Ensemble pour la planète

Les tortues marines, des sentinelles aux côtés des scientifiques

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Dans l’océan indien, la saison cyclonique est celle de tous les dangers. De novembre à avril, les habitants des îles tropicales de la zone sont sur le qui-vive. Devenues des sentinelles aux côtés des scientifiques, les tortues marines ont leur rôle à jouer pour tenter de préserver les zones les plus exposées. 

Au centre de soin Kelonia de l’île de la Réunion, les tortues soignées et relâchées portent une balise fixée sur leur carapace. Un véritable ordinateur de bord qui envoie des informations de température et de profondeur en temps réel aux chercheurs, jusque dans les zones que les satellites ne sont pas capables de couvrir.

Une vie de migration

Elles sont capables de parcourir des milliers et des milliers de kilomètres au cours de leur existence, d’un continent à l’autre. Les tortues marines affrontent dans leur migration, les zones les plus inaccessibles, jusqu’au cœur des cyclones.

Leur périple intéresse particulièrement les météorologues. Car elles peuvent à la fois récolter des informations en profondeur et les émettre lorsqu'elles rejoignent la surface pour respirer.  

Dans l’océan indien, une trentaine de tortues marines sont devenues de véritables assistantes de recherche, sentinelles de l’environnement marin dans le cadre du projet STORM (Sea Turtles for Ocean Research and Monitoring).

A la Réunion, la coopération est récente entre biologistes et météorologues. Elle permet une meilleure connaissance du comportement des tortues marines juvéniles, tout en récoltant de nouvelles données de températures, de profondeur et de salinité.

Le Laboratoire Atmosphère et Cyclones (LACy) et Kelonia équipent désormais les balises de capteurs supplémentaires pour pousser la démarche encore plus loin.

5 tortues caouanes relâchées en une semaine à la Réunion

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C’est le grand jour pour la jeune tortue caouane baptisée Arthur. Après un an et demi de convalescence dans les bassins du centre de soin, Arthur va retrouver la liberté. La liégeoise Léa Christiaans apprend à ses côtés depuis plus d’un mois. "Je fais une formation de soigneur animalier pour pouvoir travailler en centre de soin, parce que je trouve ça très gratifiant de pouvoir relâcher les animaux après les avoir soignés." 

Les tortues juvéniles dont Léa Christiaans s’occupe sont recueillies au centre de soins de Kelonia après avoir été capturées accidentellement par des pêcheurs à la palangre dans les eaux réunionnaises. 

C’est une énorme satisfaction pour les équipes lorsque l’on parvient à les relâcher, et en plus lorsqu’elles partent avec des balises qui vont permettre de récolter des informations

Ici, chaque pensionnaire a son histoire, et son menu individualisé. Une fois remises de leur blessures, les tortues sont stimulées jusqu’à récupérer suffisamment de vitalité pour retrouver la vie sauvage. 

"Aujourd’hui, on peut dire qu’Arthur est guéri. C’est le vétérinaire qui décide du bon moment pour relâcher une tortue. Sa courbe de croissance est bien remontée, et elle a des paramètres sanguins qui sont bons, on lui a fait une prise de sang. On va donc pouvoir la relâcher", s’enthousiasme Stéphane Ciccione, le Directeur de Kelonia. "Certaines tortues ne survivent pas à leur blessure malgré les soins qu’on leur prodigue, c’est donc une énorme satisfaction pour les équipes lorsque l’on parvient à les relâcher, et en plus lorsqu’elles partent avec des balises qui vont permettre de récolter des informations, et de les suivre pendant plusieurs mois encore!"

Arthur fait en effet partie des 5 tortues équipées cette semaine. Grâce à la balise fixée sur sa carapace, l’animal récoltera pendant près d’un an, des données cruciales pour mieux comprendre la formation des cyclones.

"Comme les tortues sont des espèces migratrices, elles vont parcourir l’océan, celles-ci vont probablement remonter vers Oman, elles vont pouvoir récupérer des données de températures en surface, mais également pendant leur plongée. Ce sont des informations qui intéressent particulièrement les météorologues, les océanographes. En Afrique du Sud, des tortues luth ont été également équipées, aux Comores, et aux îles éparses donc sur Europa et Tromelin une dizaine de tortues équipées et relâchées", détaille Anne Barrat, Ingénieure de recherche et responsable des balises pour le projet STORM.

Les tortues marines ont l’avantage de repousser les limites des technologies satellites déployées jusque là, quelque soit la couverture nuageuse. Au cours de leur migration, trois tortues équipées depuis le début du projet, ont traversé ou sont passées à proximité de systèmes dépressionnaires. En mars 2019, une tortue est restée plusieurs jours à proximité de la zone de formation du cyclone Kenneth. En avril 2020, une autre tortue est restée plusieurs jours près de l'œil du cyclone, et une deuxième tortue dans sa zone d’influence.

Sensibiliser à la fragilité de l’environnement marin

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C’est toujours aussi émouvant de voir la tortue partir au loin

Pour sensibiliser la population réunionnaise, chaque tortue relâchée est célébrée.  Sur la plage, parrains et marraines sont aux premières loges pour assister au retour d’Arthur dans son milieu naturel. "Combien pèse-t-elle ?", se demande une mère de famille. "51,4 kilos", lui répond Mathieu Barret à la tête de l'opération, en tentant de calmer l’impatience d’Arthur.

"Elle va partir d'elle-même vers l’océan, ça va aller vite, il va falloir être prêts!", avertit le soigneur, aidé par Léa Christiaans pour tenter de retenir encore quelques secondes les coups de nageoires de la tortue pressée de retrouver l’océan.

Arthur est déposé sur le sable et fonce immédiatement, après quelques mètres, la tortue relève la tête, puis disparaît, comme avalée par les vagues. "C’est mon deuxième relâché, mais c’est toujours aussi émouvant de voir la tortue partir au loin. On sait que les dangers sont nombreux mais on lui souhaite le meilleur pour le reste de sa vie", conclut la jeune Liégeoise, émue aux larmes.

Comme l’Homme, la tortue va devoir s’adapter aux phénomènes météorologiques de plus en plus intenses… En 110 millions d’années d’existence, elle a déjà résisté à des périodes de réchauffement… et de refroidissement. Mais jamais elle n’a eu à subir des variations aussi rapides que celles engendrées par le réchauffement climatique actuel.

Si la jeune caouane parvient à braver les dangers de la vie sauvage, elle devrait poursuivre sa migration jusque dans les années 2050 … et peut-être même au-delà.

La séquence en vidéo

Un Œil sur demain

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