Les tensions montent à Taïwan, l'île qui tient tête à la Chine

Taiwan: la présidenteTsai Ing-wen répond à son homologue chinois Xi Jinping

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Par Jean-François Herbecq avec AFP

Taïwan ne cédera pas aux pressions de la Chine et défendra son système démocratique, assure ce dimanche la présidente Tsai Ing-wen, après un nombre record d’incursions d’avions militaires chinois près de l’île ces derniers jours.

Des démonstrations de force qui font monter la tension entre Pékin et Taipei et qui inquiètent les Taïwanais. Ils craignent de plus en plus de se faire un jour annexer par leur puissant voisin. La présidente taïwanaise répond fermement en ce jour de fête nationale aux propos menaçants de son homologue chinois Xi Jinping qui vient d’appeler une réunification avec ce que Pékin considère comme une province dissidente.

Simulation d’invasion

Les 23 millions d’habitants de Taïwan vivent sous la menace constante d’une invasion de la Chine, 60 fois plus peuplée, qui tient ce territoire comme une de ses provinces et menace de recourir à la force au cas où l’île proclamerait formellement son indépendance.

Par endroits, seuls 130 km de mer les séparent. C’est le détroit de Taiwan. Pour les Taiwanais, la moitié leur revient. C’est leur zone d’identification de défense aérienne, plus vaste en réalité que leur espace aérien. Ils ont tracé une ligne pour fixer leur domaine. Et c’est cette ligne médiane que de plus en plus d’avions militaires chinois franchissent ces derniers jours. Un nombre record : de vendredi à lundi dernier, 150 avions de guerre chinois, dont des bombardiers à capacité nucléaire.

Depuis le début de l’année, plus de 600 avions des forces aériennes chinoises ont été détectés dans cette zone d’identification de défense aérienne de Taïwan. En 2020, 380 avions avaient été comptés.

Clairement des provocations, des intimidations, du harcèlement, presque une simulation d’invasion. Juste pour voir comment réagissent les Taïwanais. Qui restent lucides.

A notre avis, 2025 est l’année où les Chinois auront les capacités d’invasion les plus complètes

Pour le ministre de la Défense de Taïwan, Chiu Kuo-cheng,  c’est la "plus sombre" situation qu’il a jamais rencontrée en 40 ans de carrière : "Pour ce qui est d’envahir Taïwan, la Chine possède actuellement ces capacités-là. Nous devons réfléchir aux conséquences. Nous ne voulons pas faire de provocation, mais si nous les irritons, c’est comme irriter quelqu’un qui emploierait tous les moyens à sa disposition lorsqu’il est irrité. Donc, à notre avis, 2025 est l’année où ils auront les capacités d’invasion les plus complètes".

Taïwan, un oiseau pour le chat

Voilà donc un ministre de la Défense qui prédit que son pays risque de se faire envahir d’ici 3 ou 4 ans.

Il faut tout de même préciser que le ministre s’exprime devant une commission parlementaire qui discute de son budget. Il est question d’investir des milliards dans des systèmes de missiles et dans des navires de guerre. Le ministre doit donc convaincre du bien-fondé de toutes ces dépenses.

Ce risque d’invasion est cependant bien réel, pour deux raisons.

Tout d’abord, la Chine a toujours laissé entendre qu’elle voulait récupérer Taïwan, qu’elle considère comme une province renégate depuis qu’elle a fait sécession en 1949. Et dans son discours, Pékin exclut de moins en moins le recours à la force pour cela.

Ensuite le risque est là car, comme le ministre le notait, les tensions montent. 

Défilé militaire à Taipei: des jets AT3 au dessus du palais présidentiel

Cela pourrait mettre le feu aux poudres. Chaque fois qu’un bombardier chinois s’aventure dans la zone de défense aérienne de Taiwan, les F16 taïwanais décollent. Il suffirait d’une erreur de communication, un raté, un accrochage dans les airs, un doigt qui glisse sur la détente pour déclencher une véritable confrontation.

Des dirigeants qui durcissent le ton

Depuis l’arrivée au pouvoir du président chinois Xi Jinping, les tensions sont à leur plus haut niveau depuis quatre décennies. Cette montée des périls est liée à la crainte de Pékin de voir la position de Taïwan se durcir. Pékin intensifie la pression économique, diplomatique et militaire sur le territoire.

Pour l’instant, Taïwan n’a jamais formellement déclaré son indépendance. Peu d’Etats reconnaissent Taïwan. La Chine fait pression pour être la seule à être reconnue, et à 14 Etats près, cela fonctionne. Ni les Etats-Unis, ni l’Union européenne, ni la Belgique ne reconnaissent formellement Taïwan, mais cela ne les empêche pas d’avoir des relations à tous les niveaux avec l’île.

Les Etats-Unis garantissent même sa sécurité, à grands coups de contrats d’armement. Américains et Chinois ont un accord : Washington reconnaît uniquement Pékin, mais conserve sa relation informelle avec Taïwan. Une sorte de statu quo mais qui change depuis cinq ans avec la nouvelle présidente taïwanaise.

La présidente Tsai Ing-wen passe ses troupes en revue

Tsai Ing-wen tient tête à Pékin. Elle considère Taïwan comme un pays "déjà indépendant", et rejette le principe d'"une seule Chine". Elle affirme que la Chine met en danger la stabilité de la région. Elle pourrait aller jusqu’à proclamer l’indépendance de Taïwan. Et cela pour les Chinois, c’est inacceptable. Ils prônent le principe d’une seule Chine, Taïwan compris, et où ils seraient les maîtres.

Tsai Ing-wen a proposé des pourparlers avec Pékin, qui les a rejetés. La présidente a réitéré dimanche son appel à un dialogue "d’égal à égal" avec la Chine et s’est dite favorable au maintien du statu quo actuel entre les deux voisins.

Elle a toutefois averti que tout ce qui pourrait arriver à Taïwan aurait des conséquences régionales et mondiales majeures.

"Réunification pacifique"

 

 Xi Jinping souhaite une réunification pacifiques

Samedi, Xi Jinping a promis de "réaliser la réunification de la patrie par des moyens pacifiques", affirmant que c’est "dans l’intérêt général de la nation chinoise, y compris des compatriotes de Taïwan".

La réplique de Tsai Ing-wen ne s’est pas fait attendre : "Plus nous réalisons de choses, plus la pression exercée par la Chine est forte". "Personne ne peut forcer Taïwan à emprunter la voie que la Chine a tracée pour nous", affirme la présidente, ajoutant que l’île est "en première ligne pour défendre la démocratie". "Nous espérons un assouplissement des relations (avec Pékin) et n’agirons pas de manière irréfléchie, mais il ne faut absolument pas imaginer que le peuple taïwanais cédera aux pressions".

Des Taïwanais indépendants dans l’âme

Les sondages montrent que la grande majorité des Taïwanais n’ont aucune envie d’être dirigés par Pékin. La plupart sont favorables au maintien du statu quo, et il existe un sentiment nationaliste taïwanais croissant, en particulier chez les jeunes.

La mainmise grandissante de Pékin sur le territoire de Hong Kong qui, pour Pékin, est un modèle de la façon dont la Chine entend gouverner Taïwan, ne rassure pas les habitants.

Chine/Taïwan : avions chinois (photos)

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