De quel scandale politico-financier parle-t-on ? Il sera à la mesure des espoirs déçus et des fausses promesses. Celles du promoteur du projet, Ferdinand de Lesseps qui jouissait d’un immense prestige puisqu’il avait construit le canal de Suez.
Percé en 1869 entre la Méditerranée et la Mer rouge, il permet encore aujourd’hui aux navires de faire le tour de l’Afrique pour relier l’Europe à l’Asie. Réaliser un canal au Panama, c’est permettre de relier l’Atlantique au Pacifique en évitant de naviguer jusqu’au cap Horn tout en bas de l’Argentine. En 1879, de Lesseps promet un canal à niveau, comme à Suez, autrement dit sans écluse. "J’ai fait Suez, je ferai Panama" affirme-t-il au lancement de sa compagnie. L’enthousiasme est général et convainc des centaines de milliers d’épargnants d’acquérir des actions pour financer le projet.
Sauf que sur place le chantier s’avère bien plus complexe que prévu : la fièvre jaune décime les ouvriers et les cubages de terre à déblayer ont été largement sous-évalués.
Autrement dit il faut de l’argent, énormément, bien plus que prévu. Et comme à Paris le doute commence à s’installer dans les milieux économiques et politiques sur la viabilité financière, la compagnie de Panama va dépenser sans compter. En publicité, mais cela ne suffit plus. On passe dès lors aux pots-de-vin et pour vaincre les résistances, on offre des millions à des intermédiaires pour trouver de l’argent. Et pour autoriser des opérations financières toujours plus risquées, on arrose des dizaines de parlementaires. Mais comme un train lancé à toute allure dans un tunnel sans issue, la compagnie de Panama s’enfonce toujours plus vers la faillite. Par ailleurs, en 1888, après 8 ans de travaux et d’études en tous sens, de Lesseps finit par accepter de revoir le projet : il faudra bel et bien des écluses et pour les construire, on appelle Gustave Eiffel qui vient de terminer sa célèbre tour. Et il monnaie très cher sa contribution au projet.
Après toutes ces dépenses, la compagnie de Panama est contrainte au dépôt de bilan et l’enquête judiciaire révèle bientôt l’ampleur du désastre. Le scandale est énorme. Il aboutira à des condamnations judiciaires, y compris d’ailleurs de Gustave Eiffel. Le scandale de Panama a lieu au même moment que l’affaire Dreyfus et va contribuer à développer l’antisémitisme car parmi les intermédiaires impliqués dans la corruption, il y a des financiers étrangers et juifs. Bref, ce projet pharaonique a débouché sur fiasco.