Ce problème structurel, il existe aussi en Belgique et c’est pour arrêter de mal-informer sur les violences sexistes que l’AJP a sorti un guide inédit, en novembre 2021 : "Comment informer sur les violences contre les femmes : dix recommandations à l’usage des journalistes".
"Ce guide existe d’abord grâce aux associations féministes", insiste Safia Kessas, qui a participé aux discussions qui ont précédé la rédaction de cet ouvrage à destination des journalistes. "Ce travail collaboratif entre les associations de terrain, le monde académique et les organisations professionnelles est fondamental pour avancer sur ces sujets".
Le guide met à disposition des journalistes dix fiches thématiques qui vont de la prise de conscience du système de violences à l’égard des femmes (qu’est-ce que la culture du viol, le continuum des violences, le masculinisme ?) à l’usage des bons mots (par exemple : pédocriminalité à la place de pédophilie, féminicide et non crime passionnel, victime déclarée à la place de victime présumée) en passant par l’information sur les solutions pour les victimes (insérer des numéros d’aide dans les articles de presse, par exemple).
"La structure du manuel permet deux niveaux de lecture : rapide, grâce aux résumés figurant sous la rubrique 'en bref' qui proposent une série de conseils très concrets, ou approfondie, grâce aux nombreuses explications, exemples et références qui y figurent", explique Anne-Marie Impe, journaliste et rédactrice de ce guide.
Les membres de l’AJP et les rédactions l’ont reçu dans leur boite aux lettres mais il n’est pas contraignant pour les journalistes. "C’est un outil destiné à faciliter la compréhension du phénomène des violences faites aux femmes et à favoriser la réflexion sur la manière de mieux en parler dans les médias", explique Anne-Marie Impe.
"Chaque journaliste reste libre de se saisir – ou pas – des conseils qui y figurent. Toutefois, le fait que le Conseil de déontologie journalistique ait publié en 2021 une recommandation sur le traitement journalistique des violences de genre, renforce le caractère incitatif des conseils qui figurent dans le guide de l’AJP".
Malgré la publication de ce guide, certains médias continuent de mal-informer sur les violences faites aux femmes. "C’est sans doute par méconnaissance du sujet car si tous les journalistes affiliés à l’AJP ont reçu le guide, tous ne l’ont bien sûr pas lu", commence Anne-Marie Impe. "Mais c’est aussi par opportunisme : certains médias savent qu’un titre sensationnaliste voire voyeuriste va leur attirer des clics. Il y a une demande pour ce type de journalisme. Les lecteurs portent donc aussi une part de responsabilité dans les dérives médiatiques", nuance l’essayiste.