L'odyssée

Qu’est-ce que l’oreille absolue ?

Au concert, nous avons déjà tous entendu les musiciens qui s’accordent, soit le hautbois donne le la à l’orchestre, soit le pianiste, les violons le reprennent et ainsi de suite. La fréquence du son doit être la même, sous peine de casser les oreilles des auditeurs. D’ailleurs, qu’est-ce que l’oreille relative et qu’est-ce que l’oreille absolue. Comment notre cerveau décode les fréquences ?

Oreille absolue ou oreille relative ?

L’oreille absolue est un concept à la fois cérébral et culturel. Ce que l’on appelle l’oreille absolue, c’est ce lien entre l’audition et le fait de nommer la note. Ça, c’est un apprentissage culturel, qui nous permet de nommer ce que l’on entend comme fréquence. Ceux qui sont dotés de l’oreille absolue vont être capables de nommer de façon totalement absolue les notes qu’ils entendent, sans note de référence, et d’autres, qui ont ce qu’on appelle "l’oreille relative", sont capables de reconnaître les écarts entre les notes, qu’on appelle intervalles, à partir d’une note de référence donnée.

Les "absolutistes" peuvent nommer n’importe quel son de la vie quotidienne, sans référence, le son peut être celui joué par l’instrument de musique ou bien être produit par les touches du clavier de l’ordinateur ou bien encore par des couverts qui s’entrechoquent. C’est un véritable réflexe cognitif.

Certains ont l’oreille absolue partielle, c’est-à-dire que la fréquence du son est associée au timbre de l’instrument, ainsi, ces personnes ne pourront nommer uniquement les notes produites par un instrument de musique.

Oreille absolue, innée ou acquise ?

Le débat est houleux et la question n’a jamais été réellement tranchée. Mais on s’accorde à dire que l’oreille absolue ne serait pas totalement innée, qu’elle pourrait s’acquérir, pour peu que certaines conditions soient remplies.

Dans le cerveau, ce sont les mêmes zones qui s’activent aussi bien pour l’apprentissage de la musique que pour l’apprentissage de la langue. Ainsi, si l’enfant reçoit une formation musicale très tôt, en même temps que son apprentissage de la langue, cela favoriserait "l’acquisition" de cette oreille absolue chez l’enfant. Une tendance statistique démontre d’ailleurs que l’oreille absolue apparaît chez les musiciens qui ont commencé la musique avant 7 ans. Tout le contexte de l’apprentissage est donc en jeu ici, plus bien sûr l’univers musical dans lequel l’enfant baigne ou non.

L’oreille absolue de Mozart

1770, Wolfgang Amadeus Mozart a 14 ans, il entre dans la Chapelle Sixtine, on y donne le Miserere d’Allegri, œuvre jalousement gardée à l’époque par le Vatican, qui en interdisait toute reproduction ou diffusion hors de ses murs. C’était sans compter sur le jeune Mozart, qui après l’écoute, a retranscrit l’intégralité de l’œuvre sur du papier à musique. Tout est juste, chaque notre, chaque articulation, tout. A l’écoute, Mozart distinguait toutes les notes, jusque dans les quarts de tons.

Et à cette oreille absolue s’ajoutaient chez Mozart des dons annexes, tout à fait hors normes, comme rejouer de mémoire toute une sonate vers l’âge de 3 ans ou retranscrire la partition complète d’une œuvre après une seule écoute seulement… L’oreille absolue, dans ce cas, est utile, mais les capacités hors du commun du jeune Mozart étaient d’un autre ordre, son oreille absolue ne lui servant dans ces cas-là, qu’à intégrer la bonne tonalité de l’œuvre… sa mémoire prodigieuse a fait le reste !

Car l’expression "oreille absolue" au singulier est un peu imprécise. Cela désigne plusieurs types d’aptitudes. Toutes ont en commun la reconnaissance et l’association des sons à des noms de notes. Par exemple, certaines personnes sont donc capables d’identifier les notes par leur nom, mais seulement pour le son de leur instrument, donc en fonction d’un timbre bien précis. D’autres musiciens ayant l’oreille absolue peuvent vous chanter une note que vous leur demandez sur l’instant, sans aucune référence préalable, et ils vous la chanteront juste, c’est-à-dire naturellement accordée au diapason de référence, qui est la note "la" 440Hz. Certains encore peuvent reconnaître toutes les notes d’un accord jouées en même temps ! Enfin, d’autres peuvent vous donner la note que donne une porte qui grince ou un marteau-piqueur dans la rue ou encore un coucou qui chante dans le jardin !

Une chose pourrait nous paraître étrange, c’est que les absolutistes ne chantent pas toujours juste. C’est la différence entre oreille absolue passive et oreille absolue active.

Ceux qui ont l’oreille absolue passive peuvent reconnaître les notes sans référence mais ils sont incapables de les reproduire vocalement. Par contre, ceux qui ont l’oreille absolue active sont non seulement en mesure de nommer les notes mais ils peuvent également les chanter juste.

Vous voyez donc que le spectre de l’oreille absolue est large et chaque musicien qui en dispose en est plus ou moins encombré.

Un véritable don ?

Si de nombreux musiciens, dépourvus de l’oreille absolue, voient en cette capacité une sorte de Graal, c’est parfois tout autre chose pour ceux qui en sont dotés. L’expérience du concert pour les absolutistes peut être parfois un véritable calvaire : la moindre fausse note émise par l’orchestre ou le soliste vient véritablement vriller le tympan des absolutistes, qui voient défiler devant leurs yeux toutes les notes qu’il entend.

Et si un musicien qui a l’oreille absolue doit jouer une partition sur des instruments accordés "à l’ancienne", c’est-à-dire sur un diapason d’une époque précédente, sur un "la" 415Hz par exemple pour de la musique ancienne, il aura quelques difficultés puisqu’a priori son oreille est "absolutisée" sur le diapason moderne, le "la" 440Hz, donc tout va lui paraître beaucoup trop bas.

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