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Matières premières, hausses de prix, inflation: la Banque Nationale a mesuré l’impact économique de la guerre en Ukraine sur la Belgique

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C’est un travail conjoint de la Banque Nationale, du Bureau du Plan et du SPF Economie. Il s’agit d’un tableau de bord qui permet de se rendre compte de l’état de la Belgique alors qu’elle subit les conséquences de la guerre en Ukraine. Tout y passe, les finances de l’Etat, le marché de l’emploi, la santé des entreprises, le pouvoir d’achat des ménages, notamment.

Energie, matières premières : de fortes hausses de prix avec des conséquences

Le tableau de bord publié par la Banque Nationale de Belgique plante d’abord le décor, celui d’une forte augmentation prix de l’énergie et des matières premières, soulignant le rôle important de la Russie (et de l’Ukraine) dans toute une série de produits.

On connaît l’importance du gaz russe et celle du pétrole russe. La Russie et l’Ukraine sont aussi de grands exportateurs de céréales et de fer

La Russie, elle, est un acteur majeur en matière d’aluminium (utilisé dans l’industrie automobile), de cuivre, de nickel, de platine (les trois étant utilisés dans les batteries des véhicules électriques), de palladium (utilisé pour réduire les émissions de fumées toxiques), d’uranium et de diamants. 

De quoi, estime la Banque Nationale, engendrer des répercussions sur l’approvisionnement de multiples secteurs d’activité, notamment celui des "technologies vertes". La BBN évoque aussi un "possible impact fort sur l’approvisionnement alimentaire et les prix" ainsi que des prix de l’énergie à un haut niveau pour une longue durée.

Evolution des prix des matières premières depuis février 2022

Evolution, depuis février 2022, des cours de l’or, du cuivre, de l’orge, du plomb, du minerai de fer et de la ferraille, du ferromolybdène, du cobalt, du maïs, de l’huile de tournesol, de la ferraille, du zinc, du blé et du nickel.
Evolution, depuis février 2022, des cours de l’or, du cuivre, de l’orge, du plomb, du minerai de fer et de la ferraille, du ferromolybdène, du cobalt, du maïs, de l’huile de tournesol, de la ferraille, du zinc, du blé et du nickel. © Banque Nationale de Belgique

Peu de contacts économiques directs avec la Russie, l’Ukraine et la Biélorusse, mais des conséquences indirectes importantes

La Banque Nationale relève cependant que l’exposition directe de la Belgique au conflit russo-ukrainien est "limitée". En effet, le nombre de firmes belges qui travaillent directement avec la Russie est peu important et peu d’entreprises ont des activités significatives avec la Fédération de Russie. La Russie ne représente que 0,9% et 1,8% des échanges totaux belges en termes d’exportations et d’importations de biens et services avec le reste du monde. C’est encore moins (0,2% et 0,1%) avec l’Ukraine.

Si l’on prend en considération les trois pays, Russie, Ukraine et Biélorussie, concernés par la guerre et/ou les sanctions économiques, le nombre d’entreprises belges directement exposées dans ces pays est, selon la Banque Nationale, "limité". En 2021, on comptait 1556 entreprises exportant vers la Russie, 1386 vers l’Ukraine et 483 vers la Biélorussie. 

Selon la BNB, le commerce avec ces pays est fortement concentré sur un petit nombre d’entreprises. Ce sont souvent de petites sociétés belges pour lesquelles le commerce avec la Russie, l’Ukraine ou la Biélorussie représente plus de 25% des ventes.

Ce sont donc davantage des conséquences indirectes qui risquent d’affecter la Belgique. Le contexte économique mondial va aussi peser. Les perspectives d’inflation augmentent, la croissance économique sera plus basse et l’Europe sera touchée durement, résume le tableau de bord de la BNB.

