C'est du Belge

Ma rencontre avec Jacqueline Bir

© Alexis Haulot

Par Myriam Marchand via

A près de 87 ans, elle foule toujours les planches de nos théâtres. Jacqueline Bir, LA Bir, est en ce moment en tournée avec une pièce d’Alan Bennett, " La dame à la camionnette ". L’occasion pour C’est du Belge de remettre en lumière cette comédienne au talent inestimable. Et l’occasion pour moi de rencontrer une grande dame. Entre deux représentations, elle m’a ouvert les portes de sa mémoire pour me raconter une vie faites de joies et de peines, à l’avant et à l’arrière-scène.

Nous avions rendez-vous au Théâtre Royal des Galeries à Bruxelles. Tout un symbole. C’est en effet dans ce lieu empreint d’histoire, où se murmurent les voix des plus grands comédiens, que Jacqueline Bir a commencé sa carrière en Belgique.

Nos regards se sont croisés pour la première fois dans sa loge où j’ai découvert une femme lumineuse, toute habillée de blanc, l’œil malicieux et le sourire radieux. La légère appréhension qui précède toujours les premières rencontres avec une célébrité s’est alors dissipée instantanément. Une aura dont les origines tiennent en trois mots : la passion du métier, la rage de vivre et des racines ensoleillées.

L’Algérie au fond du coeur

Quand je lui parle de ses origines, l’émotion est palpable, immédiatement. Jacqueline Bir est née à Oran mais elle a grandi à la campagne, adorée par ses parents qui étaient agriculteurs viticulteurs. Une enfance simple et chaleureuse sous le soleil d’Algérie. Des racines encore bien présentes. " j’avais une arrière-grand-mère qui était espagnole, donc toutes mes racines sont là-bas. Et même quand je joue ici, je me rends compte que j’embarque avec moi, et je trimballe sur mes épaules, cette vie de là-bas, les couleurs, le vivant, la méditerranée, je ne sais pas, quelque chose... une joie profonde de vivre. "

Un talent inné

Si Jacqueline Bir est une travailleuse acharnée, exigeante avec elle-même, c’est aussi un talent inné, quoi qu’elle en dise. A l’école, au spectacle de fin d’année, elle est repérée par le directeur du conservatoire d’Oran qui l’engage. Elle signe son premier contrat de comédienne en 1952. Elle n’a que 18 ans... Mais son talent mérite mieux et c’est au Conservatoire de Paris, où elle est reçue au premier tour, qu’elle peaufinera sa formation.

C’est avec beaucoup d’humilité qu’elle se remémore cette période. Douée, elle l’était également pour le chant. Au Conservatoire de Paris, le professeur de chant était prêt à lui offrir des cours gratuitement car elle manquait de moyens. Mais elle a préféré refuser. " Ca, c’est mon éducation ", dit-elle fièrement. " Et puis j’avais du travail en tant que comédienne, il fallait choisir quand même à un certain moment. "

Une carrière belge

La Belgique, elle l’a choisie. Amoureuse du comédien belge Claude Volter, elle l’épouse et ils s’installent en Belgique. Ils auront deux enfants. " J’ai décidé d’être en Belgique parce que j’aime la Belgique. Je trouve que les gens sont adorables, de bonne humeur, rigolos, ils aiment la vie, ils aiment bien manger, bien boire, ils sont vivants quoi ! " Un choix qu’elle n’a jamais regretté, près de 70 ans et plus de 200 rôles plus tard !

Les coups du destin

Des écueils, elle en connaît aussi. En 2002, Jacqueline Bir perd son ex-mari Claude Volter. Trois ans plus tard, son fils, le comédien Philippe Volter, se donne la mort. Et c’est le théâtre, la littérature, les mots des grands auteurs qui lui permettent de surmonter l’insurmontable. Elle survit à la pire des épreuves, dignement, mais elle n’oublie pas : " c’est comme s’il était avec moi et qu’il me tenait l’épaule. Il est toujours là... "

Et quand je lui demande ce qui lui donne toute cette énergie, elle me répond en riant : " Oh je ne sais pas, parfois je me fatigue moi-même ! Je pense que c’est... ma mère. Dans la famille de ma mère c’était tous des gens plantés dans la terre, équilibrés, avec un cerveau très très fort. " Ses racines, encore...

Son secret ?

Rêver, contempler et apprendre, toujours. Les yeux brillants, elle parle de la mer, la nôtre, celle du Nord, où elle adore aller marcher pour recharger ses batteries. " C’est tellement beau la nature, ça remet tellement les choses à plat. Ca permet de garder l’humilité surtout, de se dire que voilà on est de passage, on fait partie du cosmos, point. Et on n’est pas grand-chose... "

Et maintenant

Jacqueline Bir dans "La dame à la camionnette"
Jacqueline Bir dans "La dame à la camionnette" © Marianne Grimont

Aujourd’hui, c’est parée d’oripeaux qu’elle se présente sur les scènes de Wallonie. " La dame à la camionnette " est une pièce d’Alan Bennett qui raconte l’histoire vraie de Mary Shepherd, une ancienne concertiste qui a tout perdu et vit dans sa camionnette. Un rôle qu’elle endosse à merveille, bien sûr. Une performance aussi. Le spectacle dure près de deux heures, avec beaucoup de textes, d’allers et venues, de changements de costumes. Et le public ne s’y trompe pas. " Ce qui est génial ", me raconte la comédienne avec un sourire malicieux, " c’est que les gens me remercient en me disant ‘Vous nous donnez du courage. J’espère que je serai comme vous à votre âge !‘ Et Je me dis mais c’est bien, c’est un exemple, je sers à quelque chose quoi ! "

 

J’ai eu l’impression de parler de quelqu’un d’autre, me confie Jacqueline Bir à la fin de notre long entretien. Parce que tout ça est tellement loin. " Moi je vis à la fois beaucoup avec mon passé comme socle et puis je vis le présent et je prépare l’avenir tout le temps. Jusqu’à présent, je n’ai fait que ça, préparer quelque chose pour après. "

2022 Sera l’année de ses 70 ans de carrière. Et c’est à un nouveau spectacle, un monologue prévu en mars prochain, qu’elle s’attelle déjà. Respect, Madame Bir !

 

Les confidences de Jacqueline Bir sont à voir dans C’est du Belge, ce vendredi 12 novembre à 20h20 sur La Une.

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