Ça n’arrive pas tous les jours dans une carrière de journaliste : clôturer une interview, ranger son micro et se dire, l’esprit un peu chiffonné, qu’on vient d’interroger un mec bien. Louis Vervaeke a une sensibilité à fleur de peau. Une enfance difficile, des déceptions sportives, des troubles de l’alimentation, un équilibre personnel fragile… ça vous endurcit un homme. Un homme qui, au moment de répondre à vos questions, a alors le choix entre endosser sa carapace et jouer les gladiateurs impassibles (et ça se respecte !) ou bien lâcher du lest et se confier en toute sincérité. Devant nous, Louis a opté pour la deuxième option. Sans tomber dans le pathos, mais avec une honnêteté qui inspire le respect.
En mai dernier, alors que toute la Belgique imaginait déjà Remco Evenepoel survoler le Tour d’Italie, un autre Belge faisait parler de lui sur les routes transalpines. Avec le maillot d’Alpecin-Fenix sur le dos, Louis Vervaeke était régulièrement à l’attaque, longtemps dans le top-5 du général, finalement 20ème du classement final. Après trois abandons en trois participations, le Renaisien d’origine réglait enfin ses comptes avec le Giro. Et il en profitait pour se rappeler au bon souvenir des amateurs de cyclisme.
Dans les semaines qui ont suivi, avec son staff, Patrick Lefevere a analysé le parcours italien compliqué de son poulain Remco mais aussi celui, beaucoup plus régulier, de ce fameux Louis. Avant l’été, le transfert était amorcé. À 28 ans, Vervaeke est engagé par " Quick Step-Alpha Vinyl " pour encadrer Evenepoel en montagne et pour l’aider à gagner. Il est désormais bodyguard du phénomène de Schepdaal.
Envolés, les tourments du passé ! Le grimpeur se sent désormais utile et apprécié. Il se sent bien, tout simplement, entouré de sa femme Astrid, la veuve du regretté Antoine Demoitié, et d’Augustin, son jeune enfant.
Voici donc l’interview d’un écorché apaisé. Un grand talent qu’on avait un peu oublié, c’est vrai. Un coureur qu’on a envie d’aimer. Louis Vervaeke.
Louis, ça vous fait quoi de porter désormais le maillot de " Quick Step-Alpha Vinyl " ?
" Quand tu es un gamin belge fan de vélo et que tu achètes un maillot, tu achètes un maillot Quick Step et pas celui d’une autre équipe ! Après, tu es fier de pouvoir faire des courses virtuelles contre tes frères avec ce maillot Quick Step. Aujourd’hui, pour moi, ce ne sont plus des courses virtuelles mais bien réelles avec cet équipement-là. Oui, c’est un rêve qui s’est concrétisé ! Je reconnais avoir été un peu bouleversé lors des stages hivernaux par ce qu’est réellement le Wolfpack. De l’extérieur, tu as parfois l’impression que c’est juste du marketing, du cosmétique créé autour de l’équipe. Mais en fait, ça existe vraiment ! Et pas seulement entre coureurs mais aussi avec les directeurs sportifs, l’encadrement, les journalistes… tout le monde est sympathique avec tout le monde. C’est terriblement familial. Et, à mes yeux, c’est ce qui permet de faire de grandes différences avec les adversaires. Un exemple ? C’est con mais… en arrivant, comme tous les nouveaux, j’ai été ‘baptisé’. Dans la plupart des équipes, ça n’existe plus. Ou alors, ce sont de bêtes blagues comme se jeter dans une piscine. Ici, sans rentrer dans les détails, et sans avoir besoin d’alcool, tu dois gentiment te ridiculiser devant le groupe. Et après ces quelques épreuves, tu es définitivement le bienvenu dans le Wolfpack ! Les anciens te considèrent alors comme un des leurs. Il y a des applaudissements, on se fait des accolades et ça rapproche les coureurs. En un mot, c’est une famille ! "
Votre transfert, vous le devez en grande partie au très bon Tour d’Italie réalisé en 2021 (NDLR : 2ème du général au soir de la cinquième étape, 20ème du classement final), non ?
" Oui, c’est surtout ce Giro qui m’a remis à l’avant-plan médiatique. Mais je suis certain que j’avais le même niveau sur Tirreno-Adriatico en 2020 (NLDR : 16ème du classement final). Cette année-là, j’ai d’ailleurs loupé d’un cheveu ma sélection pour les Championnats du monde. Une sélection qui aurait d’ailleurs déjà pu changer des choses pour moi. Quand tu es capable de faire top-20 à Tirreno, tu joues avec les meilleurs ! Mais c’est clair que quand tu luttes plusieurs jours pour un maillot rose, ça marque les esprits dans le grand public. "
J’ai eu un parcours particulier avec une vie privée très perturbée. Je n’étais pas heureux quand j’étais enfant. Et quand tu es coureur, tu ne peux pas prester au plus haut niveau si ta vie n’est pas stable. Depuis lors, j’ai fondé une famille avec Astrid qui, elle aussi, a eu un parcours compliqué après avoir perdu son mari, Antoine Demoitié. Mon bonheur, c’est ma famille. Et c’est elle qui me donne aujourd’hui la force de retrouver le meilleur Louis !