L’illusion de la main en caoutchouc qui fait perdre la tête à votre cerveau

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Par Kamel Azzouz

Vous l’avez trompé à plusieurs reprises. Vous avez fait croire tout et n’importe quoi en berçant d’illusions cet inconnu si célèbre dont on ignore tant de choses. Grâce à certaines manipulations, le cerveau peut ne plus distinguer ce qui fait réellement partie de votre corps ou pas.

Quelques expériences, et particulièrement celle de l’illusion de la main en caoutchouc, démontrent qu’il est facile de le tromper.

L’expérience qui précède les sens

En 1998, les neuroscientifiques Matthew Botvinick et Jonathan Cohen publient dans Nature, l’une des plus prestigieuses revues scientifiques, leur expérience aussi simple que géniale. L’idée est d'induire en erreur notre cerveau quant à sa perception de notre corps avec une main en caoutchouc. A la fin de cette expérience, le participant finit par croire que cet objet fait partie de son corps.

Concrètement, le sujet doit déposer ses deux mains sur une table sauf que sa main gauche est cachée par un panneau. Le scientifique dépose ensuite une main artificielle devant le cobaye, là où pourrait se trouver sa main gauche. Rappelons que le participant ne voit plus sa véritable main gauche dissimulée par la paroi. L’expérimentateur caresse ensuite à l’aide d’un pinceau, dans le même sens et au même moment, la main en caoutchouc (que le sujet regarde) et sa véritable main gauche.

Grâce au sens de la vue, l’objectif est de créer un lien spatiotemporel entre les deux mains. En quelques minutes, le sujet a l’impression de ressentir les caresses effectuées sur la main en caoutchouc comme si elle faisait réellement partie de son corps. Puis sans prévenir, le scientifique frappe soudainement celle-ci avec un marteau. Son cerveau manipulé, le sujet en crie presque de douleur.

Comment notre cerveau se fait berner par une main en caoutchouc

Certaines zones du cerveau s’occupent de ce que l’on appelle l’appropriation du corps ou la représentation de son propre corps. Il s’agit du cortex pariétal et du cortex prémoteur qui travaillent ensemble et qui sont connectés l’un avec l’autre. Olivier Collignon, Professeur à l’Institut de Neurosciences et de Psychologie à l’UCLouvain, nous explique comment le cerveau a été trompé par l’expérience menée par les neuroscientifiques Matthew Botvinick et Jonathan Cohen :

En fait, le cortex pariétal intègre des informations multisensorielles, notamment les informations tactiles de notre corps et des informations visuelles. C’est exactement ce qui se passe dans l’illusion du membre en plastique. C’est-à-dire que l’on va créer une fausse association visuelle avec une association tactile. En caressant ce membre artificiel, c’est par la vue que le sujet va ressentir cette stimulation tactile parce qu’en même temps on stimule la vraie main gauche que l’on ne voit plus. Ce qui est crucial dans un premier temps, c’est cette association visio tactile qui crée finalement dans le cortex pariétal cette sensation. Cette région cérébrale envoie un message au cortex prémoteur qui, lui, joue un rôle essentiel dans cette coordination, et donc dans cette appropriation d’un membre. La solution trouvée par le cerveau, c’est que ce membre en plastique doit faire partie du corps. "

Des patients demandent qu’on les ampute car ils ont la sensation que ce bras qui est attaché à leur corps ne leur appartient pas

Il est donc prouvé scientifiquement que la perception et la sensation du schéma corporel sont très flexibles et sensibles à des manipulations qu’elles soient d’ordre visuel ou autres. Ajoutons qu’une série d’expériences ou de manifestations cliniques sont encore plus extrêmes.

Olivier Collignon nous fait part de l’effet inverse de l’illusion de la main en caoutchouc, à la suite de lésions cérébrales : Il y a des patients qui, après certaines lésions cérébrales dans les régions que je vous ai mentionnées précédemment, ont la sensation que leur bras droit (exemple) qui existe ne leur appartient pas. A cause des effets de ces lésions, des patients demandent qu’on les ampute car ils ont la sensation que ce bras droit qui est attaché à leur corps ne leur appartient pas. Effectivement, ce schéma corporel est très sensible à des manipulations comme on en a fait l’expérience. Mais aussi à des manipulations malheureuses dans le cerveau comme un accident vasculaire cérébral par exemple. "

Aussi complexe soit-il, le cerveau peut être aisément trompé par une main en caoutchouc ou accidentellement par des lésions. Son paradoxe est qu’il a autant besoin de stabilité que de flexibilité pour s’adapter à notre environnement. Comme de nombreuses recherches l’ont déjà démontré, le cerveau est sans nul doute plein de mystères.

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