Bruxelles

Marie, prostituée depuis 30 ans, est forcée de quitter le métier car son propriétaire l’expulse

Ceci est une image d’illustration. Tous les jours, Marie attendait ses clients derrière une vitrine comme celle-ci. Même si la sienne était en beaucoup moins bon état.

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Par Clara Weerts

C’est l’une des plus anciennes travailleuses du sexe de Saint-Josse qui a dû fermer boutique hier. Après avoir vendu ses charmes pendant 30 ans, Marie a été mise à la porte hier. Elle avait attaqué en justice son propriétaire, dénonçant l’insalubrité et le loyer excessif de sa carrée. Marie, c’est aussi un caractère fort et une parole libre, tout un quartier qui lui a dit au revoir hier matin.

 

La justice face à Marie

"Des odeurs de moisissures, des champignons, des tuyaux montés à l’envers. Une maison laissée à l’abandon." C’est ainsi que Marie décrit l’endroit dans lequel elle a vécu et travaillé pendant 10 ans. Après tant d’années, elle n’en peut plus et appelle des experts. L’un privé et l’autre de la Direction de l’Inspection Régionale du Logement, ils déclarent son logement insalubre. La DIRL écrit ceci dans son rapport :

Interdiction immédiate de continuer de proposer à la location, mettre en location ou faire occuper le logement.

Marie décide alors de porter plainte contre son propriétaire pour lutter contre la précarité du travail. Elle souhaite se battre contre ceux qu’elle appelle les proxénètes et les marchands de tapis. "Le propriétaire a bien profité de mon argent. Il m’a toujours dit de ne jamais laisser venir quelqu’un inspecter les lieux", raconte Marie. Lorsque le juge de paix vient constater l’état de son logement, il ne déclare rien d’anormal. Elle perd ensuite le procès et est expulsée. A l’approche de l’hiver, Marie se retrouve sans lieu de vie ni de travail. Elle et son avocat Laurent Levi font appel de la décision. Ils espèrent qu’un autre jugement sera rendu au Pénal.

Les traces d’humidité étaient bien présentes dans le logement de Marie.
Les traces d’humidité étaient bien présentes dans le logement de Marie.
Les traces d’humidité étaient bien présentes dans le logement de Marie.

Une figure emblématique et une franche parleuse

Marie ouvrait ses rideaux vers 10 heures et les refermait en fin d’après-midi. Tous les jours, depuis presque 30 ans. Elle avait travaillé en usine, en bijouterie, dans une brasserie. Mais c’est pour la liberté qu’elle s’est tournée, à 37 ans, vers la prostitution. Depuis, elle accompagne ses collègues. Celles-ci lui ont témoigné tout leur soutien lors son expulsion. "Solidarité avec les travailleuses du sexe du monde entier !" voilà ce qu’une dizaine de personnes chantent aux huissiers, alors qu’ils sortent l’estrade de Marie de sa carrée. C’est Iris, une amie et collègue de Marie, qui a organisé l’action. "Je lui dois beaucoup. Elle m’a donné des tickets-restaurants pendant le Covid. On se parle quatre ou cinq fois par semaine. C’est une femme super courageuse. Je ne me voyais pas la laisser seule."

Le statut des travailleuses du sexe

La prostitution n’est pas illégale en Belgique. Mais le proxénétisme et le racolage oui. Le statut des travailleuses du sexe reste flou. Il est impossible de se déclarer comme travailleuse du sexe. Ce qui complique l’insertion dans la société de ces femmes. Iris raconte : "Si la loi était plus claire, on n’en serait pas arrivées là. Des propriétaires encaissent mais ne réparent jamais rien. Et nous, nous ne pouvons pas faire valoir nos droits. Nous sommes enfermés dans cette spirale."

Marie se revendique militante depuis 25 ans. Elle ne compte pas arrêter le combat, malgré sa retraite. "Si les travailleuses du sexe avaient un statut, j’aurais pu être défendue autrement. Mais ici, il n’y a pas grand-chose à faire. J’étais sûre que c’était perdu d’avance. Le juge de paix était contre moi. Pour eux, nous ne sommes rien."

Marie a préféré briser l’omerta et parler des conditions dans lesquelles elles étaient forcées de travailler. Mais elle le savait, en parlant, elle s’assurait de ne jamais retrouver un travail. "Le milieu est pourri. Plus personne ne voulait me parler parce que j’avais osé dire ce qu’il ne faut pas." Elle déclare qu’elle continuera à lutter pour la protection et les droits des travailleurs du sexe. "Si on en avait, des droits, il y a beaucoup de drames qui n’arriveraient pas."

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