La BNB relaie ainsi des statistiques de l’OCDE qui a calculé l’impact qu’une année complète de conflit entre la Russie et l’UKraine aurait sur les différentes zones du globe. En zone euro, la croissance économique serait ainsi plus basse de 1,4%.

L’inflation, elle, devrait finir par se calmer.

Perspectives d’évolution de l’inflation selon divers paramètres

Evolution de l’inflation selon différents paramètres -
Evolution de l’inflation selon différents paramètres - © Banque Nationale de Belgique

Le poids du conflit russo-ukrainien sur l’activité économique belge

"La guerre en Ukraine et l’envolée des prix, notamment énergétiques, pèsent sur l’activité économique de la Belgique", estime la Banque National de Belgique. La croissance de l’activité a été revue à la baisse suite à la guerre en Ukraine, celle-ci ayant des répercussions sur la demande. La Banque Nationale table sur une croissance économique de 2,4% en 2022 et de 1,5% en 2024.

Ainsi, la flambée des prix, surtout ceux de l'énergie, touche le pouvoir d’achat des ménages et leur consommation. Les entreprises investissent également moins. De plus, la croissance des exportations est revue à la baisse.

Pour noircir le tableau un peu plus, la Banque Nationale ajoute une inflation totale "nettement plus importante que prévu" et due, "principalement", à l’augmentation des prix de l’énergie. L’inflation a ainsi été fortement révisée à la hausse, autour des 7,4% au deuxième trimestre 2022 pour revenir, en principe, à 2,2% en 2023.

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Incertitude importante pour les ménages

La Banque Nationale de Belgique mesure que le contexte actuel fait peser une incertitude importante sur les ménages. La hausse des prix, notamment énergétiques, plombe le pouvoir d’achat. La crainte des répercussions économiques affecte aussi les ménages.

Ainsi, l’indice de confiance des consommateurs se situe actuellement en dessous de son niveau de moyenne historique. La Banque Nationale constate que la consommation des ménages est orientée à la baisse pour les années à venir. Pour continuer à consommer, les ménages pourront compter sur le mécanisme d’indexation automatique des salaires et des allocations sociales, qui compense avec du retard la perte de pouvoir d’achat. Les Belges épargneront aussi moins pour payer ce qu’ils ont à payer.

Ce sont, sans surprise, les ménages à plus bas revenus qui sont les plus touchés. La Banque Nationale estime cependant que "le risque de pauvreté n’a pas augmenté en dépit de la hausse des demandes d’aides sociales".

La Banque Nationale note, toutefois, que la confiance des ménages belges s’est un peu améliorée en avril 2022.

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Pas encore de conséquences de la guerre en Ukraine sur l’emploi en Belgique

Du côté du marché du travail, la Banque Nationale constate que les effets de la crise sanitaire sont "en grande partie résorbés". L’emploi, explique la BNB, "n’a jamais été aussi élevé", alors que "le chômage diminue dans les trois régions du pays". La reprise a également concerné les jeunes, les plus de 55 ans, les étrangers non européens et les personnes faiblement diplômées. De nombreux secteurs sont même confrontés à des pénuries de main-d’œuvre.

Le taux de vacances d’emploi est même "historiquement élevé", estime la Banque Nationale. Le volume de travail intérimaire est à son niveau d’avant crise, comme le taux d’emploi des groupes à risque, même si la BNB note "un léger fléchissement des prévisions relatives à l’emploi".

A ce stade, relève la BNB, "on n’observe pas encore de conséquences de la guerre en Ukraine sur l’emploi".

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Le coût salarial atteint un pic, surtout à cause de l’indexation

La Banque Nationale de Belgique confirme une accélération de l’indexation des salaires en 2022, à cause de l’inflation. Plusieurs sauts d’index ont déjà eu lieu et auront lieu cette année.

De quoi, selon la BNB, amener le coût salarial à "un pic surtout dû à l’indexation".

