Ce défaut que nous prêtons généralement aux Français semble être devenu le nôtre cette semaine, à la faveur de l’Euro 2020. Mais le chauvinisme, que le Larousse définit comme un patriotisme excessif et agressif, nous caractérise-t-il vraiment ? Comment sont nés et s’entretiennent les sentiments nationaux, en Belgique et ailleurs ? Le foot peut-il unir les différentes communautés ?
Explications avec Geneviève Warland, historienne et philosophe spécialisée dans le nationalisme, professeure à l’UCLouvain, rédactrice pour la Revue Nouvelle.
Peut-on vraiment qualifier les Belges de chauvins ?
L’excès de patriotisme et de nationalisme caractérise-t-il vraiment la Belgique francophone ? Pour Geneviève Warland, le terme chauvin n’est pas adapté à la Belgique en général et à la Belgique francophone en particulier. Le terme est né dans un cadre français. Il renvoie à un soldat de l’Empire napoléonien, qui était animé par un patriotisme servant, naïf. Le chauvinisme est donc fortement lié au contexte français. On le retrouve également en Allemagne, sous forme d’un patriotisme exalté, excessif.
Les patriotismes sont nés essentiellement au 19e siècle, à la suite des révolutions, française et américaine, et de l’octroi de droits à un plus grand nombre, explique-t-elle. Ils sont nés dans le contexte de l’opposition entre des collectivités importantes, c’est-à-dire le peuple, et les dynasties.
Le Grand Siècle est le 19e siècle, mais il s’agit finalement moins de patriotisme que de nationalisme. On assiste aux libérations nationales, aux indépendances nationales – celle de la Belgique intervenant en 1830, tout comme celle de la Grèce -, ou encore aux mouvements d’unification - comme en Italie en 1861, ou en Allemagne en 1871, à la suite de la guerre franco-prussienne. On est dans un contexte de naissance d’Etats souverains, souvent en opposition à d’autres Etats européens.
Si ce sentiment nationaliste n’est pas né en Belgique, c’est parce qu’au 19e siècle, elle n’avait pas, comme la France ou l’Allemagne, cette unité de base, cette culture commune de la langue, de la littérature, précise Geneviève Warland.
"C’est peut-être un effet d’un pays multiculturel, on pourrait dire biculturel à l’époque, puisqu’on a deux langues, qui sont devenues nationales à la fin du 19e siècle. Il n’y a pas cette unité ou cette force comme dans les grands Etats."