Ces dernières années, le vignoble belge et principalement wallon s'est considérablement professionnalisé. En 2020, plus d'un million de litres ont été produits dans le sud du pays sur les 1 853 000 litres totaux. Mais 2020 était une année aux conditions climatiques favorables, comme 2019 et 2018 avant elle. On ne peut pas en dire autant de 2021.
Gel et mildiou
En avril et mai, nous avons connu une période de gelées nocturnes qui a fait des dégâts. "Certains ont perdu jusqu'à 30 % de raisins à cette période", explique Pierre Rion, le président de l'asbl Vignerons de Wallonie. "Mais d'autres ont été très peu touchés et la casse a finalement été limitée. Par contre, avec l'été humide et doux, le mildiou s'est développé un peu partout. On parle selon les domaines de 30 à 70 % de perte, voir même plus dans certains cas exceptionnels. C'est bien simple, c'est la pire année en vingt ans de viticulture wallonne.
Le seul point positif, c'est que la qualité de ce qui a été sauvé est plutôt bonne, la vigne se concentrant sur moins de raisins".
On s'attend donc à une récolte beaucoup moins abondante et on vise un peu près 500 000 litres, soit carrément la moitié de l'an dernier ! Pour avoir la quantité exacte, il faudra encore un peu de patience puisque les vendanges ont été retardées de deux à trois semaines pour cause de météo capricieuse entraînant une maturité tardive.
Entre "mauvais" et "catastrophique"
Impossible de faire le tour de tous les domaines (200 pour toute la Belgique, dont un tiers en Wallonie) mais on a réalisé quelques coups de sonde. Ainsi, au Vignoble des Agaises, qui produit le désormais célèbre Ruffus, on a très peu été impacté par le mildiou car d'une part on a pu traiter suffisamment, et d'autre part les terroirs sont drainants et les vignes bien ventilées. Mais au printemps, on a compté pas moins de 17 gelées nocturnes qui ont décimé la moitié du raisin ! Sur les 31 hectares du domaine ne sortiront que 150 000 bouteilles contre 300 000 l'an dernier.
La situation est inversée au Château de Bioul. Pour Vanessa Vaxelaire, la propriétaire : "On a limité la casse au printemps en ne perdant "que" 5 à 10 % du raisin. Mais le mildiou a saccagé un de nos cépages pourtant sélectionné pour sa résistance. Le Johanniter, qui représente notre cépage majoritaire, a été entièrement décimé. Les autres ont tenu mais on produira moitié moins de vin cette année. Heureusement, comme on a plus de dix ans d'expérience, on sait que le rendement ne se mesure que sur une longue période et qu'en Belgique, il y aura forcément de mauvaises années."
A Bousval, où on travaille sur des cépages traditionnels comme le Chardonnay, l'investissement dans les tours éoliennes a été rentabilisé puisqu'elles ont permis d'éviter les dégâts du gel. Mais l'expérience qui consistait à utiliser moins de cuivre sur une parcelle a tourné court : le mildiou s'y est développé et a contaminé des grappes qui ne se sont pas développées. "Il faut retenir la leçon", confie le maître de chai Vincent Dienst. Une leçon qui coûte cher : "On aura de 30 à 40 % de perte."
A contre-courant
Dans un climat qui ne prête pas vraiment à l'euphorie, un vignoble fait figure d'exception. Car au Domaine W, la production augmente de 10 % par rapport à l'an dernier, à surface équivalente. Et pourtant, on y cultive le Chardonnay en biodynamie, donc avec très peu de produits. Dimitri Vander Heyden, le propriétaire, avance quelques explications : "Comme on utilise peu de produits, on doit être très réactif et scruter la météo en permanence. On a aussi tout effeuillé à la main avec 400 bénévoles. Nos vignes sont fort écartées les unes des autres, on utilise des techniques alternatives anti-mildiou et on a la chance d'avoir beaucoup de vent, du matériel performant et surtout, on a misé sur les bulles, qui acceptent moins de maturité du raisin. Mais si on s'en sort bien, cela a demandé énormément de travail. Sans doute deux fois plus que l'an dernier. Clairement, on n'en veut plus trop des années comme celle-ci."
Au niveau de la qualité, 2021 ne devrait pas avoir à rougir (et le vin rouge n'est d'ailleurs pas le fer de lance de notre viticulture). Mais la quantité sera très faible. De quoi rappeler que les étés très ensoleillés sont plutôt l'exception. On commençait à s'y habituer pourtant.