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L’hésitation vaccinale expliquée par la psychologie

Par RTBF La Première via

La vaccination de masse a réussi à juguler, voire à éradiquer, certaines maladies. Pourtant, même quand l'efficacité de la vaccination est avérée, de nombreuses personnes n’y recourent pas. De la simple passivité à un refus délibéré, parfois claironné publiquement, on trouve une vaste gamme d'attitudes, regroupées sous le vocable d’'hésitation vaccinale'. Un livre s’intéresse aux personnes qui adoptent cette attitude et à leurs raisons.  

Rencontre avec les auteurs de Psychologie de la vaccinationOlivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’ULB et Vincent Yzerbyt, professeur de psychologie sociale à l’UCLouvain.

L’hésitation vaccinale

L'ouvrage débute sur le portrait de 7 personnes très différentes, qui ne se sont pas fait vacciner, pour des motivations extrêmement diverses. Le terme 'antivax' qui les a rassemblés dans les médias est totalement erroné, pour deux raisons, explique Olivier Klein.

  • Cela donne une impression d'homogénéité dans les facteurs psychologiques de la décision de ne pas se faire vacciner. Or les raisons sont multiples.
  • En cataloguant tout le monde sous une étiquette, on renforce l'identification et l'adhésion à cette étiquette.

L'hésitation vaccinale regroupe des profils très différents. Le fait de tarder à se faire vacciner ou de refuser la vaccination n'est en effet pas organisé de façon similaire chez tout le monde, souligne Vincent Yzerbyt.

Chez certains, c'est parce que leurs relations avec notre système de soin sont assez distendues et ils manquent d'information. Certains n'ont pas le temps ni les ressources nécessaires. D'autres encore invoquent des raisons culturelles ou religieuses, et cela quel que soit le milieu social.

La motivation intrinsèque

Face à ce nouveau vaccin qui a été développé rapidement pour lutter contre le Covid-19, il fallait vraiment avoir une grande confiance dans les autorités et dans les experts qui recommandaient de se faire vacciner, pour oser franchir le cap. Et c'est d'autant plus remarquable que la campagne ait eu un tel succès.

Parmi tous les hésitants du début de la campagne, il en restait très peu quelques mois plus tard, rappelle Olivier Klein : "Cela révèle que l'hésitation vaccinale n'est pas quelque chose qui est profondément ancrée chez les gens, cela dépend du contexte et de l'influence de l'extérieur. Et cela montre aussi que généralement, si une campagne est bien menée, et si on constate qu'effectivement, il n'y a pas tellement de risques, la campagne peut être très efficace et l'hésitation peut finalement se dissiper". 

On a tablé sur "la motivation intrinsèque", précise Vincent Yzerbyt, la motivation qui réside véritablement dans la personne, et qui fait qu'au bout du compte, on installe chez les gens une démarche très volontaire, qui n'est pas imposée. "La campagne a tablé sur une volonté inscrite dans la durée au sein de la population, en comptant sur un effet d'entraînement par le fait qu'un grand nombre de personnes voulait bien se faire vacciner et les gens étaient, au fur et à mesure, rassurés sur les effets bénéfiques de cette vaccination."

"Chez ceux qui refusent de se faire vacciner pour des raisons extrêmement fortes, cela révèle parfois une perte de confiance avec les autorités et dans le système de soins de santé. Et là, il y a peut-être du travail à entreprendre pour restaurer cette confiance et ce lien entre le citoyen et le système de santé."

© Getty Images

Le raisonnement motivé

Parmi les motivations à se faire vacciner ou non, il y a principalement la confiance, la complaisance, le confort, explique Vincent Yzerbyt

Concernant le confort, les études ont révélé que la peur des seringues est hyper présente dans la population, à raison de 3 à 10%. 

"C'est là qu'on voit que l'hésitation vaccinale n'est pas tant parfois la conséquence d'idées préconçues sur la façon dont ces vaccins ont été conçus, préparés et testés, que la cause de ces convictions.  Parce qu'on a peur des seringues, parce qu'on a peur de se faire injecter quelque chose avec cet instrument terrifiant, on est en recherche de moyens de se protéger. Et les théories qu'on a pu voir fleurir sur les réseaux sociaux sont parfois un moyen de servir cette peur des seringues"

Olivier Klein précise toutefois que ce mécanisme de raisonnement motivé - on a une attitude et on cherche des bonnes raisons pour la justifier - ne décrit pas uniquement les hésitants vaccinaux. Il décrit tout le monde, y compris ceux qui choisissent de se faire vacciner.

Le livre, avec un regard objectif et non jugeant, entend simplement expliquer comment se passent ces mécanismes de décision.

La motivation autonome

Taper sur les doigts de ceux qui ne se font pas vacciner et récompenser les autres n'est pas la solution. Car une campagne de vaccination, ce n'est pas juste une dose, il faut tabler sur le long terme, rappelle Olivier Klein. On a besoin d'un engagement des personnes.

Il faut tabler sur la motivation autonome. Il faut que cela ait un sens et que la personne décide librement de le faire.

Concernant les mesures de protection, comme le CST ou le port du masque, "en tout cas, en tant qu'outil de santé publique, cela se justifiait sans doute."

Et Vincent Yzerbyt confirme : "L'important est d'être en phase avec le niveau du risque perçu par la population et du risque effectif de la pandémie, pour pouvoir adapter l'action publique. Et lorsqu'on dépasse un peu ce qui est toléré par la population, on rentre dans un certain nombre de difficultés."

Il ajoute : "Ce qu'a révélé cette campagne de vaccination, entre autres, c'est qu'il n'y a pas véritablement une lecture simple entre la liberté individuelle et la protection du collectif. 
Il faut vraiment essayer de combiner les choses pour que lorsque, collectivement, on veut se protéger, on puisse tabler sur quelque chose que les gens sont prêts à faire de manière volontaire, qui restreint leur liberté individuelle, mais pour le bien du groupe".

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