Sur les 300 millions de doses de vaccins attendues d’ici la fin juin, AstraZeneca n’en fournira que 100 millions. Seulement un tiers de ce que l’entreprise s’était engagée à livrer à l’Union européenne. Il y a rupture de confiance entre la firme pharmaceutique et les instances européennes. Pour la Commission, l’entreprise pharmaceutique a failli. Elle n’a pas respecté les termes de son contrat.
Conséquence : la politique vaccinale de plusieurs Etats membres a pris du retard. Pas du tout, explique le fabricant de vaccins, nous avons fait de notre mieux comme le demande précisément le contrat.
Bref, c’est un vrai dialogue de sourd auquel la justice va s’attaquer ce mercredi. A travers une procédure en référé initiée par la Commission qui espère ainsi obtenir la livraison de 90 millions de doses de vaccins, une partie de ce qui lui a été promis, sous peine d’astreinte.
Les meilleurs efforts raisonnables
L’audience a duré toute la journée. Mais la décision de la juge n’est pas attendue avant plusieurs semaines. Me Rafaël Jafferali, qui représente les intérêts de l'Union Européenne, a soutenu qu'AstraZeneca avait privilégié la fourniture de ses vaccins à la Grande-Bretagne et au Japon, au détriment de l'UE. C'est, selon lui, une violation manifeste de leur contrat.
L'avocat de l'Union a plaidé sur la notion de "meilleurs efforts raisonnables" auxquels s'est engagé AstraZeneca pour honorer les commandes de vaccins passées par l'UE. Il a soutenu que le laboratoire n'avait pas utilisé tous ses moyens de production pour fournir l'Europe, notamment son usine aux Pays-Bas, exploitée par le groupe Halix. Elle a, selon lui, produit des doses qui ont été expédiées vers la Grande-Bretagne et le Japon avant l'Europe.
Me Jeffareli a déploré le fait que pendant plusieurs semaines après l'accord de préachat, l'usine néerlandaise d'AstraZeneca (exploitée par son sous-traitant Halix) avait continué d'alimenter d'autres marchés que celui de l'UE.
"Les meilleurs efforts raisonnables, ça implique une flexibilité ! Pourquoi le basculement du site d'Halix (vers l'approvisionnement de l'UE) n'a commencé que le 13 octobre ?", a lancé l'avocat. "AstraZeneca n'a même pas utilisé la totalité des outils qui étaient à sa disposition", a-t-il ajouté, en assurant que le groupe pouvait à l'époque mobiliser "six sites de production pour respecter le calendrier fixé". L'usine d'Halix, à Leiden aux Pays-Bas, aurait également approvisionné le Japon à la fin de l'an dernier, selon Me Jeffareli.
L'union européenne a réclamé de lourdes indemnités: au moins 10 millions d'euros de pénalités ainsi que "dix euros par dose et par jour de retard" si le calendrier de livraison n'est pas respecté.
Vacciner le monde entier
Le laboratoire pharmaceutique AstraZeneca a réfuté mercredi toute "violation" du contrat sur la vente de vaccins anti-Covid aux Européens, comme l'en a accusé l'UE qui réclame à la justice belge des millions d'euros de pénalités pour le non respect des livraisons prévues.
"Il n'y a eu aucune violation manifeste du contrat. C'est très choquant d'être accusé de fraude", a déclaré Me Hakim Boularbah, avocat du groupe suédo-britannique. "L'urgence aujourd'hui ce n'est plus tellement la vaccination de l'Europe, c'est celle de la population mondiale", a affirmé Me Boularbah.
Outre le retard reproché au 1er trimestre, AstraZeneca s'expose aussi à des pénalités si les engagements pour le second ne sont pas remplis. Il est censé fournir aux Vingt-Sept sur avril-mai-juin 180 millions de doses. La promesse de livrer 300 millions de doses au total sera tenue, a assuré Me Boularbah, soulignant que le laboratoire mettrait "tout en oeuvre pour résoudre les problèmes".
Les conseils du groupe ont rappelé que, dès fin 2020, la Commission avait été prévenue des difficultés de "rendement" dans certaines usines européennes. Et pour eux, il n'y avait pas d'engagement contractuel à respecter certains délais. Le vaccin a été développé en quelques mois, à une vitesse "inédite", et en termes de fabrication le contexte était particulièrement "incertain", a plaidé Me Boularbah.
Dans un entretien fin janvier au journal italien La Repubblica, le patron d'AstraZeneca Pascal Soriot avait pointé du doigt les retards pris par des partenaires du groupe devant "apprendre" le processus de production. Le dirigeant franco-australien avait aussi livré sa vision des "meilleurs efforts raisonnables". "On a dit: on fera de notre mieux, sans garantie de réussir", avait-il affirmé.
A l'issue des plaidoiries, le juge devrait mettre sa décision en délibéré. Elle pourrait n'être rendue que dans plusieurs semaines.
Un vaccin en retard mais efficace
Ce litige commercial ne touche en rien l’efficacité du vaccin Astra Zeneca, assure Sabine Stordeur, coresponsable de la Task force vaccination en Belgique. L’efficacité de ce vaccin deux semaines après la deuxième dose est d’environ 90%, des résultats proches de ceux des vaccins Pfizer ou Moderna. Même si, après les premiers essais cliniques, l’efficacité était moindre (environ 70%), des études menées depuis en Angleterre et en Ecosse, montrent que cette efficacité avoisine bien les 90%. Selon elle, ce vaccin protège très bien les personnes contre les risques de formes sévères de la maladie, les risques d’hospitalisation et les décès.
Les personnes vaccinées en Belgique avec une première dose d’Astra Zeneca ont la garantie de recevoir la deuxième. La responsable de la gestion de la vaccination confirme : "Il y aura clairement un ralentissement des vaccinations en premières doses ces prochaines semaines et alors les Régions vont utiliser les livraisons essentiellement pour les deuxièmes doses. […] Aucune crainte à avoir donc pour la deuxième dose, nous allons poursuivre tout au long du mois de mai mais aussi en juin, juillet et août, comme cela était initialement prévu au calendrier."