La mort encore, mais elle n’est pas symbolique, elle est littérale. Elle est le fruit poétique des dieux grecs et romains. Elle est l’opposé du roi du Grand Siècle, l’opposé du Soleil de Versailles. Et justement, Louis XIV goûtait à ses références antiques, à ses dieux qui personnifiaient les éléments. Après tout, ne se représente-t-il pas maître de la nature. L’eau ne s’écoule-t-elle pas selon son désir ? Le soleil ne se couche-t-il pas dans l’axe de la façade de sa chambre le jour de la Saint-Louis, comme une révérence de l’astre à son représentant terrestre ?
Cette nature et sa mythologie se retrouvent partout dans le palais de Versailles. Une nature personnifiée par les saisons. Apollon à l’été, Flore au printemps, Cérès à l’automne et Saturne à l’hiver. Si le Roi-Soleil est légitimé par la volonté du Dieu chrétien, les dieux païens envahissent l’art français du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. Mais dans ces conditions, n’y a-t-il pas plus à voir dans ces saisons mythologiques et particulièrement celle de l’hiver, que la mort de la nature ?
Saturne est une figure double, il n’est pas uniquement la représentation mythologique des journées les plus courtes, mais aussi de l’impulsion positive qui s’en suit. Il est un Dieu qui dévore ses enfants, comme l’a si bien représenté Goya dans l’une de ses peintures noires, mais il est également, après avoir été détrôné par Jupiter, un monarque terrestre représentant l’âge d’or duquel découle la naissance de la civilisation latine. C’est d’ailleurs à cet âge d’or que l’on doit les Saturnales, ces journées de fêtes durant lesquels maîtres et esclaves étaient sur le même pied d’égalité. Saturne est donc à la fois associé à la violence et à la paix, à la mort et à la vie.