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La Passion selon Céline

L’Opéra d’Aran de Gilbert Bécaud, cette œuvre méconnue

La Passion selon Céline

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Il fait partie de notre inconscient collectif avec ses tubes Age tendre et tête de bois, L’important, c’est la rose, Monsieur Dynamite, comme on le surnommait, était une personnalité explosive incontournable de la chanson française. Mais saviez-vous que Gilbert Bécaud avait également composé un opéra ?

Le musicien français Gilbert Bécaud à la répétition de L'Opéra d'Aran. Paris, 28 octobre 1962.

Il paraît qu’il avait une personnalité assez explosive, un sens extraordinaire du swing, et soulevait les passions de ses fans, qui avaient l’habitude de casser les fauteuils à l’Olympia, alors que lui-même pouvait parfois brutaliser micros et pianos !

Mais entre tout cela, Gilbert Bécaud — alias Monsieur 100.000 volts — compose L’opéra d’Aran, créé en 1962 au Théâtre des Champs-Elysées. A 35 ans, Gilbert Bécaud est une star de la chanson à la renommée internationale. Il est un excellent musicien, complet et doué. Il a étudié au conservatoire de Nice, le piano et l’harmonie. Il écrit d’ailleurs la musique de la plupart de ses chansons.

En 1957, au moment où il enflamme l’Olympia, il décide de se lancer dans un projet rêvé depuis longtemps, la composition d’une œuvre de grande envergure, un opéra ! L’idée germera d’ailleurs pendant le tournage en 1956, du film de Marcel Carné Le pays d’où je viens.

Peu avant, il était déjà sorti de sa "zone de confort" en composant un conte musical, une cantate de noël L’enfant à l’étoile, qui sera d’ailleurs retransmise à la télévision en 1960. Avec ce projet grandiose de composition d’opéra, il renoue avec l’écriture lyrique et symphonique. Naissent alors les premières notes de L’opéra d’Aran. Sur son piano, il imagine des ambiances, des univers, des personnages.

Les débuts d’une écriture de cinq années

Gilbert Bécaud durant une répétition de L’Opéra d’Ara à Paris le 28 octobre 1962.
Gilbert Bécaud durant une répétition de L’Opéra d’Ara à Paris le 28 octobre 1962. © Pierluigi Praturlon/Reporters Associati & Archivi/Mondadori Portfolio via Getty images

Passionné de l’Irlande, elle en devient le mystérieux décor de ce drame lyrique. L’énergie sera médiévale, imaginaire et troublante. Gilbert Bécaud s’entoure de ses proches amis paroliers. Ainsi, figurent sur le livret de cette œuvre qui prendra cinq longues années de travail à Bécaud, Pierre Delanoë, Pierre Almade et Jacques Emmanuel.

En écoutant l’ouverture, on sent instantanément les influences de la musique française de la deuxième moitié du 19e siècle, et de compositeurs tels que Gian Carlo Menotti ou encore Giaccomo Puccini.

L’histoire d’amour tragique entre un italien et une Irlandaise prend vie dans une Irlande iodée et imaginaire. Maureen attend vainement le retour de son fiancé, Sean, parti chercher la fortune par-delà les mers. Angelo, un jeune étranger rescapé d’une tempête et rejeté par la mer est accueilli par les habitants de l’île.

Gilbert Bécaud, lui-même, interprète le rôle du narrateur, Mickey, le pêcheur qui a sauvé Angelo. Celui-ci tombe évidemment amoureux de la belle Maureen. Après une longue absence, Sean revient, et les deux hommes se vouent alors une haine terrible.

Une création durement critiquée

La création, plusieurs fois reportée, aura lieu le 25 octobre 1962 au Théâtre des champs Élysées, avec le Maestro George Prêtre — chef attitré de Maria Callas — à la direction. Margarita Wallman signe la mise en scène.

Le public s’enthousiasme pour ce drame amoureux pourtant snobé par la critique. Le Tout-Paris est à la fois sidéré, complice, hostile et fasciné… L’Opéra d’Aran déclenche une véritable bataille esthétique. Certains, défenseurs d’une musique avant-gardiste, jugent l’œuvre de rétrograde. Il faut dire qu’elle parait l’année où Pierre Boulez achève la sienne Pli selon Pli, et souffre de ce type de comparaison. Bécaud se défendra dans Le Monde avec ces mots :

"Aran est un vrai opéra. De la musique classique. Rien à voir avec West Side Story, ce n’est pas de l’opérette. Je n’ai pas voulu reproduire le 'style' Bécaud dans le lyrique. Gian Carlo Menotti, Georges Auric ont lu la partition et l’ont aimée. André Cluytens aurait voulu la diriger. C’est une preuve. J’ai travaillé comme un vrai compositeur. Gilbert Bécaud 'le chanteur' n’a rien à voir avec l’opéra d’Aran. D’ailleurs je serais bien incapable de chanter ma musique. Oui avant d’être Gilbert Bécaud, j’étais un musicien 'sérieux'."

Gilbert Bécaud prendra cependant sa revanche sur ces critiques acerbes. L’accueil de la presse new-yorkaise, italienne ou belge sera plus qu’enthousiaste, et l’ouvrage atypique trouvera sa place au répertoire de nombreuses maisons d’opéra à travers le monde.

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