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Les talibans arrêtent un militant infatigable pour l’éducation des filles en Afghanistan

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Par Daniel Fontaine, avec Pascal Bustamante

Le fondateur d’un réseau d’écoles et de bibliothèques en Afghanistan a été arrêté hier, à Kaboul. Matiullah Wesa n’a que 30 ans, mais il milite depuis longtemps déjà pour le droit à l’éducation en Afghanistan, en particulier pour les filles. Les interdictions de plus en plus strictes imposées par le régime taliban ne l’ont pas dissuadé de poursuivre ses activités, avec l’organisation qu’il a fondée, Pen Path.

Matiullah Wesa a été arrêté lundi soir à la sortie d’une mosquée de Kaboul. "Matiullah avait terminé ses prières et sortait de la mosquée lorsqu’il a été arrêté par des hommes à bord de deux véhicules", a déclaré son frère Samiullah à l’AFP. "Lorsque Matiullah leur a demandé leurs cartes d’identité, ils l’ont battu et l’ont emmené de force".

La Belgique demande sa libération

La mission des Nations Unies en Afghanistan a immédiatement interpellé les autorités afghanes. Elle appelle les talibans "à clarifier l’endroit où il se trouve, les raisons de son arrestation et à garantir son accès à une représentation légale et à des contacts avec sa famille".

La Belgique, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, demande la libération immédiate de Matiullah Wesa. "L'accès à l'éducation est un droit humain fondamental pour chaque enfant. Il est totalement inacceptable de s'en prendre à ceux qui se battent pour l'obtenir", écrit Hadja Lahbib sur Twitter.

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Le militant afghan était venu à Bruxelles en décembre dernier pour participer à une table ronde avec d’autres activistes pour la défense des droits humains. Ce fut l’occasion pour lui de rencontrer plusieurs diplomates et décideurs européens, dont Hadja Lahbib. "Nous avons discuté du travail de Pen Path. Je les ai exhortés à donner leur soutien en priorité à l’éducation", commentait-il alors.

Il nous avait confié ses craintes d’être arrêté un jour pour ses activités, malgré le soutien dont il bénéficiait de la part de chefs tribaux de la région de Kandahar

Il se savait déjà menacé pour son travail en faveur de l’éducation des filles, se souvient la ministre belge. "Il nous avait confié ses craintes d’être arrêté un jour pour ses activités, malgré le soutien dont il bénéficiait de la part de chefs tribaux de la région de Kandahar, explique Hadja Lahbib. Son arrestation indique une détérioration de la situation en Afghanistan. La rentrée scolaire n’a pas pu avoir lieu pour les femmes et les jeunes filles. Nous sommes particulièrement inquiets : l’Afghanistan se ferme de plus en plus au monde extérieur, y compris aux autres pays musulmans de la région."

Matiullah Wesa était en Belgique il y a quelques semaines. Il a posté plusieurs photos de lui, comme ici à Gand.
Matiullah Wesa était en Belgique il y a quelques semaines. Il a posté plusieurs photos de lui, comme ici à Gand. © Matiullah Wesa / Instagram

Actif depuis son adolescence

Matiullah Wesa a fondé son organisation pour l’éducation Pen Path alors qu’il était encore adolescent à Kandahar. Il voulait à l’époque déjà faire rouvrir les écoles fermées en raison du climat d’insécurité, et faire parvenir des livres dans les régions reculées.

"Nous travaillons volontairement depuis 14 ans pour atteindre les gens et leur transmettre un message pour l’éducation des filles, explique-t-il sur les réseaux sociaux. Au cours des 18 derniers mois, nous avons fait campagne de maison en maison pour éliminer l’analphabétisme et mettre fin à toutes nos misères."

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Mattiullah Wesa sillonne les zones rurales de la province de Kadahar avec sa bibliothèque mobile pour promouvoir l’alphabétisation des filles.
Mattiullah Wesa sillonne les zones rurales de la province de Kadahar avec sa bibliothèque mobile pour promouvoir l’alphabétisation des filles. © Sanaullah SEIAM / AFP

L’école interdite aux filles

Les insurgés fondamentalistes talibans ont repris le contrôle de l’ensemble du pays en août 2021 et instaurent depuis lors des règles de plus en plus restrictives pour l’éducation des filles. L’Afghanistan est le seul pays au monde qui interdit aux filles d’aller à l’école au-delà des classes primaires.

Et pourtant, Matiullah Wesa a continué de se rendre dans les villages pour obtenir des habitants l’autorisation de donner des cours. Il sillonne également les routes avec une camionnette transformée en bibliothèque mobile. Avec son organisation, il a créé 18 bibliothèques dans le but d’alphabétiser les habitants des zones rurales.

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Ces dernières semaines, il continuait à plaider pour la réouverture des écoles pour les filles. Il explique sur Twitter avoir visité 24 districts différents pour parler aux aînés et aux habitants de l’éducation des filles. "Toute la nation soutient le fait que les filles doivent aller à l’école et que leur école doit ouvrir sans délai C’est le souhait de tout le monde", assurait-il.

"Vous recevrez des menaces…"

Mais cet activisme qui conteste les règles édictées par le régime taliban lui a valu des mises en garde. "Ce n’est pas facile de travailler et de faire campagne dans ce pays, écrivait-il encore il y a quelques jours. Vous recevrez des menaces, vous devrez travailler sans relâche, les gens vous jugeront, vous serez confronté à des problèmes, à des dangers et, en plus, vous devrez réussir."

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