Exposition

"Making Soil" réflexion fertile sur l'état de la Nature - Gabriela Albergaria à la galerie LMNO

Gabriela Albergaria, Forêt de Soignes, 11.05.50 (détail), 2022

© Philippe Degobert

La COP 15, Conférence des Nations unies sur la biodiversité, s’est ouverte ce 7 décembre à Montréal, pour 12 jours. Pour Gabriela Albergaria, la COP 15 c’est toute l’année dans sa tête et son travail. Et cela dure depuis plus de vingt ans. Gabriela Albergaria n’a qu’un territoire : la nature, annonce son site. Making Soil à la galerie LMNO est la première exposition personnelle en Belgique de l'artiste portugaise.

Gabriela Albergaria, Arboretum de Tervuren #4, 2022
Gabriela Albergaria, Arboretum de Tervuren #4, 2022 © Philippe Degobert

La Cop 15, dont l’objectif est la préservation de 30% des terres et des océans d’ici 2030, nous apprend que 75% de l’environnement terrestre a été altéré par l’action humaine. C'est bien cette nature malmenée par l’homme qu'évoque le travail de Gabriela Albergaria, qu'elle a choisi de traiter à travers l'organisation du paysage dans les parcs et les forêts. Le constat est sans appel : l’homme aménage le vivant, le contraint comme un bonsaï enfermé dans un bocal, pour son seul plaisir et intérêt. L’homme pêche par ethnocentrisme, transformant la nature en un objet culturel…. quand il ne la livre pas entièrement aux intérêts économiques.

Gabriela Albergaria, Forêt de Soignes, 11.05.50, 2022
Gabriela Albergaria, Forêt de Soignes, 11.05.50, 2022 © Philippe Degobert

Gabriela Albergaria est une grande marcheuse. Elle explore les forêts en Amazonie, en Californie, dans son Portugal natal ou, à Bruxelles, en Forêt de Soignes. Une forêt directement liée aux dessins et à la sculpture exposés chez LMNO. Les dessins, imbriqués dans une photographie, jouent avec le concept de paysage imaginé. Le document photographique montre un chemin balisé en forêt, métaphore de l'intervention humaine. Alors que le dessin, toujours au crayon vert, est soit la continuité logique de la photo, soit une autre possibilité d’évolution. Un flottement entre la réalité et la fiction, explique l’artiste, puisqu’on ne voit pas le haut des arbres en marchant dans une forêt. On circule plutôt parmi des masses colorées et, à moins d'avoir le nez en l'air, on imagine le reste. Face à ces photo-dessins, nous voilà dans un entre-deux entre présent et futur hypothétique. La fragilité du coup de crayon sur le papier est comme la métaphore d’un devenir en tension. Une alerte : la photographie est le socle bien réel d’une nature diverse et généreuse qui pourrait ne se déployer que dans notre imagination.

Gabriela Albergaria a recensé toutes les couleurs de la Forêt de Soignes dans ce Nuancier - 2022
Gabriela Albergaria, Landscape in Repair #2, 2019
Gabriela Albergaria, Landscape in Repair #2, 2019 © Tous droits réservés

La nature un phénomène circulaire

 Si ce rapport de domination infuse dans les œuvres de l’artiste (qui parfois dénonce avec des phrases ), un autre pan de l'œuvre reflète le cycle de la nature - vie, mort et renaissance - et son pouvoir de régénération. La pièce centrale de l’exposition, Pinch Pinch Pinch, est une sculpture en terre qui fait référence à la permaculture et au sol fertile autour de la planète qui disparaît petit à petit à cause de nombreux mauvais emplois ou exploitations.

Gabriela Albergaria, Pinch Pinch Pinch, 2015/2022
Gabriela Albergaria, Pinch Pinch Pinch, 2015/2022 © Philippe Degobert

La base, faite de terre compressée provenant de la Forêt de Soignes et du Bois de Fa, est recouverte d'une multitude de cubes de terre, contenant pour certains des graines de haricots non OGM. Ce rappel à l'agriculture intensive, épuisant les sols, se retrouve dans les dimensions de la sculpture, composée de 25 carrés de 30cm sur 30cm. Correspondant à un écartement type de l’ensemencement par machine. L'épaisseur du support, entre 20 et 25 cm de terre, correspond à l'épaisseur moyenne de sol fertile sur la planète. Chaque cube au centre d'une zone de 30cm contient une graine. Et pour l'anecdote, lors de notre visite l'artiste s’extasie devant des taches de mycélium (champignon) apparues t sur le socle de terre comprimée. Signe que la vie ne renonce jamais.

Gabriela Albergaria, Pinch Pinch Pinch (détail), 2015/2022
Gabriela Albergaria, Pinch Pinch Pinch (détail), 2015/2022 © Philippe Degobert

Artiste et galeriste même combat

Gabriela Albergaria et Natacha Legrain-Mottart ne pouvaient que travailler ensemble. A l’image de la synergie essentielle au développement de la vie, l’action de chacune est complémentaire .

Les outils de la palsticienne sont le dessin, la photo et une expression artistique. Pas de militantisme, dit-elle, mais l’action par le dialogue avec les personnes qui découvrent son travail. Les outils de la galeriste sont un jardin expérimental de 6,5 hectares, le Bois de Fa à Grez-Doiceau, des collaborateur.trice.s scientifiques (biologiste, entomologiste, ornithologue…) et un réseau d’artistes. La volonté de la galeriste est d’agir au niveau macro en faisant du Bois de Fa un lieu de préservation et de régénérescence de la diversité du vivant. Permaculture, arbres fruitiers, gestion de l’eau et forêt sauvage de 5.500 arbres selon la méthode japonaise Miyawaki qui accélère le développement de la biodiversité en préparant le sol pour augmenter sa fertilité (c’est le making soil du titre de l’expo) et ensuite y replanter une grande variété d’essences différentes natives de la même zone. Le projet du Bois de Fa inclut des résidences d’artistes pour une réflexion croisée entre sciences du vivant et art contemporain.

vue du Bois de Fa
vue du Bois de Fa

La connivence assez exceptionnelle entre la plasticienne et sa galerie rajoute à l'intérêt et au plaisir de découvrir cette première exposition personnelle en Belgique de Gabriela Albergaria. N'hésitez-pas à entamer un dialogue passionné et passionnant avec les responsables du lieu.

Making Soil, Gabriela Albergaria - galerie LMNO 31 rue de la Concorde - 1050 Bruxelles jusqu'au 28 janvier 2023

Gabriela Albergaria, 113 (Brooklyn Botanical Garden), 2016
Gabriela Albergaria, 113 (Brooklyn Botanical Garden), 2016 © Tous droits réservés

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