Patrimoine

Les toiles de Monet, témoins de la pollution atmosphérique

"Le pont de Waterloo dans la brume" de Claude Monet (1903)

© - domaine public

Par Johan Rennotte

L’art peut-il nous en apprendre plus sur l’histoire de notre environnement ? C’est une question qui taraude les experts et expertes en la matière depuis des années. Une étude scientifique vient de mettre en évidence comment la pollution atmosphérique du 19e siècle s’est imprégnée dans les toiles de Claude Monet et de William Turner.

Londres est bien connue pour son fameux "smog", ce brouillard de pollution qui peut la recouvrir en un rien de temps. Au 19e et au début du 20e siècle, la ville était aussi sujette à de nombreux épisodes de pollution, un événement dont il est parfois difficile d’avoir des traces historiques. Sauf si l’on va jeter un œil du côté de certains grands peintres.

Durant sa période londonienne, Monet réalise un grand nombre de toiles en série. Entre 1900 et 1904, il ne peint pas moins de 41 versions de la même vue du pont de Waterloo qui enjambe la Tamise. L’ensemble devient un vrai symbole de l’impressionnisme, dans lequel chaque toile présente une ambiance, une "impression" différente.

Le pont de Waterloo vu par Monet
Le pont de Waterloo peint par Monet
Le pont de Waterloo vu par Monet
Le pont de Waterloo vu par Monet

Mais grâce à ces tableaux en série, les scientifiques ont pu déterminer l’évolution de la pollution dans le temps. En analysant une centaine de peintures signées Turner et Monet, la chercheuse Anna Lea Albright a sélectionné un corpus d’étude qui s’étale sur toute la Révolution industrielle. Turner a en effet peint le paysage urbain anglais entre 1796 et 1851, tandis que Monet a séjourné dans la capitale britannique au début des années 1900. Publiée dans la prestigieuse revue scientifique PNAS, l’étude veut démontrer que l’évolution du style chez ces peintres n’est pas seulement due à leur sensibilité artistique, mais aussi aux changements de leur environnement.

"Train, vapeur, vitesse" de Turner (1844)
"Train, vapeur, vitesse" de Turner (1844) © - domaine public

Qui dit révolution industrielle dit également augmentation de la pollution de l’air, avec l’apparition de plus en plus d’usines et d’industries dans la ville, le développement des machines à vapeur puis des automobiles, l’usage intensif du charbon. En mettant en relation les dates de création de toiles et les données disponibles sur les estimations de la pollution atmosphérique à Londres aux mêmes dates, l’équipe de scientifique est parvenue à un résultat surprenant.

Cette atmosphère difficilement respirable s’imprégnerait bien visuellement les toiles des maîtres. "En particulier, les changements stylistiques dans leur travail vers des contours plus flous et une palette de couleurs plus blanches sont cohérents avec les changements optiques attendus de concentrations atmosphériques d’aérosols plus élevées" précise l’article. En d’autres termes, on constate que lorsque des pics de pollution sont atteints sur une large période, le style devient plus flou et plus pâle, comme si les peintres avaient observé leur paysage sous le brouillard.

"Ce que je trouve vraiment merveilleux dans ces œuvres, c’est que Monet crée de beaux effets atmosphériques à partir de quelque chose d’aussi laid et sale que la fumée et la suie", a déclaré l’autrice de l’étude à CNN.

Tout le monde n’est cependant pas convaincu par les résultats de l’étude. Le Washington Post souligne par exemple que la corrélation entre un changement stylistique et une pollution atmosphérique ne veut pas dire que l’une est la cause de l’autre. Quoi qu’il en soit, l’étude permet de se faire une meilleure idée de l’influence de l’environnement sur les grands noms de la peinture.

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