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Mariages forcés, agressions sexuelles, meurtres : un rapport d’Human Rights Watch documente les violences faites aux femmes LGBTQIA+

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Les femmes lesbiennes, bisexuelles et issues de la communauté LGBTQIA+ en général, ainsi que les personnes non binaires, sont confrontées à la violence et à des discriminations spécifiques dans le monde entier "qui les empêche de construire des relations, des foyers et des familles", a dénoncé l’organisation Human Rights Watch dans un rapport publié le 14 février dernier et intitulé "This Is Why We Became Activists" (Voilà pourquoi nous sommes devenues activistes).

"Un impensé"

Cette enquête, pionnière sur le sujet, a été menée dans 26 pays au plus près des militantes elles-mêmes : 66 personnes LGBTQIA+ ont été interrogées. Les Grenades en ont parlé avec la chercheuse Erin Kilbride, qui a écrit ce rapport.

"Je travaille dans le domaine des droits humains depuis une dizaine d’années, et je mène principalement des enquêtes sur la violence militarisée à l’encontre des militant·es, le droit du travail et le genre. Ce qui m’a frappée dans ce travail-ci, c’est qu’il se concentre sur une question si peu abordée – les droits des femmes lesbiennes, bisexuelles et queer", explique-t-elle. "Les droits des femmes LGBTQIA+ sont impensés au sein de la lutte pour les droits LGBT et au sein de la lutte pour les droits des femmes."

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Human Rights Watch a documenté la violence physique et sexuelle exercée par des membres de la famille, les forces de sécurité ou des inconnus. Le rapport analyse également la manière dont "les régimes juridiques sexistes et patriarcaux tels que la tutelle masculine, les lois sur l’héritage inégalitaire et la discrimination à l’encontre des femmes célibataires violent les droits des personnes LGBTQIA+ et les désavantagent considérablement dans pratiquement tous les aspects de leur vie", peut-on lire.

La discrimination sexuelle existe dans tous les pays et dans toutes les cultures, et elle a un impact sur les personnes et les couples LGBTQIA+ d’une manière particulièrement violente qui n’a pas encore été suffisamment documentée

Erin Kilbride abonde : "Parmi les principaux thèmes abordés lors des entretiens, citons les mariages forcés, les discriminations en matière de propriété et de droits de succession, qui empêchent les couples LGBTQIA+ de commencer leur vie ensemble, les violences policières à l’encontre des femmes présentant une image trop masculine, les agressions physiques et les meurtres de couples LGBTQIA+, ainsi que le manque cruel de financement et de protection des défenseuses des droits humains LGBTQIA+. Ces activistes qui sauvent des vies, parce qu’elles sauvent ces vies, sont confrontées à la violence physique et sexuelle, aux abus verbaux et au harcèlement judiciaire."

Forcées d’épouser un homme

Plusieurs femmes sont citées dans le rapport d’Human Rights Watch dont Liliya, fondatrice d’une organisation LGBTQIA+ au Kirghizistan, qui a été forcée par ses parents à épouser un homme à l’âge de 19 ans. Asante, une lesbienne du Malawi, a quant à elle été agressée physiquement à deux reprises par le mari de sa partenaire bisexuelle, une femme qui souhaite divorcer mais n’a pas les moyens financiers de le faire. Dali, une jeune militante bisexuelle en Indonésie, affirme dans le rapport que sa communauté a perdu "des dizaines de mentors féminins queer qui sont poussées à épouser des hommes."

Selon Human Rights Watch, l’hétérosexualité forcée, la pression exercée sur les hommes pour qu’elles se marient et les pratiques de mariage coercitif sont les abus les plus fréquemment rapportés par les femmes LGBTQIA+ interrogées au Canada, en Indonésie, au Kenya, au Kirghizistan, au Liban, au Malawi, en Pologne, au Sri Lanka, en Tanzanie, en Tunisie ou encore en Ukraine.

Les personnes interrogées font état d’abus tels que le mariage forcé comme technique de "conversion", les punitions infligées par la famille en cas de non-conformité aux critères hétéronormatifs, les abus psychologiques, l’humiliation et l’infantilisation des femmes LGBTQIA+ non mariées ou divorcées.

Violences physiques et sexuelles

La chercheuse Erin Kilbride poursuit : "Notre liste de couples LGBTQIA + qui ont été tués, agressés sexuellement ensemble ou attaqués physiquement au cours des cinq dernières années s’étend par exemple des États-Unis au Royaume-Uni, en passant par l’Afrique du Sud, au Mexique et jusqu’en Irlande. Et ce n’est que ce que nous avons trouvé en quelques mois de recherche. La discrimination sexuelle existe dans tous les pays et dans toutes les cultures, et elle a un impact sur les personnes et les couples LGBTQIA + d’une manière particulièrement violente qui n’a pas encore été suffisamment documentée."

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Ces violences sont également encore trop souvent impunies pour l’organisation, qui cite Sheila Adhiambo Lumumba, lesbienne non binaire de 25 ans, qui a été retrouvée assassinée dans sa chambre à Nairobi en avril 2022. Un examen post-mortem retrouvé par Human Rights Watch a révélé qu’ielle avait été agressée sexuellement, frappée à la tête avec un objet contondant, et poignardée à la poitrine, au visage, au cou et aux yeux. Pendant plusieurs semaines après le meurtre, la police kenyane n’a pas enquêté correctement sur l’affaire, laissant aux amis et à la famille de Sheila le soin de recueillir des preuves et des images de vidéosurveillance.

Des dizaines de mentors féminins queer sont poussées à épouser des hommes

Les personnes interrogées par Human Rights Watch ont déclaré que la violence en public à leur encontre les amène à limiter les moments où elles quittent leur domicile, et à réfléchir si elles sortent avec leur partenaire, ou non.

"Un problème mondial"

Les entretiens menés pour ce rapport montrent en outre à quel point les routes de l’exil sont compliquées pour les parents et les couples LGBTQIA+ fuyant des situations de conflit ou cherchant l’asile pour toute une série d’autres raisons. Les familles LGBTQIA+ sont par exemple confrontées à des obstacles uniques pour être réinstallées à l’étranger en tant qu’unité familiale.

De nombreux régimes d’asile exigent en effet que les couples de personnes réfugiées soient mariés, en partenariat civil ou capables de fournir la preuve qu’elles vivent ensemble dans une relation assimilable au mariage pendant une certaine période avant de pouvoir demander le regroupement, ce qui rend "l’unité familiale incroyablement précaire pour toutes les familles LGBTQIA+ ".

"Il s’agit d’un problème mondial, qui nécessite une réponse à la fois locale et mondiale", souligne encore Erin Kilbride. Face à ces constats glaçants, Human Rights Watch exhorte les autorités gouvernementales à élaborer des lois, des politiques et des protocoles qui protègent explicitement les droits des femmes LGBTQIA+ et des personnes non binaires, notamment pour qu’elles puissent divorcer sans crainte de représailles, de violences ou de perdre la garde de leurs enfants.

Quelle visibilité pour les personnes LGBTQIA+ ? - Les Grenades, série d'été

Les Grenades - Série d'Eté

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