Liège

Liège se meurt, ses commerces disparaissent : c’est aussi vrai que faux

Par Benjamin Verpoorten

"Liège se vide de ses commerces", "Liège se meurt", "je ne vais plus en ville à cause des travaux" : ces phrases, on les entend souvent en cité ardente. Les Liégeois ont le sentiment que le tram, la crise économique et l’insécurité tuent le centre et poussent les commerces liégeois à la faillite. Nous avons tenté de le vérifier et la réponse est : c’est aussi vrai, que faux.

C’est vrai pour l’hypercentre

Impossible de ne pas les voir, les cellules vides sont nombreuses dans les rues Pont d’Ile et Vinâve d’Île. Ces deux artères proches de la cathédrale sont les fameuses Highstreet, les axes plus prisés du centre-ville sur le plan commercial. Il y a 10-15 ans, y trouver une place était impossible. Aujourd’hui, un quart des vitrines y sont inoccupées.

"Ces rues étaient essentiellement réservées au secteur de la mode, mais ce secteur vit de gros moments difficiles depuis une dizaine d’années. Le covid a accéléré ce mouvement. Pour l’instant, on a énormément de faillites, de protections judiciaires et donc moins de candidats pour reprendre les cellules" constate Jean-Luc Calonger, président de l’AMCV, une association qui accompagne les villes dans la gestion de leur centre.

Les cellules restent vides et cela décourage certains commerçants.

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Les cellules vides ont fait fois 5 en 17 ans dans les Highstreet

Les repreneurs ne se bousculent pas, car contrairement à ce que l’on pourrait penser, les loyers des espaces vides ne diminuent pas "la plupart de ces bâtiments font partie de foncières cotées en Bourse" explique le président de l’AMCV "si on diminue leur loyer, on diminue la valeur du bien ce qui n’arrange pas les actionnaires". 

Résultat, les loyers ne sont pas abordables pour de petits commerces. Seuls de gros vendeurs peuvent s’y installer, à savoir le secteur de la mode qui pour l’instant tire la langue.

Autre raison de la désertification du centre, il n’est plus l’unique lieu de shopping. Il souffre de la concurrence avec les centres commerciaux, les pôles commerciaux en périphérie, le shopping en ligne et même, les villes étrangères comme Maastricht et Roermond.

À cela, s’ajoutent les crises énergétique et économique qui augmentent les charges des commerçants et diminuent le pouvoir d’achat des clients.

C’est faux pour la globalité de la ville

© RTBF

Si le centre va mal, la ville dans sa globalité se porte mieux. Entre 2021 et 2022, le nombre de vitrines vides a diminué de 2% pour atteindre 18,1% soit environ un commerce sur 5. C’est à peine supérieur à la moyenne wallonne (16,8%) "autant le centre est en difficulté, autant le reste de la ville bénéficie d’une vraie dynamique commerciale donc Liège ne va pas plus mal qu’une autre ville wallonne" détaille Jean-Luc Calonger qui dit avoir plus peur pour l’avenir du secteur de la mode que pour l’avenir du commerce à Liège.

D’autant que dans cette période où l’image de Liège est dégradée par les nombreux chantiers, des commerçants s’unissent pour rappeler qu’ils se battent et qu’ils feront tout pour traverser cette tempête qui, ils l’espèrent, s’apaisera avec la fin du chantier du tram.

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Mais qui sont ceux qui tiennent ? Jean-Luc Calonger met en avant des indépendants qui proposent des produits de niche "des bijoux, certains types de spiritueux ou de vins, du circuit court, des produits locaux, du chocolat. Ce sont aussi des commerces avec de la valeur qui améliorent l’ambiance des quartiers où ils sont et donnent du bien-être".

Ces commerces ont aussi très souvent un site de vente en ligne et une proximité digitale avec leurs clients "ils ont des interactions avec leurs followers. C’est de la proximité, non plus spatiale comme on avait avant, mais digitale grâce à Facebook, Instagram ou Tik-Tok. Ils échangent et communiquent via ces réseaux".

Voilà qui permet à ces commerçants de garder la tête hors de l’eau et de survivre, car ils ne s’en cachent pas, la situation reste précaire et la période est loin d’être bonne sur le plan commercial.

Le tram, une grosse goutte dans un verre déjà bien (trop) rempli

Le tram n’est pas l’unique cause des problèmes des commerçants. Il vient plutôt couronner le tout. Ce chantier complique le stationnement et la circulation, tant en voiture qu’à pied et surtout, il ternit l’image de la ville. 

Liège est un chantier à ciel ouvert et cela semble fatiguer les Liégeois qui s’en plaignent, évitent le centre et vont faire leurs courses ailleurs.

Un sentiment confirmé par de nombreux commerçants qui pointent aussi l’ambiance en ville, moins joviale, une insécurité et une saleté plus importante.

Une mauvaise image qui doit changer, sans quoi les commerçants qui tiennent et se battent, finiront eux aussi par voir leur clientèle fuir. La fin du chantier du tram devrait déjà être une bonne première étape, reste à s’attaquer aux autres problèmes.

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