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L’hiver et la mythologie en musique : Saturne, dieu des journées les plus courtes et de la renaissance

Saturne recouvert d’un manteau d’hiver, fresque retrouvée à Pompéi

© Mondadori Portfolio / Getty Images

L’hiver, plus que les autres saisons, offre une multitude d’interprétations et d’expressions artistiques allant du calme à l’agitation, de l’introspection à l’exploration, du noir au blanc… Xavier Falques vous raconte l’histoire qui entoure les œuvres liées à cette saison si particulière.

"Le ciel pour nous livrer la guerre, confondra-t-il les éléments ? Il n’est plus de fruits sur la terre. Les airs ne sont remplis que de grêle et de vents. Des torrents furieux, qui tombent des montagnes, ont fait périr dans nos campagnes ce qu’épargnaient encore Borée, et les frimas ; et contraint de remplir sa pénible carrière, le dieu qui répand la lumière jette à peine un regard sur ces tristes climats."

Joseph Bodin de Boismortier, "L’hyver", Cantates françaises à voix seule mêlées de symphonies

L’hiver et Saturne

La mort encore, mais elle n’est pas symbolique, elle est littérale. Elle est le fruit poétique des dieux grecs et romains. Elle est l’opposé du roi du Grand Siècle, l’opposé du Soleil de Versailles. Et justement, Louis XIV goûtait à ses références antiques, à ses dieux qui personnifiaient les éléments. Après tout, ne se représente-t-il pas maître de la nature. L’eau ne s’écoule-t-elle pas selon son désir ? Le soleil ne se couche-t-il pas dans l’axe de la façade de sa chambre le jour de la Saint-Louis, comme une révérence de l’astre à son représentant terrestre ?

Cette nature et sa mythologie se retrouvent partout dans le palais de Versailles. Une nature personnifiée par les saisons. Apollon à l’été, Flore au printemps, Cérès à l’automne et Saturne à l’hiver. Si le Roi-Soleil est légitimé par la volonté du Dieu chrétien, les dieux païens envahissent l’art français du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. Mais dans ces conditions, n’y a-t-il pas plus à voir dans ces saisons mythologiques et particulièrement celle de l’hiver, que la mort de la nature ?

Saturne est une figure double, il n’est pas uniquement la représentation mythologique des journées les plus courtes, mais aussi de l’impulsion positive qui s’en suit. Il est un Dieu qui dévore ses enfants, comme l’a si bien représenté Goya dans l’une de ses peintures noires, mais il est également, après avoir été détrôné par Jupiter, un monarque terrestre représentant l’âge d’or duquel découle la naissance de la civilisation latine. C’est d’ailleurs à cet âge d’or que l’on doit les Saturnales, ces journées de fêtes durant lesquels maîtres et esclaves étaient sur le même pied d’égalité. Saturne est donc à la fois associé à la violence et à la paix, à la mort et à la vie.

Le premier fruit de la terre offert à Saturne, 1655-1657. Giorgio Vasari
Le premier fruit de la terre offert à Saturne, 1655-1657. Giorgio Vasari © Fine Art Images / Heritage Images / Getty Images

Mythologie et saisons en musique

Revenons maintenant à Versailles. Si la représentation de Saturne la plus célèbre se trouve certainement dans les jardins, avec le bassin de saturne ou bassin de l’hiver, on retrouvait aussi le dieu païen dans les cabinets du grand appartement. Cette fois associés aux planètes, Saturne, tout comme Diane, Mars, Mercure et Jupiter, se disposaient de chaque côté d’Apollon, le soleil. Est conservée à Versailles l’étude préparatoire du plafond du cabinet de saturne réalisé par Noël-Nicolas Coypel qui montre dans les cieux, un saturne triomphant sur son char tiré par des dragons.

Joseph Bodin de Boismortier

Architecture, Sculpture, Peinture, Littérature, tous mettent en avant cette thématique mythologique. Et la musique là-dedans ? Elle ne fait pas exception, les sujets mythologiques et les saisons deviennent le centre des nombreuses œuvres lyriques sous Louis XIV et encore dans la première moitié du XVIIIe siècle. On prendra pour exemple parmi tant d’autres le Ballet des saisons de Lully.

Mais comme il n’est pas question ici de l’été et d’Appolon, mais bien de l’hiver et de Saturne, ce n’est pas une œuvre composée sous Louis XIV que nous écoutons, mais plutôt une œuvre du règne de Louis XV. Saturne, Louis XV, une conjonction des soleils noirs…

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