Sciences et Techno

L’imprimante 3D, un outil pour réparer le corps (encore faut-il trouver le bon plan)

© Gettyimages

"Docteur, avez-vous imprimé mon cartilage ?" Imaginez-vous poser cette question à votre médecin... Cela vous paraît futuriste ? C’est pourtant déjà bien d’actualité. Même si ce n’est pas votre doc lui-même qui ira vous sortir votre implant osseux tout droit de l’imprimante 3D, mais des start-up en biotechnologie, actives dans ce qu’on appelle la médecine régénérative.

Parmi les scientifiques qui repoussent les limites de cette médecine qui répare, la Professeure Liesbet Geris (ULiège) : elle figure parmi les lauréats des prix décernés ce jeudi par la Fondation AstraZeneca. Le jury du Fonds de la Recherche Scientifique et son pendant néerlandophone, le FWO, ont choisi de récompenser la jeune ingénieure, pour ses travaux qu’on pourrait résumer : "à la poursuite de la forme d’implant osseux préférée par nos cellules". Le plan idéal, si vous voulez.

Exemple didactique d'implant osseux imprimé en résine, de structure identique aux implants réels.
Lieesbet Geris, lauréate du prix "AstraZeneca Foundation Awards" décerné par le FNRS et son équivalent flamand, le FWO. Dans sa main gauche, un prototype d'implant 3D de forme gyroïde.

Médecine de guerre, accident, maladie

À quels patients se destine cette recherche ? À tous ceux les patients qui, pour des raisons de traumatisme grave, d’accident ou de maladie, ne peuvent pas compter sur une réparation du tissu osseux sans implant, car le "trou" est trop important. Par exemple, les personnes à qui une tumeur a été retirée, ou qui souffrent d’une maladie génétique, la neurofibromatose, caractérisée dans certains cas par des atteintes osseuses. Autre cas de figure : une personne ayant besoin d’un implant dentaire, mais qui n’a plus assez d’os pour l’y accrocher. Dans toutes ces situations, on peut implanter un élément imprimé en 3D, un biomatériau qui va ensuite avoir pour mission d’attirer les cellules du patient pour qu’elles viennent former de nouveaux tissus autour de lui, qui vont ensuite totalement s’intégrer au corps du patient.

Des vaisseaux artificiels pour l’Ukraine

Hors de nos frontières, et toujours dans le domaine de la médecine régénérative, une société américaine de biotechnologie vient d’exporter des vaisseaux sanguins artificiels à destination des blessés ukrainiens souffrant de lésions vasculaires. Ce sont des VHA, des vaisseaux cellulaires humains, autrement dit des vaisseaux de remplacement prêts à l’emploi conçus pour réparer, reconstruire et remplacer les vaisseaux endommagés. 

Humacyte, c’est le nom de la société, a exporté ses vaisseaux encore au stade d’évaluation clinique dans six hôpitaux en Ukraine, notamment à Kiev et à Kharkiv. L’envoi s’est fait à la demande d’un chirurgien ukrainien qui connaissait bien cette technique. Bien que ce traitement ne soit pas encore approuvé à la vente par le régulateur américain, la FDA, les unités ont été envoyées pour répondre aux besoins du terrain, à titre humanitaire. En cours d’évaluation dans plusieurs essais cliniques, ce type de vaisseau a déjà été utilisé dans plus de 460 implantations de patients.

Modèles mathématiques

Pour en revenir à Liesbet Geris et à ses biomatériaux osseux, la prouesse et la récompense portent surtout sur le travail effectué en créant des modèles numériques basés sur des milliers de données issues de précédentes greffes. Cela lui a permis, avec son équipe, de mettre au point une forme spécifique, facile à imprimer en 3D, dans un matériau naturel que l’on trouve dans les os, le phosphate de calcium.

Grâce à cette forme particulière, les cellules humaines sont davantage attirées vers ce biomatériau-là que vers d’autres qui sont actuellement utilisés. Il s'agit d'une structure dite "gyroïde", comme l'explique Liesbet Geris : "C'est une structure qui est comme une vague. Si on la coupe, on voit des choses qui sont un peu comme des vagues. Les vagues sont très faciles pour les cellules, pour bouger, parce qu'elles ont toujours quelque chose pour s'y accrocher et puis se tirer au fur et à mesure dans l'implant". 

© AstraZeneca Foundation
Les différentes formes utilisées pour les implants : 
- A et D : matériaux utilisés dans la pratique clinique
- B et E : matériaux imprimés en 3D, de forme "classique"
- C et F : matériaux de forme gyroïde développés par Liesbet Geris et son équipe
Les différentes formes utilisées pour les implants : - A et D : matériaux utilisés dans la pratique clinique - B et E : matériaux imprimés en 3D, de forme "classique" - C et F : matériaux de forme gyroïde développés par Liesbet Geris et son équipe © Liesbet Geris (ULiège)

D’autres chercheurs primés

Liesbet Geris n’est pas la seule chercheuse de haut niveau récompensée par les Awards de la Fondation AstraZeneca. Parmi les lauréats 2022, il y a aussi le Professeur Patrice Cani (UCLouvain), distingué par les Académies royales de Belgique pour ses travaux sur le microbiote intestinal comme outil pour lutter contre l’obésité et le diabète de type 2.

Du côté de l’ULB, le jury du FNRS et du FWO flamand a choisi de récompenser les recherches du Professeur Esteban Gurzov. Il travaille sur la thérapie génique pour diagnostiquer certains cancers. Grâce aux ciseaux génétiques du CRISPR/Cas, il a pu avec son équipe identifier des biomarqueurs utiles pour détecter certains cancers comme le carcinome hépatocellulaire, un cancer du foie.

Enfin, le Professeur Thomas Voets (VIB – KULeuven) reçoit un prix pour ses recherches sur la douleur chronique et de nouvelles pistes de traitement plus efficaces et non-addictifs. Quant à Kris Laukens (UAntwerpen), il est récompensé pour ses recherches sur la réponse immunitaire aux infections, et plus précisément sur les cellules T ; ses recherches ayant pour objectif de prédire la réaction de l’organisme face à un virus, un traitement ou un vaccin.   

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