La Chambre pourrait se prononcer ce mercredi ou ce jeudi sur la loi de dépénalisation de l’avortement. Une proposition de loi sur la table qui ranime les tensions entre les différentes factions politiques et qui pourrait même bien bloquer la formation d’un gouvernement fédéral.
Pour le CD&V comme pour le N-VA, la question de la dépénalisation de l’avortement devient centrale dans les négociations alors que les présidents du MR, de l’Open Vld et du CD&V sont en pourparlers avec le sp.a et le cdH pour tenter de dégager une majorité avec les nationalistes flamands.
Alors que huit partis (PS, sp.a, Ecolo, Groen, PTB, défi, MR et Open Vld) soutiennent la proposition de loi, et que certains pointent des manœuvres politiques encore jamais vues, d’autres (N-VA, Vlaams Belang, le CD&V, le cdH) dénoncent une proposition de loi qui manque de clarté et pour laquelle les recherches n’ont pas été menées jusqu’au bout.
Mais le vote pourrait bien être reporté à la rentrée. Selon les règles parlementaires, la session plénière ne pourra pas se prononcer sur l’adoption globale d’un texte de loi si des amendements sont à nouveau déposés ou si un énième avis du Conseil d’Etat est demandé. Et, "c’est bien possible", nous souffle-t-on en coulisse.
Dans ce cas, le vote en plénière est reporté à la prochaine séance. Or, ce jeudi, c’est la dernière séance plénière avant la trêve estivale.
En attendant, parmi les multiples arguments déployés de part et d’autre, quel est donc le vrai du faux ?
1. Une loi qui interdirait toutes poursuites pénales ?
La loi sur la pénalisation de l’avortement a été modifiée en octobre 2018. Mais les porteurs de la nouvelle proposition de loi souhaitent aller encore plus loin en termes de délai légal pour avorter, de délai de réflexion ou encore de sanctions pénales.
Vider la loi sur l’IVG des dispositions pénales, c’est l’un des arguments qui fait grincer des dents les opposants au projet de loi, N-VA en tête.
"Juridiquement, dans la nouvelle loi, si un médecin décide de faire un avortement après le délai de 18 semaines, il pourrait n’y avoir que des sanctions déontologiques", nous dit-on assurément du côté du groupe N-VA à la Chambre. Et d’ajouter, "si le docteur pratique un avortement 2 heures avant l’accouchement il n’y aura aucune sanction pénale". C’est aussi ce que disait ce mardi matin, sur La Première, Cieltje Van Achter, députée N-VA qui expliquait que s’il n’y a pas plus de délai, alors on ne pourra pas se retourner pénalement contre un médecin.
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En réalité, comme l’explique Patricia Minsier du cabinet d’avocats Uyttendaele, "le droit pénal et les infractions générales permettent déjà de répondre à ces infractions". C’est aussi ce qu’affirme Eliane Tilleux (PS) une des auteures de la proposition.
L’IVG serait soumise aux mêmes dispositions que tout acte médical.
Selon un avis juridique, un médecin pourrait faire l’objet de poursuite, notamment pour "défaut de prévoyance". Tout dépendrait de l’impact de celui-ci mais cela pourrait aller du manque d’information fournie à la patiente sur les alternatives existantes, de la négligence, si celui fait une erreur dans le calcul de l’âge de la grossesse, par exemple, ou encore s’il procède à un avortement qui violerait, par imprudence, les conditions légales. A ce niveau, le préjudice est involontaire.
Parallèlement à cela, si l’avortement a été pratiqué sous quelques formes de contrainte que cela soit, selon cet avis, le médecin pourrait être poursuivi pour "coups et blessures" et risquerait alors au moins de "six mois à un an de prison", voire plus en fonction des circonstances.
C’est d’ailleurs aussi ce que pointe l’avis du Conseil d’Etat, qui confirmait le 10 juillet dernier que des dispositions pénales pourraient être appliquées dans certaines situations. De plus, le médecin pourrait également être poursuivi sur le plan civil mais aussi du point de vue du droit médical et du droit déontologique.
Mais pour ceux qui s’opposent à ce texte, "si les dispositions pénales existent pourquoi alors vouloir en changer ? Quelle est la logique ?", s’insurge un membre du groupe N-VA à la Chambre.
Dans la loi actuelle, en fonction des cas, un médecin qui pratiquerait un avortement en dehors du cadre légal risquerait jusqu’à 1 an de prison et 500 euros d’amende. Des dispositions relativement semblables à celles qui existent déjà en droit pénal.
Mais en dehors de la loi sur l’avortement, et se basant sur ce qui existe déjà, la crainte de l’opposition c’est que pour enclencher alors une procédure, il faudra que la femme porte plainte et engage elle-même des poursuites.
Pour ce qui est des sanctions pénales à l’égard des femmes qui procéderaient à une IVG en dehors du cadre, les opposants ont déjà fait savoir qu’ils étaient prêts à les abandonner.