Les marges bénéficiaires des entreprises n’ont jamais été aussi élevées, dit la Banque nationale. Un niveau historique qui risque de susciter des débats politiques intenses.
Inflation
En ces temps d’inflation et de crise de l’énergie, le gouvernement a annoncé un plan d’aide pour les ménages et pour les entreprises avec près d’un milliard d’euros de réduction de charges. Les entreprises qui mettaient en garde, avec une telle inflation, on ne pourra plus assumer l’indexation des salaires si on ne nous aide pas, disait la FEB. La lecture des rapports de la Banque nationale montre que la situation n’est pas aussi évidente.
Marges
Pour être précis, la Banque nationale a rendu public les marges bénéficiaires brutes des sociétés non financières, celles qui produisent des biens et des services marchands.
Cette marge bénéficiaire mesure le ratio entre le prix de vente et le coût de production. Donc si la marge reste élevée, comme c’est le cas aujourd’hui c’est que les entreprises ont pu augmenter leur prix de vente pour sauvegarder leurs profits. A l’inverse si la marge baisse c’est que les entreprises n’augmentent plus leur prix autant que leur coût, elles prennent sur leur marge, elles font moins de profit. Jusqu’au deuxième trimestre, à l’été, on a clairement été dans le scénario d’une augmentation des marges qui atteignent un niveau historique. Jamais les entreprises dans ce pays n’ont réalisé autant de profit.
Une situation à nuancer
Est-ce que ça veut dire que les entreprises ne devaient pas être aidées par le gouvernement ? Non, mais cela montre sans doute qu’il ne fallait pas aider toutes les entreprises par des réductions de charges généralisées. Car la situation est contrastée. C’est dans l’industrie que se concentrent ces augmentations de marges. Or au sein du secteur industriel figurent les entreprises de l’énergie qui tirent ces marges vers le haut. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, la Belgique est d’ailleurs le pays qui à perdu le plus d’activité dans l’industrie en Europe, -10%, donc ça veut dire qu’il y a un problème, un vrai risque de désindustrialisation.
Mais la banque nationale identifie aussi des marges particulièrement élevées dans l’industrie pharmaceutique, l’immobilier. Par contre, elle est basse dans l’industrie automobile et la santé.
Autre nuance à apporter : les grandes entreprises ont des marges plus confortables que les petites qui ont parfois des difficultés à augmenter leur prix. Le cas des boulangeries est un bon exemple.
Tensions sur les salaires
Dans les prochains mois la situation risque de se tendre. En janvier près d’un million de salariés vont bénéficier d’une indexation annuelle, c’est-à-dire que les salaires vont augmenter de près de 10% en une fois, ce qui est plus que les pays voisins. Les marges risquent de s’éroder.
Et puis, ce chiffre tombe alors qu’on arrive petit à petit dans la négociation de l’accord interprofessionnel entre patrons et syndicats, qui fixe entre autres l’augmentation des salaires, au-delà de l’indexation et des augmentations barémiques. Les syndicats se mobilisent pour que les entreprises payent des augmentations avec une grève nationale le 9 novembre. Ce chiffre des marges des entreprises va contribuer à leur narratif. Le ministre de l’économie, le socialiste Pierre Yves Dermagne est le premier à suivre cette voie, il a tout de suite tweeté : avec de tel profit il est difficile de dire qu’il n’y a pas de marge pour l’augmentation des salaires des travailleurs.