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Matin Première : affaires à Charleroi, autoritarisme... Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS) fait son mea culpa politique

Par Kevin Dero, sur base d'une interview de Thomas Gadisseux via

Son visage et sa voix nous replongent immédiatement quelques décennies en arrière. L’ex-ministre-président du gouvernement wallon (2000-2005), ancien ministre wallon et bourgmestre de Charleroi de 1983 à 2000 était l’invité de Thomas Gadisseux et François Heureux dans Matin Première ce jeudi. :

Qualifié de " fauve politique ", l’ancien poids lourd socialiste et homme fort du Pays Noir est revenu avec eux sur les affaires qui ont ébranlé son parti dans les années 2000, son acquittement, sa vision de la politique actuelle mais aussi l’avenir de la Wallonie.

Mythe de Sisyphe

" On ne parvient pas à se progresser comme on le devrait au rythme auquel on le devrait " assène celui qu’on appelle communément " Van Cau ". Le redressement wallon est donc pour l’ancien ministre-président, une espèce de serpent de mer. Et se rappeler qu’" il y a vint ans, au moment du " Contrat d’avenir ", j’avais tenu des discours enthousiastes. Vingt ans après, (Elio) Di Rupo tient exactement le même discours ". Un mythe de Sisyphe qui, dans la mythologie grecque, devait sans cesse amener au sommet d’une montagne un rocher qui inévitablement dégringolait du côté opposé.

Vingt ans après, (Elio) Di Rupo tient exactement le même discours

Mais l’ancien homme fort wallon, reste optimiste. " On ne recule plus. Il y a plein d’événements favorables (commerce extérieur, le chômage qui diminue…)" dit-il. Au rythme des crises qui s’enchaînent (covid, guerre en Ukraine, coût de l’énergie), ça ne favorise évidemment pas le redressement, souligne le Carolo. Il souligne néanmoins les accords avec les partenaires sociaux derrière les projets… " Quand on aura passé les crises ponctuelles actuelles, lentement mais sûrement la Wallonie devrait reprendre sa marche en avant ".

Legoland remplace Caterpillar

Et l’ancien bourgmestre de Charleroi de se réjouir de l’arrivée du projet Legoland sur le terrain de feu Caterpillar à Gosselies.

Un choc terrible que le départ de Caterpillar pour Van Cau. Le fait que ce soit remplacé par quelque chose de moderne, qui va favoriser le tourisme. " C’est un signe incontestable d’exploit. Il faudra encore d’autres initiatives de ce genre. C’est une belle symbolique, très moderne "

Parvenu ?

Les " affaires carolos ", au mitan des années 2000, ont été un séisme politique considérable. Van Cau, inculpé puis acquitté, a quitté les premières loges de la vie politique wallonne après la secousse. On se souvient à l’époque du discours d’Elio Di Rupo, alors président du PS, sur " les parvenus ". Van Cau s’est-il senti concerné ? Tout d’abord, sémantiquement, il n’est pas d’accord : " On est tous parvenu quelque part. Il voulait parler des profiteurs ou des gens qui abusent de leur situation". Soit. Et sur le fond ? Ben non. " Je ne me sens pas du tout associé à ce genre de situation, d’ailleurs si après m’avoir poursuivi pendant plus de dix ans on n’a rien trouvé à me reprocher c’est quand même que – indépendamment de choses qui se sont passées, dysfonctionnements, attitudes négatives — globalement, on ne peut pas m’imputer ce genre de situation "

On est tous parvenu quelque part

Mea culpa

J’assume une responsabilité morale et politique, d’avoir été le patron d’une région où il y a eu trop de dysfonctionnements

Néanmoins, l’homme politique précise qu’il y aurait eu un accent différent mis sur les affaires carolorégiennes que sur d’autres… " On a été plus dur avec nous à Charleroi que le parti ne l’a été à Bruxelles (affaire du " Samu social ", ndlr) ou à Liège (affaire Nethys, ndlr) ". " C’est une autre époque, un autre temps. A Charleroi, en abattant un homme, on prenait le pouvoir à sa place. Ailleurs, il fallait en abattre beaucoup d’autres ". Une absence de " solidarité " que l’homme fort a remarquée à son égard.

Des sujets délicats sur lequel il revient dans un livre " Van Cau, confidences douces et amères " qui vient de sortir.

Extrait de notre journal de 13h de ce mercredi :

Homme (très) fort

Jean-Claude Van Cauwenberghe a été acquitté. Mais il y a donc eu, selon lui, des dysfonctionnements. Et le socialiste de faire son mea culpa : " Je reconnais une responsabilité morale. Une responsabilité politique. Je n’ai sans doute pas été assez attentif. J’étais le patron. On a connu une situation anormale ". Et Van Cau de se dédouaner : il était à Namur (à la tête du gouvernement) quand les affaires ont éclaté. " N’empêche, j’étais le patron politique. Et c’est pour ça que j’ai assumé les choses et que j’ai démissionné " justifie-t-il.

Van Cau était incontournable dans la plus grande ville hennuyère à ce moment-là. Qualifié parfois d’" empereur ", il ne nie pas une certaine… autorité.

Je n’ai sans doute pas été assez attentif

" Pour diriger une grande ville il faut faire preuve d’autorité […] sinon on ne sait rien faire. J’assume le fait d’avoir été un chef autoritaire de la Ville ". Et de refaire un mea culpa. " On a été excessifs. On ne s’est pas ouvert suffisamment ". O tempora, o mores. L’ancien bourgmestre dit que si c’était à refaire, il agirait différemment. Et ce remis dans l’esprit d’il y a une vingtaine d’années " quand vous obtenez 65% vous pensez que vous avez une caution de l’électeur et l’illusion qu’on vous donne un pouvoir absolu ". Et celui qui avoue volontiers avoir été un " chef autoritaire " de tacler l’actuel président du PS mais aussi bourgmestre de Charleroi Paul Magnette. Selon Van Cau, il aurait " exactement le même comportement autoritaire que moi, sauf que moi je le reconnais et lui, il se… transforme en démocrate". Un pouvoir beaucoup plus assumé (parfois " avec excès ") dans la mémoire de Van Cau.

Fossé

Digression entre Jean-Claude Van Cauwenberghe et Thomas Gadisseux sur la distance qui aurait tendance à s’amplifier entre monde politique et citoyen. Van Cau la confirme. Et de faire appel à ses souvenirs, et à " l’aura qu’avait un bourgmestre, un ministre ". Aujourd’hui, vingt-trente ans après, " elle a quasiment disparu ". Pour l’ancien ministre-président barbu, l’homme politique doit donc essayer de retrouver un dialogue avec le citoyen. Et se réconcilier avec lui.

Des lendemains qui chantent

N’hésitant pas à égratigner des figures socialistes tel que Paul Magnette ou Elio Di Rupo, Van Cau est néanmoins confiant dans un PS à l’avenir radieux. Et pense que la stratégie du Parti socialiste actuelle (toujours plus à gauche, aux confins du PTB) est la bonne. " La ligne du PS payera " juge-t-il. " Et le combat mené par le PS et ses différentes ministres sera reconnu par l’électeur".

La ligne du PS payera

Mais cela passera par un " grand travail de persuasion à faire " souligne l’ancien ministre-président.

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