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Louvain-la-Neuve : des chercheurs étudient le comportement des papillons, pour mieux comprendre l’état de notre biodiversité

Lors de son monitoring des espèces présentes à Walhain, Charlotte De Wulf en a observé moins que dans l’inventaire de la Région wallonne.

© Charlotte De Wulf

"Merci de ne pas approcher des tunnels de vol expérimentaux. Projet de recherche en cours". Ces panneaux placés dans le bois de Lauzelle intriguent le promeneur. A plusieurs dizaines de mètres des sentiers, on aperçoit en effet ces fameux tunnels. Ce sont en fait des cages de vol, où des papillons sont testés sur leur capacité à retrouver les plantes sur lesquelles les femelles vont pouvoir pondre. "On procède à des lâchers successifs avec le même individu et on observe si, au fil des tests, il se rappelle du lieu de la plante hôte et y arrive plus rapidement, explique Caroline Nieberding, professeure de biologie à l’UCLouvain. Ce qu’on s’attend à voir, c’est quand on échantillonne des papillons de zones dégradées comme le Brabant wallon, c’est qu’ils aient de meilleures capacités cognitives d’exploration et de mémorisation spatiale. Sinon ces papillons ne seraient plus là".

S’il y a une grande diversité de papillons, il y aura aussi une grande diversité de plantes

L’équipe de chercheurs qu’emmène cette enseignante, avec le soutien du FNRS, mène une étude de quatre ans, dans le but de quantifier les capacités d’apprentissage des papillons. "Il y a dix ans, on pensait encore que l’essentiel des comportements de ces insectes étaient en fait innés. Mais au fil des années, on s’est rendu compte qu’ils modifient en fait leur comportement en fonction des expériences qu’ils vivent au cours de leur vie et des interactions avec leur environnement", explique la biologiste. Que font-ils dès lors si leur environnement se dégrade, comme c’est le cas aujourd’hui ? C’est ce qu’analysent ces chercheurs. Parmi les causes pointées du doigt dans la disparition des habitats favorables aux papillons : l’urbanisation, l’agriculture intensive et le recours aux produits phytosanitaires. Les papillons sont donc de bons indicateurs de l’état de la biodiversité. "Ce sont des espèces faciles à observer sur le terrain et qui représentent bien l’état de diversité biologique qu’il y a dans l’environnement local. S’il y a une grande diversité des papillons, ça veut dire qu’il y aura aussi une grande diversité de plantes", poursuit-elle.

Caroline Nieberding et son équipe de chercheurs étudient les capacités d’apprentissage des papillons
Caroline Nieberding et son équipe de chercheurs étudient les capacités d’apprentissage des papillons © S. Vandreck

Un inventaire sur le terrain

Pour son mémoire en écologie et environnement, Charlotte De Wulf est d’ailleurs allée faire ce constat sur le terrain, dans une exploitation agricole de Walhain qui a sollicité l’UCLouvain dans un souci de recréer de la biodiversité sur ses terres. Une fois par semaine, pendant le printemps et l’été dernier, l’étudiante a donc parcouru le même tracé de six kilomètres à travers champs, bosquets, prairies, pour recenser les espèces de papillon qu’elle y croisait. "Le fait de revenir très régulièrement sur le même itinéraire m’a permis d’augmenter mes chances d’observer toutes les espèces présentes. Je compare l’inventaire réalisé sur ces terres avec les données de la région wallonne. Et j’ai déjà pu constater que, sur les zones cultivées, j’observais moins d’espèces", constate-t-elle. "On a déjà perdu 20% des espèces connues en Wallonie. 50% des espèces qui restent sont en voie de disparition", confirme Caroline Nieberding.

Cette décennie va être cruciale pour la biodiversité

Y a-t-il encore moyen d’inverser la tendance ? "Les espèces qui sont éteintes en Belgique sont encore, en général, représentées par des populations dans d’autres pays, ce qui suggère qu’il pourrait y avoir des recolonisations. Mais dans le cas où nos pratiques sont plus favorables à ces espèces, nuance la biologiste. Mais cette décennie va être cruciale : d’ici 2030, on risque de perdre un million d’espèces dans le monde, soit 10% de notre biodiversité. Et toute espèce éteinte est une espèce qui ne reviendra pas. C’est dramatique car on ferait face à la plus grande crise d’extinction majeure qu’a jamais connue la vie sur terre depuis la disparition des dinosaures". Pour cette scientifique, maintenir des zones de préservation de l’habitat naturel ne suffit pas : c’est tout notre modèle agricole actuel qui est à revoir.

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