, apparaissent des featuring de diverses stars, dont on ne se moque plus et qui deviennent le coeur d’un épisode. Les Simpson sont devenus la pop culture, au point d’être, au début des années 2000, pleinement intégrés dans le paysage audiovisuel américain.

Il ne faut pas négliger le rôle d’éveil des réseaux sociaux, à l’affût de polémiques, qui peuvent détourner une blague de leur contexte pour dénoncer quelque chose. Par exemple la représentation du vendeur indien Apu, que certains considèrent comme un stéréotype raciste. Alors qu’il est beaucoup plus nuancé que la plupart de ses concitoyens, beaucoup plus américain qu’eux. C’est une critique acerbe des politiques d’intégration.


Les Simpson visionnaires ?

Dès 2000, les Simpson annoncent l’arrivée de Trump à la présidence.

"Je pense qu’ils ont dit tellement de bêtises qu’à un moment ils tapent juste, explique Simon Desplanque. Trump incarne ce système médiatique des rich and famous critiqué au début. Les Simpson avaient peut-être pressenti l’importance que ces rich and famous allaient prendre et l’importance du paraître de la société médiatique, qui se contente du superficiel et permet à des personnages aussi… creux, on peut le dire que Trump à certains égards, d’arriver et d’émerger en tant que figure politique majeure."


L’humour chez les Simpson

Les Simpson sont un dessin animé emblématique pour étudier l’humour. Pour Guillaume Grignard, on y retrouve toutes les faces de l’humour, ses faces joyeuses et ses faces plus critiques et problématiques. Il y a en effet une double lecture des Simpson. De nombreux parents ont d’ailleurs interdit à leurs enfants de regarder ce dessin animé, qu’ils jugeaient vulgaire et inapproprié.

Le problème de l’irrévérence est qu’à un moment, elle devient une valeur centrale et perd du coup toute sa valeur subversive. "Je ne pense pas que les Simpson soient de droite ou de gauche, ils sont dans l’irrévérence, dans le drôle, dans la déconstruction des puissants. […] Les Simpson représentent un peu ces deux visages. C’est toute la question de l’humour : quand on vise vraiment des puissants, on est dans une critique acerbe, provocatrice de la société ; quand on vise des out-groups, on est plutôt dans un humour qui va renforcer les rapports de force actuels dans uns société, sous l’alibi innocent de l’humour. Par exemple, les stéréotypes racistes ou encore sexistes."

L’humour conforte parfois des idées racistes ou sexistes, parce qu’il les véhicule par un biais qui paraît sympathique. "Et c’est là que l’humour est parfois un piège et peut parfois reproduire à son insu des rapports de force, en occultant les luttes qui opèrent dans la relation."

Inscrivez-vous à la newsletter LaPremière!

Info, culture et impertinence au menu de la newsletter de La Première envoyée chaque vendredi matin.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous