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Maoupa Mazzocchetti : "Je n’aurais pas fait cette musique si je n’étais pas venu en Belgique"

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Par Guillaume Scheunders

Ce jeudi 19 janvier, l’agence Culte pousse les portes de l’Ancienne Belgique et place quelques-uns de ses joyaux sur scène pour des expériences audiovisuelles qui promettent d’emmener le public vers de nouvelles expériences sensorielles. Parmi eux, on retrouve Maoupa Mazzocchetti, producteur français ayant fait sa place dans la capitale depuis quelques années. Du Berghain aux Nuits Sonores et du Café OTO à La Machine du Moulin Rouge, il a déjà égrainé les salles et événements mythiques pour présenter sa musique maximaliste. Il revient cette fois-ci à l’Ancienne Belgique, accompagné de l’artiste visuel Hospice 1er pour un live qui s’annonce déjà bien physique. Rencontre.

Hello Maoupa ! Comment ça va ? Tu es en pleine préparation du live que tu joueras le 19 à l’AB ?

Maoupa Mazzocchetti : Oui, je suis à Paris pour le moment et quand je voyage je prends à chaque fois du matériel avec moi pour pouvoir jouer. C’est un live qu’on a pas mal joué depuis un an et demi, mais une seule fois en Belgique. J’ai pu le proposer dans de beaux festivals ou de belles salles, souvent très branché·es musique live visuelle. On y joue avec Laurent (Hospice 1er) quelques morceaux du premier volume d’Uxy Dosing et d’autres du second, sorti en 2022.

Pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore, est-ce que tu sais te présenter en quelques mots et raconter les quelques projets que tu as mené ?

M.M. : À la base, je jouais de la guitare dans des groupes en France. Après, il y a 10 ou 11 ans, je suis monté à Bruxelles et j’ai commencé un projet solo de musique électronique. J’ai sorti un premier EP sur Unknown Precept, un label berlinois. J’ai eu de très bons retours et j’ai très rapidement tourné en Europe et aux USA. J’ai enchaîné par un deuxième EP et un LP sur Mannequin Records. J’ai aussi un duo avec un ami de Chicago, Beau Wanzer, sur le label Dark Entries, ça s’appelle De-Bons-En-Pierre et on a sorti trois EPs. J’évolue aussi en tant que DJ, mais je suis beaucoup plus affilié à de la musique live. J’aime bien explorer, j’aime les trucs qui mixent les influences diverses. J’ai toujours voulu mélanger et ne jamais utiliser des recettes pré mâchées, ça ne m’intéresse pas.

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Comment as-tu appris la musique ? Tu as été formé quelque part ou tu es autodidacte ?

M.M. : J’ai fait de la batterie en école de musique dans mon village lorsque j’étais plus jeune. Par contre, j’ai détesté le solfège, donc j’ai fini par arrêter. Après, tous les instruments, je les ai appris tout seul, donc on peut dire que je suis un peu autodidacte, oui. Dernièrement, j’ai exploré les dramaturges un peu plus flamenco, mais toujours en relisant la chose. Je n’ai pas envie de rejouer du Paco de Lucía, j’ai envie de trouver mes propres trucs avec une intention flamenco. Globalement, mon projet Maoupa Mazzocchetti c’est très musique électronique, mais un dans un style un peu plus avant-gardiste.

On te définit souvent comme un “sound sculptor”. Qu’est-ce que ça signifie pour toi ?

M.M. : Je suis obsédé par les textures. Je trouve que c’est vraiment ce qui fait une palette sonore. Essayer d’avoir son propre son, je pense que c’est quelque chose qui nous anime tous en musique. Et j’aime bien dire que je sculpte le son, en effet.

Ça fait un peu un lien avec les arts plastiques.

M.M. : Oui, carrément. La musique est une matière comme une autre au final. J’aime bien que cette matière soit physique, c’est pour ça que le live A/V fonctionne bien avec cet album Uxy Dosing. Il entre dans une démarche un peu plus maximaliste, avec des basses fréquences très puissantes qui offrent une dimension chimique, que l’on ressent dans le corps, c’est mixé de manière très brillante, ça part souvent dans les aigus, c’est très compressé à la manière hyper pop… C’est très dense, mais je ne voulais pas perdre de vue le côté dancefloor où l’on passe un bon moment à danser sur des trucs qui soient parfois déconstruits mais toujours avec du groove, une narration.

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Tu as utilisé le mot “maximaliste”, qu’est-ce qu’il signifie pour toi ?

M.M. : Cet album, Uxy Dosing, on parle beaucoup en disant que c’est de la “deconstructed club music”, mais moi je pense que c’est de la “reconstructed club music”. C’est prendre plein d’influences et les remettre ensemble, les reconstruire. Je ne voulais pas être maximaliste pour être maximaliste. Parce qu’avec ces couches, il faut quand même une narration. Je pense que la musique doit être généreuse. Je fais de la musique pour moi, que je ne sors pas, mais lorsqu’on sort un album, c’est pour qu’il soit écouté par des gens et donc il faut à la fois être généreux pour soi-même, mais aussi pour les gens. Le maximalisme, ça passe aussi par le fait de créer un produit abouti, ce qui n’est pas facile. C’est très difficile de faire des choses très simples, mais aussi de faire des choses complexes. On se laisse vite avoir par des effets de style ou des trucs qui sont inutiles au morceau. J’ai essayé de faire au mieux pour que ça soit quelque chose de maximaliste, mais avec une bonne organisation, que ce soit généreux dans le bon sens du terme.

