Une soixantaine de personnalités (professeur(e)s de droit, avocat(e)s, magistrat(e)s) écrivent une lettre ouverte aux autorités pour exiger la libération d’Olivier Vandecasteele, Belge détenu en Iran.
Mesdames et Messieurs les représentants de l’État belge,
Concerne : Olivier Vandecasteele, otage en Iran depuis plus 11 mois
Âgé de 42 ans, il a consacré sa carrière professionnelle à la cause humanitaire et a travaillé notamment en Afghanistan, au Mali, au Niger et en Inde pour diverses ONG dont Médecins du Monde. En 2015, il entame une nouvelle mission, en tant que Directeur de pays pour le Norwegian Refugee Council (NRC), basé en Iran, à Téhéran. Il est chargé notamment des questions liées à l’accueil de plus de trois millions et demi de réfugiés afghans ayant fui la guerre. En juin 2021, après six ans dans la capitale iranienne, il rentre en Belgique. Il y retourne en février 2022 pour y clôturer ses affaires.
Le 24 février 2022, alors qu’il participe à un dîner, des agents non identifiés et sans uniforme s’engouffrent dans l’appartement où il se trouve. Deux d’entre eux filment la scène. Olivier Vandecasteele est isolé des autres personnes présentes. L’intervention est très violente sans qu’Olivier n’oppose toutefois aucune résistance physique. Olivier Vandecasteele est arrêté et privé de liberté. Aucune charge ne lui est signifiée et il n’a pas accès à un avocat, en violation manifeste des dispositions fondamentales interdisant la détention arbitraire et prescrivant le droit à un procès équitable : ces règles prévues aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui ne lient évidemment pas l’Iran se retrouvent dans le Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques (articles 9 et 14) qui, lui, lie l’Iran et la Belgique depuis, respectivement, le 24 juin 1975 et le 21 avril 1983.
Olivier Vandecasteele est emmené à la prison d’Evin (de sinistre réputation pour les tortures qui y sont pratiquées). Il y subit de nombreux interrogatoires, sans pouvoir être assisté d’un conseil. Lors des rares visites consulaires (sept à ce jour), l’entretien est surveillé par des agents de l’Etat et il est fait interdiction à Olivier Vandecasteele de parler de ses interrogatoires ou des soi-disant charges retenues contre lui. Il est détenu en isolement complet, dans une cellule sans aucun mobilier pendant les 4 premiers mois de sa détention. Il doit dormir à même le sol et la lumière reste allumée 24h/24h. En raison des mauvaises conditions d’hygiène, Olivier Vandecasteele a contracté plusieurs infections ; il perd les ongles des pieds et souffre d’une perte de poids de plus de 25 kg. Ces conditions de détention constituent des traitements inhumains et dégradants, interdits par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’article 7 du Pacte de 1966.
Les autorités belges se sont mobilisées pour parvenir à obtenir le retour d’Olivier Vandecasteele en Belgique.
À la suite d’une négociation entamée en 2016, la Belgique vient de conclure avec l’Iran, le 11 mars 2022, un traité de transfèrement des personnes condamnées, traité approuvé par le Parlement belge, le 21 juillet 2022.
Au mois d’août 2022, Olivier Vandecasteele a été transféré dans une autre prison, dont la localisation exacte est inconnue. Il est toujours en isolement complet. Il n’a pas accès à un avocat et n’a pas comparu devant un juge. Sa détention se maintient, toujours en violation des articles 3, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des articles 7, 9 et 14 du Pacte de 1966. En octobre 2022, un recours en suspension et annulation est introduit par des opposants au régime iranien (le Conseil National de la Résistance Iranienne – CNRI) devant la Cour constitutionnelle belge contre la loi d’assentiment au traité de transfèrement du 11 mars 2022. Ce recours a pour but d’empêcher le transfèrement en Iran d’un ressortissant iranien condamné pour terrorisme en Belgique 2 et détenu dans une prison belge. Cette procédure va avoir des effets désastreux sur le sort réservé à Olivier Vandecasteele.
Au mois de novembre 2022, Olivier Vandecasteele comparaît finalement devant un tribunal iranien. Un avocat est présent mais Olivier Vandecasteele ne l’a jamais rencontré et il n’aura aucun contact avec lui. Cet avocat n’a présenté aucune défense et ne s’est pas exprimé de toute l’audience. Une visite consulaire suit cette audience mais il est fait interdiction à Olivier Vandecasteele d’évoquer le procès avec le représentant de l’Etat belge ou de mentionner les infractions qui ont été retenues contre lui. Olivier Vandecasteele annonce avoir entamé une grève de la faim, seul moyen de pression dont il dispose encore.
En Belgique, dans le cadre de la procédure en suspension de la loi d’assentiment du traité de transfèrement, la Cour constitutionnelle décide par un arrêt du 8 décembre 2022, de suspendre cette loi, ce qui exclut l’application du traité dans l’ordre juridique interne belge et, par conséquent, le retour d’Olivier Vandecasteele dans notre pays. Si la Cour constitutionnelle devait ensuite prendre un arrêt d’annulation de la loi d’assentiment, la Belgique perdrait l’instrument juridique qui permettrait à Olivier de sortir de prison en Iran.
Quelques jours après cette décision, la famille d’Olivier Vandecasteele apprend des autorités belges que celui-ci aurait été condamné à une peine d’emprisonnement de 28 ans. Plus récemment encore, l’agence de presse iranienne Tasnim, relayée par la presse belge et internationale, a rapporté que la condamnation serait en réalité de 40 ans d’emprisonnement et de 74 coups de fouet pour des prétendus faits d’espionnage, de coopération avec les Etats-Unis contre l’Iran, de contrebande de devises et de blanchiment d’argent.
La vie d’Olivier Vandecasteele est en danger immédiat : il est en effet sérieusement à craindre qu’il ne puisse survivre longtemps aux conditions de détention insoutenables qu’il subit. Son droit à la vie, garanti par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme et par l’article 6 du Pacte de 1966 est ainsi violé, dans son aspect substantiel et de façon immédiate.
Olivier Vandecasteele bénéficie de la protection consulaire et la Belgique doit faire valoir et protéger ses droits fondamentaux, en ce compris son droit à la vie consacré par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme et par l’article 6 du Pacte de 1966.
Depuis plus de dix mois, Olivier Vandecasteele est détenu arbitrairement dans une prison iranienne, en violation de son droit à la liberté et à la sécurité et de son droit à un procès équitable, garantis respectivement par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, 9 et 14 du Pacte de 1966. Ces conditions inhumaines de détention violent l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’article 7 du Pacte précité. La vie d’Olivier est en danger immédiat et son droit à la vie, protégé par les articles 2 de la Convention et 6 du Pacte est ainsi également violé.
Nous demandons aux autorités belges de tout mettre en œuvre pour faire cesser ces graves violations des droits fondamentaux et rapatrier Olivier Vandecasteele sans délai en Belgique.