Pour miner la confiance dans la science, il existe des techniques éprouvées. Il faut lever des vents contraires. Et les rafales auxquelles Ben Santer va devoir faire face seront terriblement violentes. Ce qui est arrivé au climatologue est un véritable cas d’école.
A Madrid, début décembre, le fameux Chapitre 8, et la révolution qu’il comporte, est bouclé. Le texte commence et se termine par deux résumés. Il n’y a plus qu’à l’intégrer au rapport complet. Alors, Ben Santer quitte Madrid pour l’Angleterre. Mais John Houghton, le scientifique qui coordonne l’ensemble du rapport, le rappelle.
Les autres chapitres n’ont qu’un seul résumé, en début de texte. Or, ils doivent tous se ressembler. A distance, Ben Santer sucre le dernier résumé. Cet acte anodin va être terriblement lourd de conséquences. Car quelques mois plus tard, alors que le rapport n’est pas encore publié, le 1er juin 1996, une lettre ouverte paraît dans le Wall Street Journal. Elle est signée de la main de Fred Seitz. Et s’en prend violemment à Ben Santer. Fred Seitz est un ancien président de l’Académie Nationale des Sciences. C’est un des scientifiques américains les plus prestigieux.
Il n’est pas climatologue. Il n’a pas participé aux débats à Madrid. Mais il accuse Ben Santer de fraude scientifique. Il l’accuse d’avoir effectué des changements non autorisés après Madrid, d’avoir retiré des passages pour des raisons politiques.
Les scientifiques du GIEC sont scandalisés. Quarante auteurs principaux cosignent une réponse qui dédouane Ben Santer, qui explique que la procédure a été scrupuleusement suivie, qu’il s’agit d’un simple résumé en fin de texte retiré par souci de cohérence. Mais par trois fois, le Wall Street Journal refuse de publier cette réponse. Elle sera finalement imprimée dans l’édition du 25 juin, amputée d’une série de paragraphes. Les 40 cosignataires ont disparu. Seul reste le nom de Ben Santer.
Dans les semaines qui suivent, plusieurs quotidiens américains de droite comme le Wall Street Journal ou le Washington Post publient des lettres ouvertes qui mettent en cause le travail et la probité de Ben Santer. Toutes sont signées de la main des scientifiques : Peter Seitz, Fred Singer, William Nierenberg… Et tous appartiennent à une même structure : le Marshall Institute.