Les coûts salariaux horaires dans le secteur privé vont connaître en 2022 la croissance la plus élevée depuis 1996. Sur trois ans, de 2022 à 2024, cette croissance des coûts salariaux devrait être, selon la BNB de plus de 12%.

Ce contexte inflationniste contribuera à détériorer la compétitivité de la Belgique, note la BNB.

De plus, estime la BNB, l’évolution de l’inflation énergétique, engendrée par la hausse des produits énergétique, plus importante en Belgique que dans ses pays voisins, engendre une inflation totale plus élevée.

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Les projets d’investissements des entreprises en baisse

La confiance des chefs d’entreprise reste positive, explique la Banque Nationale, dans l’ensemble des branches d’activité.

En revanche, "les difficultés auxquelles les entreprises font face sont importantes", ajoute la BNB, épinglant l’aggravation des problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement, la forte augmentation du coût des intrants (énergie et intrants alimentaires) et l’augmentation des coûts salariaux.

Tout cela pèse sur les activités des entreprises et sur leurs projets d’investissements, précise la BNB. C’est dans le secteur du commerce et dans l’industrie manufacturière que la perte de confiance des chefs d’entreprise est la plus nette, relève la Banque Nationale.

Par contre, jusqu’à présent, le nombre de faillites est revenu à son niveau d’avant Covid.

© Banque Nationale de Belgique

Le secteur financier à l’abri pour le moment, mais il faut rester prudent

Du côté du secteur financier belge, la Banque Nationale note que son exposition aux pays concernés par le conflit russo-ukrainien est faible.

Cependant, indique la BNB, les effets d’un "second tour" pourraient se faire sentir. Les risques liés aux crédits accordés pourraient s’accroître en raison de l’impact des prix de l’énergie sur les entreprises et les ménages. Face à cela, les banques pourraient, selon la BNB, durcir les conditions d’octroi des crédits, même si le marché du crédit n’est, à ce stade, pas affecté. Pour le moment, les crédits accordés aux ménages et aux sociétés non financières ont augmenté.

On note que les entreprises qui utilisent intensivement de l’énergie ont contracté des emprunts auprès des banques belges pour un montant de 25 milliards d’euros.

L’impact des mesures économiques prises par le gouvernement se chiffre à 4 milliards d’euros.

Les différentes mesures économiques prises par les gouvernements belges en réponse à l’invasion russe et la flambée des prix de l’énergie s’élèvent à 4,05 milliards d’euros, estime i la Banque nationale de Belgique (BNB). Le gouvernement fédéral a débloqué 3,79 milliards pour son paquet de mesures relatives à l’énergie, des dépenses militaires et humanitaires.

"Avec un déficit budgétaire élevé persistant et une dynamique de la dette à la hausse, les finances publiques étaient déjà fragilisées avant les crises énergétique et ukrainienne", selon la Banque nationale. "La marge pour des mesures destinées à compenser la perte de pouvoir d’achat est limitée. Il est préférable de cibler uniquement les ménages les plus durement touchés et sans fausser le signal prix.", ajoute la BNB.

Actuellement, les mesures de compensation du pouvoir d’achat visent principalement à faire baisser le prix de l’énergie. La BNB note que la marge de manœuvre budgétaire en Belgique est plus limitée que dans les autres pays de la zone euro, en raison d’un déficit budgétaire plus important et d’une dette croissante. Au total, le gouvernement fédéral a débloqué 3,79 milliards pour ses mesures exceptionnelles. Les différentes mesures en matière d’énergie (baisse de la TVA sur le gaz et l’électricité, chèque énergie de cent euros,…) ont coûté 2,47 milliards d’euros. Quelque 450 millions ont également été consacrés à des dépenses militaires et 800 millions d’euros ont été débloqués pour de l’aide humanitaire et l’accueil des réfugiés.

Ce "tableau de l’impact économique de la guerre en Ukraine" dressé par la Banque Nationale de Belgique devrait être mis à jour chaque mois.

 

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