"Mademoiselle Bertin est l’une des têtes de femmes les plus fortes de notre temps". Ces mots ont été prononcés par Berlioz, et font référence à une romantique française : Louise Bertin, qui s’est distinguée à la fois dans la poésie et dans la composition musicale.
Celle qui deviendra l’amie de Victor Hugo est née 3 ans après lui, en 1805. Et c’est sa mère, pianiste, qui l’initie à la musique en lui donnant ses premières leçons de piano. Son père, journaliste de métier, sera de son côté. Il reconnaît le talent musical de sa fille et l’encourage en lui offrant les leçons des grands professeurs de l’époque dont François-Joseph Fétis et Anton Reicha. Elle s’épanouit ainsi dans ce milieu cultivé où se croisent des artistes, dont le peintre Jean-Auguste-Dominique Ingres, qui fera le célébrissime "Portrait de Monsieur Bertin", qui se trouve actuellement au Louvre.
La jeune fille va être doublement courageuse en prenant ce chemin difficile en tant que femme, de la composition, armée de ses béquilles, puisqu’elle souffrira toute sa vie de la polio, elle sera d’ailleurs affublée du surnom de "la boiteuse".
La carrière de Louise Bertin va essentiellement se passer sur les scènes lyriques. Dès ses vingt ans, elle compose deux opéras-comiques, Guy Mannering d’après Walter Scott, et le très gothique Loup-garou, ainsi qu’un opéra d’après le Faust de Goethe.
Mais son œuvre la plus marquante est l’opéra La Esmeralda, composé en 1836, pour l’Académie royale de musique, d’après Notre-Dame de Paris, dont le livret est rédigé par Victor Hugo lui-même (c’est d’ailleurs le seul livret d’opéra que composera Victor Hugo). Malheureusement les réactions envers cette œuvre seront violentes. Non pas à cause de ses qualités musicales, mais en raison de querelles politiques, et par hostilité envers son père, Louis Bertin qui tenait des positions politiques conservatrices, des idées qu’il défendait dans son journal des débats.
Et puis, il y a quand même aussi des attaques directes à sa condition de femme, puisque dans le figaro de ces années-là, on trouve cette phrase misogyne à propos de cet opéra :
Ce n’est point du tout de la musique de femme du monde : elle a au contraire quelque chose de viril, qu’on ne trouve pas dans les productions édulcorées de tant d’autres…
Berlioz, qui avait dirigé les répétitions défendra pourtant beaucoup cette partition, reconnaissant ses grandes qualités, tout comme Franz Liszt, qui en réalisera une transcription pour voix et piano.
Ajoutons, pour preuve de l’admiration de Berlioz envers Louise Bertin, que c’est à elle qu’il dédicacera ses célèbres nuits d’été.
La Esmeralda de Louise Bertin n’est donc par restée très longtemps à l’affiche, l’œuvre est tombée dans les oubliettes de l’histoire de la musique et il faudra attendre exactement 172 ans, pour qu’on la remette sur scène, grâce au festival de musique de Radio France à Montpellier qui a programmé cette œuvre en 2008.