Brabant wallon

Lin wallon : la filière tend à devenir de plus en plus courte

Par Stéphanie Vandreck
Le lin fleurit sur de plus en plus de champs chez nous
Le lin fleurit sur de plus en plus de champs chez nous © AFP or licensors

Dans son petit atelier de Nivelles, Véronique Vermeeren confectionne linge de lit, nappes, serviettes et rideaux. La seule matière qu’elle utilise est le lin. "C’est une matière vivante. J’adore la travailler", confie-t-elle. Avec ses créations, elle arrive en dernière étape d’une filière qui démarre dans des champs parfois situés à seulement quelques kilomètres de chez elle. "On récolte tout au long de la dorsale wallonne, depuis Valenciennes, en France, jusqu’à Herstal, en province de Liège", précise Gilles Marchandise, seul "teilleur" wallon. "Il y a une tradition de lin européen, cultivé entre Amsterdam et Caen, ce qui représente 85% de la production mondiale", remarque Véronique Vermeeren. Le lin cultivé en Wallonie est réputé pour sa qualité, liée à la longueur de ses fibres. C’est lui est utilisé pour les tissus les plus haut de gamme. "Dans les meilleures années, la matière noble, la fibre longue, peut atteindre jusqu’à 90 centimètres de longueur. Sa finesse est comparable à celle des cheveux", décrit le teilleur, qui exporte la plus grosse partie de sa production vers l’Asie. Mais le lin cultivé en Wallonie est donc aussi mis en valeur dans des créations wallonnes, comme celles de Véronique Vermeeren. Cela veut-il dire qu’on peut trouver sur le marché des produits en lin 100% wallon ? Pas tout à fait, même si la filière reste relativement courte dans ce cas-ci.

Véronique Vermeeren travaille uniquement le lin issu de la filière européenne
Véronique Vermeeren travaille uniquement le lin issu de la filière européenne © S. Vandreck

Ecologique et plus rentable que d’autres cultures

Le lin est ce qu’on appelle une culture de printemps. Il est récolté début juillet, quelques semaines après sa floraison d’un bleu intense. Thierry Lermigniau, agriculteur à Hoves, dans le Hainaut, en cultive depuis quinze ans et y voit de nombreux avantages. "C’est une culture relativement écologique, vu qu’il faut lui apporter très peu de pesticides. Dans le cadre de la rotation des cultures, elle précède avantageusement le blé, vu qu’elle prend très peu d’azote", explique-t-il. Le lin demande peu d’intrants, peu d’eau et relativement peu de travail de la part de l’agriculteur, ce qui rend aussi sa culture moins coûteuse. Ce qui pousse aussi de plus en plus d’agriculteurs à en semer, c’est la demande pour le lin sur le marché mondial, en constante croissance. "Depuis quelques années, la demande se fait plus pressante, confirme Philippe Colinge, cultivateur à Soheit-Tinlot, dans le Condroz. C’est un marché qui commence donc à trouver beaucoup d’intérêt, même si c’est quand même une culture à risque". L’agriculteur fait ici référence à la météo, qui peu mettre à mal toute une récolte, comme lors des inondations de l’été dernier. Son collègue relativise : "Travailler pour rien, ça nous arrive, mais perdre de l’argent avec le lin, c’est très rare, commente Thierry Lermigniau, contrairement à d’autres cultures plus industrielles où on a plus de marge, mais beaucoup plus de risques".

Chez le teilleur, la fibre du lin est séparée du bois, qui est lui aussi valorisé.
Chez le teilleur, la fibre du lin est séparée du bois, qui est lui aussi valorisé. © S. Vandreck

Dans le lin, c’est un peu comme dans le cochon, tout est bon !

Peu d’agriculteurs ont cela dit investi dans les machines destinées à récolter le lin. C’est l’entreprise de Gilles Marchandise qui s’en charge, avec l’aide d’une trentaine de saisonniers. La récolte se déroule fin juin, début juillet, soit environ 110 jours après le semis. "Le lin ne se coupe pas, il s’arrache, insiste-t-il. Ensuite, on le place en lignes parallèles sur le champ, pour pouvoir entamer le début du rouissage. Le lin doit en effet arriver à un certain stade pourriture pour pouvoir séparer le bois de la fibre et procéder à l’étape suivante, le teillage". Le teillage étant l’étape qui précède le filage. Des grosses machines de l’entreprise Marchandise, à Villers-le-Bouillet, sortent des touffes de fibre de lin brut, qui devra encore être peigne puis filé. "On extrait ici la fibre longue, qui est la matière noble, la fibre courte, utilisée pour le textile, l’isolation ou la papeterie. Il y a encore les graines, destinées aux huileries. Enfin, la poussière est recyclée dans des sites de compostage. Il n’y a pas de déchets : tout est valorisé. Dans le lin, c’est un peu comme dans le cochon, tout est bon !", plaisante-t-il.

Des créations qui visent une clientèle prête à investir dans du local et du durable
Des créations qui visent une clientèle prête à investir dans du local et du durable © S. Vandreck

Un lin européen et haut de gamme

Les étapes suivantes doivent se faire en dehors de Belgique. Véronique Vermeeren tient à ce que le lin qu’elle utilise soit transformé en Europe. Il est ainsi filé en Pologne ou en Lituanie, tissé en Italie ou en Flandre. "En amont de mes collections, il y a un grand travail de traçabilité. C’est vraiment la garantie d’un produit 100% européen, de la graine jusqu’au produit fini. Je sais d’où il vient, je connais l’équipe qui travaille pour avoir un résultat d’une telle qualité", insiste la créatrice. Son linge de maison vise une clientèle haut de gamme, soucieuse d’investir dans un produit durable et dans l’artisanat local. Le prix de ses créations s’explique par le fait qu’elles sont confectionnées en petites séries par ses soins, avec un grand souci du détail, mais aussi parce que toute la main-d’œuvre qui a travaillé aux différentes étapes précédentes est européenne, et donc forcément plus chère. "Mais ce sont des experts", ajoute-t-elle. Du lin 100% européen, et en partie belge, c’est donc déjà possible, à condition d’y mettre le prix. Le mouvement de relocalisation s’accentue d’ailleurs : Safilin, filature française qui avait délocalisé son activité en Pologne dans les années 90, vient de rouvrir une usine dans le nord de la France. "C’est un bon signal en tout cas, se réjouit Véronique Vermeeren. Peut-être que dans quelques décennies, on aura un lin 100% belge".

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