"Nous avons atterri au Maroc. Fier de représenter Israël durant cette visite historique". Le message posté ce mercredi par le ministre israélien des Affaires étrangères la reprise concrète des relations diplomatiques entre Israël et le Maroc.
Yaïr Lapid mène durant deux jours la première visite officielle israélienne au Maroc depuis l’annonce de la normalisation des relations entre les deux pays, il y a neuf mois. Il va inaugurer une représentation diplomatique à Rabat (on ne prononce pas encore le mot "ambassade") et signer des accords de coopération entre les deux pays.
"Une trahison envers la Palestine"
Cette reprise des relations avait été négociée par le président américain Donald Trump. Il avait mis dans la balance la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Ce troc avait fait grincer bien des dents, y compris au Maroc, où certains ont évoqué une trahison de la cause palestinienne. Cette visite est "considérée comme une insulte aux Marocains et une trahison envers la Palestine et son peuple", a fustigé le Groupe d’action pour la Palestine au Maroc.
Des relations discrètes, mais continues
L’Autorité palestinienne elle-même avait dénoncé cette normalisation, comme celles conclues ces derniers mois avec d’autres États arabes. Le roi Mohammed VI avait promis la poursuite de "l’engagement permanent et soutenu du Maroc en faveur de la cause palestinienne juste".
La normalisation israélo-marocaine met au grand jour des relations qui étaient restées discrètes mais bien réelles ces dernières années. Les deux pays avaient entretenu des relations officielles durant sept ans, qui avaient été interrompues en 2000, au moment du déclenchement de la seconde intifada palestinienne.
700.000 Israéliens d’ascendance marocaine
Jusqu’à la fondation d’Israël en 1948, le Maroc abritait l’une des plus grandes communautés juives de la région. La grande majorité a émigré vers Israël. Mais les quelque 700.000 Israéliens d’ascendance marocaine ont gardé des liens très forts avec leur pays d’origine.
Le Maroc compte encore près de 3000 juifs, la plus grande communauté d’Afrique du Nord. Jeudi, Yaïr Lapid rencontrera, la communauté juive de Casablanca et assistera à une prière dans une synagogue. Les édifices et cimetières juifs ont bénéficié ces dernières années d’un vaste programme de restauration et de mise en valeur à travers le Maroc.
Malgré l’absence de relations officielles, les voyages entre les deux pays se sont poursuivis : des dizaines de milliers de touristes israéliens, pour la plupart d’origine marocaine, visitaient chaque année le royaume mais devaient transiter par d’autres pays. Des liaisons commerciales directes ont été établies récemment entre Tel-Aviv, Marrakech et Casablanca.
Coopération sécuritaire
Plus discrètement, le Maroc et Israël avaient maintenu des échanges commerciaux et dans le secteur des armes et de la sécurité. En juillet, Le Maroc et Israël ont officiellement signé un accord de coopération en matière de cyberdéfense, portant sur "la coopération opérationnelle, la recherche, le développement et le partage d’informations".
Mais entre-temps, des médias ont révélé l’usage fait par le Maroc du logiciel espion Pegasus, conçu par la société israélienne NSO, pour surveiller des journalistes et des opposants. Rabat a catégoriquement démenti et a lancé des procédures judiciaires.
Yaïr Lapid espère qu’après sa visite, son homologue marocain viendra à son tour en Israël : "Après mon voyage au Maroc, le ministre Bourita viendra en Israël pour y ouvrir une mission", avait-il dit à la Knesset.