Belgique

L’Inami veut limiter les opérations du genou inappropriées chez les plus de 50 ans, d’autres opérations dans le viseur

L’Inami veut limiter les opérations du genou inappropriées chez les plus de 50 ans, d’autres opérations dans le viseur. Photo d’illustration.

© Getty Images

Par Daphné Van Ossel

Passé cinquante ans, c’est presque devenu un classique. Une opération du genou. L’Inami considère que cette intervention est beaucoup trop courante dans cette catégorie d’âge, alors qu’elle n’est pas toujours indiquée. Des garde-fous sont donc mis en place, avec l’instauration d’un quota (dites plutôt "indicateur"). Une première qui pourrait se décliner pour d’autres opérations.

L’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami) s’attaque plus précisément à la "méniscectomie arthroscopique". Soit l’ablation d’une partie d’un ménisque (voir schéma), quand il présente des lésions.

© Claire Pineux – RTBF

60% des méniscectomies réalisées en Belgique le sont chez des patients de plus de 50 ans. "Il s’agit principalement de lésions dégénératives (c’est-à-dire une altération progressive due au vieillissement contrairement à une lésion traumatique due à un accident, ndlr) pour lesquelles l’arthroscopie n’apporte pas de bénéfices immédiats" affirme l’Inami.

"Inutile et délétère"

"En cas de lésion due au vieillissement naturel, ce type d’intervention est non seulement inutile mais elle peut en plus être délétère à moyen terme parce qu’elle peut provoquer de l’arthrose" abonde Pierre Burton, chirurgien du genou à l’Hôpital Civil Marie Curie (Charleroi), et membre du bureau de la société belge de chirurgie orthopédique.

Des campagnes de sensibilisation ont déjà été menées pour faire évoluer les pratiques mais elles ont la vie dure. "Il est clair qu’on pratique des méniscectomies de manière abusive. C’est une opération qui dure un quart d’heure et qui est quand même tarifée aux environs de 260 euros."

Lucrative

Voilà pour une première explication : c’est une opération lucrative. Autre explication, selon le docteur Burton : le recours massif à la résonance magnétique (IRM). "La résonance magnétique est hypersensible. On voit des lésions dégénératives, et on peut les interpréter comme des déchirures et on en opère du coup beaucoup plus."

L’Inami va donc plus loin, en instaurant un quota de 45%. Sur 100 méniscectomies pratiquées par un médecin, seules 45 pourront concerner des patients de plus de 50 ans.

Mais l’Institut insiste : il s’agit d’un indicateur (dit "de déviation manifeste"), pas d’un quota : "Les indicateurs sont des mesures qui indiquent clairement la frontière entre les soins appropriés et inappropriés. Il ne s’agit pas d’un quota puisque tout patient pour lequel l’opération se justifie pourra se faire opérer. En d’autres termes, les 45% sont un seuil au-delà duquel une justification sera nécessaire et donc toute exception motivée est possible."

Tout patient pour lequel l’opération se justifie pourra se faire opérer.

Que se passera-t-il en cas de dépassement de ce pourcentage ? Dans un premier temps, cet indicateur permettra surtout aux médecins d’évaluer eux-mêmes leurs pratiques. A terme (quand ?), des mesures pourront être prises, qui pourraient aller jusqu’au "recouvrement des sommes indûment versées aux prestataires de soins."

Une première… et d’autres à venir

Ce genre d’indicateurs a déjà été mis en place pour la prescription de médicaments, mais pour une opération c’est une première. "Cela s’inscrit dans une démarche qui est assez neuve, commente Jean Macq, professeur en santé publique à l’UCLouvain. L’Inami tente désormais de ne pas budgétiser les soins de santé uniquement en fonction de ce dont les professionnels, les organisations ont besoin mais aussi sur base de ce qu’on appelle des ‘objectifs de soins de santé’. L’idée, c’est de se donner des objectifs pour réduire des soins inappropriés et coûteux, et de pouvoir allouer l’argent économisé à d’autres soins plus appropriés."

En l’occurrence, en 2019, 32.254 méniscectomies ont été pratiquées en Belgique, dont 58,8% sur des patients de plus de 50 ans. Cela représente 4,93 millions d’euros. Il est cependant difficile d’évaluer les économies qui pourraient être réalisées, puisque d’autres soins seront nécessaires à la place des opérations.

L’Inami a d’autres interventions dans le viseur. Une nouvelle loi lui permet, ainsi qu’à Sciensano et au Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), de proposer des indicateurs au Conseil National de Promotion de la Qualité. S’ils sont acceptés, ils sont publiés au Moniteur belge. C’est ce qui s’est passé le 17 avril dernier pour les méniscectomies. L’Inami a introduit d’autres dossiers, qui devraient atterrir dans les prochains jours.

Pierre Burton, chirurgien du genou, sur la méniscectomie après 50 ans

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Sur le même sujet, dans le journal de 6 heures de Vivacité (4 mai 2023) :

L’Inami veut limiter les opérations du genou inappropriées chez les plus de 50 ans, d’autres opérations dans le viseur

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