Quand tu composes, qu’est-ce qui t’inspire ?

M.M. : J’ai des phases d’écoutes et quand je produis j’écoute moins de choses. Je pense que l’influence, il faut la digérer, pas la reproduire. Pour Uxy Dosing, j’étais vachement dans les trucs anglais du début des années 90. Mais aussi des choses plus reggaeton des années 90, ou plus contemporaines.

Le reggaeton, ça fait penser au duo que tu as créé avec Clara ! (Clara ! y Maoupa). Que ce soit dans tes sorties ou dans tes lives, tu as travaillé avec beaucoup de monde. Tu as cette vision un peu “collaborative” de la musique ?

M.M. : Carrément. J’aime bien collaborer, on apprend beaucoup. On est souvent dans notre zone de confort lorsqu’on crée de la musique, et je pense que ce n’est pas négatif. Mais lorsqu’on bosse avec quelqu’un, on voit comment il utilise les instruments, ça donne des idées, etc. Collaborer, c’est apprendre. Et puis c’est honorable que les gens aient envie de collaborer aussi, c’est un partage. C’est beau, parce qu’on arrive à des résultats que seul je n’aurais pas atteints. Ça donne une vision assez lucide sur le morceau.

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Et ça rejoint un peu l’esprit de ta musique un peu expérimentale et avant-gardiste, les collaborations font naître de nouvelles expériences.

M.M. : Oui, exactement. Ça fait même naître des envies dans mes projets solo. Par exemple, sur l’album qu’on a réalisé avec Clara !, j’avais exploré des trucs beaucoup plus produits, beaucoup plus cleans. Ça m’a poussé à faire la même chose sur mon album Uxy Dosing, j’ai cherché à produire de manière plus propre, ça m’a amené à aller chercher dans des genres musicaux très produits.

En plus de cela, tu es à Bruxelles dans une scène musicale qui a énormément à offrir sur ce plan-là ?

M.M. : À fond. La scène musicale en Belgique et à Bruxelles en particulier est un vivier très productif. C’est une ville où il y a plein de possibles, pas comme en France où tout de suite tout est très administratif et très officiel. À Bruxelles, ça bouge beaucoup plus. Il y a des endroits qui ferment et qui ouvrent et ça crée des lieux pour jouer. Ça donne envie aux gens de construire des projets. Je n’aurais pas fait cette musique si je n’étais pas venu en Belgique, c’est sûr. Après, c’est une ville très particulière. Il y a eu une période et une identité très new beat, EBM, puis ça s’est atténué. Et je trouve qu’aujourd’hui il n’y a pas forcément un style très présent en particulier, mais il y a une inspiration de plein de choses qui se font en Europe. Du coup, ça fait un parallèle avec l’architecture, avec la langue, avec plein de choses. C’est une ville, et même un pays universel.

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Pour revenir à ton live de jeudi prochain, à quoi les gens peuvent s’attendre ?

M.M. : C’est un live qui est très basé sur les deux albums Uxy Dosing. C’est une sorte de live assez physique, très maximaliste, avec des sources digitales et analogiques et aussi un système 4K avec des visuels 3D projetés sur l’énorme écran de l’AB. En plus de ça, il y aura des stroboscopes Atomic 3000 qui vont surgir dans le noir complet pour jouer avec la persistance rétinienne et donc casser un peu l’espace, juste avoir ces moments d’impression des stroboscopes qui s’imprègnent sur la rétine avec une atmosphère très hyperactive.

Comment s’est passé le travail avec Hospice 1er, vous avez bossé en binôme là-dessus ?

M.M. : Quand je faisais le premier Uxy Dosing, je lui ai proposé de faire l’artwork. Je l’avais rencontré via des amis et j’appréciais beaucoup son travail, très coloré, très détaillé, très produit aussi. Sa manière d’appréhender la 3D me faisait un peu penser à ma manière d’appréhender la musique puisqu’il a aussi énormément de textures. Le visuel s’est fait facilement et du coup je lui ai demandé de faire un clip sur le morceau que j’ai composé en collaboration avec ZULI. Je l’ai adoré et à partir de là, je lui ai proposé de créer un live visuel. Je trouvais que ça faisait sens. La musique et les visuels communiquent vraiment. Il a donc récupéré plein de rushs du clip et de l’artwork qu’on n’avait pas utilisés, mais aussi quelques-unes de ses créations personnelles. Et tout ça est déformé en live. Je lui envoie des informations sonores via une carte son et lui utilise un logiciel qui récupère toutes les données et interfère sur la vidéo. Ça change le rythme, la texture ou l’intensité, c’est pourquoi le visuel est très lié à la musique jouée en live.

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